L'histoire
de mon intérêt pour TRUST est à la fois longue, torturée, paradoxale et
complexe. Mon respect et mon admiration pour ce groupe ne peut pas être mis en
doute mais, comme il est coutume de dire, "qui aime bien châtie
bien". Il me semble nécessaire de situer mon état d'esprit avant de tenter
de relater mes impressions sur cette série de concerts parisiens.
J'ai découvert le groupe courant 1980, peu après avoir
découvert AC/DC. Dès la première écoute de leur opus "Répression" j'ai été subjugué par l'énergie et l'audace
dégagées par ce groupe français et francophone ! L'analyse de ses textes m'a
passionné et me questionne encore aujourd'hui sur notre société et ses valeurs.
Mêmes réactions à l'écoute de l' "Elite",
leur précédent et premier opus.
Le propos insolent et dénonciateur des …disons quatre
premiers opus, me parait le plus souvent pertinent ; cependant si j'adhère
totalement à une grande partie d'entre eux, d'autres me gênent déjà en 1980.
Paradoxalement, j'étais ainsi prêt à soutenir l'existence de TRUST face à des
détracteurs, tout en dénigrant certaines prises de position.
Les pseudo-critiques du milieu musical et des élites
bien-pensantes (toujours les mêmes que de nos jours) prétend(ai)ent dénoncer une
démagogie à propos de certaines chansons qui, certes, dévi(ai)ent de la
pensée-unique en vigueur. Pour ma part je persiste à penser que la part de démagogie
de Bernie porte sur d'autres chansons et s'est amplifiée dans les années 90, en
particulier avec la tournée "Europe
et Haines". En gros, j'adore le Bernie qui dénonce tous les extrêmes
religieux et politiques, ce qui fut le cas en particulier dans les quatre
premiers opus, mais je ne peux pas adhérer à son apologie de certains
personnages douteux de l'Histoire. C'est la raison pour laquelle je me suis peu
à peu déconnecté du parcours, d'ailleurs très chaotique (claquements de portes
incessants), du groupe…
Cette
passion contrariée m'a toutefois permis d'assister à cinq de leurs concerts, le
premier étant celui du 21 novembre 1981 à Blois (41), lors de la tournée "Marche ou Crève", avec Starfighters
en première partie ! J'ai gardé de cette époque le souvenir nostalgique de
concerts comparables avec ce qui était permis d'imaginer en écoutant les 33
tours. Mais, je doutais de revivre tout cela. Cette crainte avait été alimentée
par le souvenir amer de la dernière fois où je les voyais ; c'était au concert du
25 novembre 1989. Impression encore accrue par la suite avec les échos perçus à
l'issue des autres prestations durant les 90's ; même la musique avait perdu
son identité.
Et
puis, vingt-huit années ont passé. Après moult "viens-ici,
fout-le-camp", voici nos deux complices réunis à nouveau et, semble-t-il,
avec les meilleures intentions.
Leur
longue, audacieuse et admirable tournée leur a permis de confirmer leur
popularité dans de nombreuses villes françaises et les voilà enfin pour une
série de cinq concerts à Paname ! Mon calendrier d'automne étant déjà bien
chargé je me suis contenté de choisir deux dates. Choix difficile, j'ai renoncé
au Trianon, à La Maroquinerie ainsi qu'à l'Elysée Montmartre et donc opté pour
les deux autres…
D'abord
le Bus Palladium, car cette salle mythique a accueilli une bonne part
des artistes du monde rock depuis les années 60, alors que je n'y ai jamais mis
les pieds ! Je me disais (naïvement) que le premier concert de cette série
parisienne serait probablement marqué par des particularités pour les
privilégiés entassés dans ce petit club. J'imaginais un concert jusqu'au bout
de la nuit, des invités …
Ensuite
le Bataclan, car je tiens à soutenir cette salle qui vient de renaitre
d'un cataclysme et car, en déclinaison qui me semble logique, j'attends de
pieds fermes que Bernie y chante LA chanson adéquate. En effet, pour moi
"M. Comédie" s'impose à la fois en hommage aux victimes et en rappel
aux amnésiques.
J'attends
donc beaucoup de ces deux concerts ; j'attends de l'émotion, de la rage, de la
révolte, de l'abnégation, de la générosité (durée de concert), de la passion,
de la nostalgie et, (était-ce trop demander ?) pour le Bataclan, un hommage en
chanson. Il s'avèrera que je suis bien trop exigeant.
Le
problème avec la bande à Bernie, c'est que la Légende, les Principes, la
communion avec le public et tout le tralala, c'est de la foutaise. Alors, bien
sûr, on pourra toujours m'opposer que l'artiste est libre et que le public n'a
qu'à suivre ou s'en aller, épicétou. Certes, mais quand-même…
Déjà,
avec le recul sur les deux soirées, comment ne pas remarquer le maigre
programme. Dix titres par soir et puis "au revoir les amis, nous avons notre tisane à prendre". De surcroît,
peu de différence entre les programmes ; en allant au Bus Palladium le public a
eu droit (ô privilège !) à "Chaude
est la foule" et "Instinct
de mort" (wouaaaâh, la vââche !), et en allant au Bataclan, leurs Altesses ont daigné nous accorder "La
mort rôde" et "Le temps
efface tout" (ô làlàààh !), autant dire que côté friandise les
gourmands sont restés sur leur faim.
En
outre, au Bataclan, Trust a eu la bonne idée d'interpréter "Fatalité" (aaâh !) …mais ce fut
sans la fantaisie d'un saxophoniste (oooôh !) qui aurait pourtant ajouté à la
folie du titre et aurait donc été le bien venu pour cet événement… (et qu'on ne
vienne pas m'argumenter du cout d'un musicien de session, d'autant plus que
d'autres fantaisies auront été accordées aux privilégiés du Trianon.)
Pompon
sur le béret : Je suis évidemment très déçu de l'absence de mon très attendu,
tellement indispensable et opportun "M.
Comédie". Au diable les symboles, "L'institution n'a plus d'valeur, pratique l'inceste avec ta sœur"
qu'il disait le Bernie. Ça c'était avant, c'était il y a longtemps !
Ah,
j'allais oublier (et pour cause !), autre décalage avec la réalité : l'hommage
aux victimes du Bataclan était sans doute émouvant, mais la minute de silence
fut d'autant plus facile à respecter que la salle était encore à moitié vide !
L'autre moitié du public, dont moi, mon fils et ma p'tite Fée, et ben elle
était dehors à attendre de pouvoir entrer. Affligeant, juste affligeant.
A
la lecture de ce récit, je ne voudrais pas laisser l'impression de n'avoir rien
apprécié durant ces deux soirées, c'est juste qu'il a toujours un
"mais". J'ai trouvé les musiciens à la hauteur, même si on aurait
apprécié un peu plus de spontanéité et de folie. Bernie chante bien, avec sa
désinvolture habituelle, mais pourquoi a-t-il gommé du répertoire tous les
titres vraiment dénonciateurs des premiers albums ? A la trappe, "Bosser 8 heures", "Idéal", "les Brutes", "l'Elite",
"Le Sauvage", "La Grande Illusion", "Varsovie", "Les sectes", "Toujours pas une tune", et donc
" M. Comédie" (oui j'y
tenais !). Sans compter qu'il aura encore fallu qu'il balance des propos
contestables et pour le coup bien démago (affaire
Traoré qui est loin d'être aussi manichéenne qu'il le dit, ou encore Macron
qu'il est de bon aloi de critiquer bien sûr). En fait, Bernie n'est plus
révolté, il est juste désabusé mais lisse et politiquement correct. Soit il a
oublié qui il était, soit je ne l'ai pas compris. Il y a sans doute un peu des
deux, à mon humble avis.
Le
public a plutôt bien participé, mais aucun rapport avec le public des Insus qui
se démène bien plus et chante tout, à la place du chanteur. Revoir enfin Trust
à Paris après tant d'années aurait pu/dû être une fête, mais au final ça sent
plutôt le pétard mouillé. Et ce n'est pas le magistral et réjouissant "Antisocial" qui aura changé
l'impression globale. Pour le côté exceptionnel, il aurait fallu être au
Trianon, m'a-t-on dit ; bah merde alors, c'est comme au loto, j'ai misé et j'ai
perdu !
Heureusement
Nono sauve le portrait. Sur les deux soirées (un peu plus à l'aise au Bataclan)
il était manifestement ravi et fier d'être là avec le public.
Et
les invités me direz-vous ?
Eh
bien au BP j'ai passé une excellente première partie de soirée avec Klink-Clock; un couple français bien
déjanté et surprenant. La fille, debout avec un ensemble de percussions
atypiques et le mec, avec une guitare ; le tout assurant un bon rock ravageur !
La fille avec son faux-air de Françoise Hardy se révèle en fait comme une
tigresse, sauvage, bougeant, frappant et chantant avec une conviction évidente
! Aucune fioriture, du rock à l'état pur !
Vraiment
une excellente surprise que je demande à revoir !
Quant
au Bataclan, ce fut simplement soporifique. Des belges bien sympathiques mais
franchement décalés qui ne laisseront probablement pas un souvenir indélébile,
ils ont toutefois bénéficié de l'applaudissement poli du public.
Reste
que sur les deux soirées, j'en tire un sentiment contrarié, comme d'habitude
avec Trust. Je suis ravi de les avoir revus en bonne forme, pour interpréter
les titres dans leur jus d'origine (excepté un "Surveille ton look" méconnaissable). En même temps, je suis assez
frustré par un événement qui, à défaut d'être extraordinaire, aura été juste réjouissant.
PROGRAMME
BUS
PALLADIUM
|
BA TA CLAN
|
L'Archange
|
L'Archange
|
Marche
ou crève
|
Marche
ou crève
|
Fais
où on te dit de faire
|
Fais
où on te dit de faire
|
Au
nom de la race
|
Au
nom de la race
|
L'exterminateur
|
L'exterminateur
|
Chaude est la foule
|
La mort rôde
|
Instinct de mort
|
Le temps efface tout
|
Déjà
servie
|
Déjà
servie
|
Démocrassie
|
Démocrassie
|
Surveille
ton look
|
Surveille
ton look
|
Comme
un damné
|
Comme
un damné
|
Préfabriqués
|
Fatalité
|
Rappel :
|
Rappel :
|
Certitude...
Solitude...
|
Certitude...
Solitude...
|
Le
temps efface tout
|
Préfabriqués
|
Antisocial.
|
Antisocial.
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