A priori je ne suis plus enclin, depuis belle lurette,
à assister à une soirée consacrée au "power
metal", qui est une des nombreuses déclinaisons dans le vaste Univers
du Hard-Rock. Avec l'âge, je suis moins souvent d'humeur à sauter comme un
cabri, mais il m'arrive de faire appel à cette source d'énergie, lorsque la
mélancolie me pèse. Je reprends alors volontiers la guitare en carton, je mets
les deux doigts dans la prise, et c'est parti pour secouer la crinière dans le
sac à poussières. Ces accords ébouriffés, ces chants aigus, cette énergie
dévastatrice décrasse les cages à miel, comme disait tonton Zézé ! Dans les
années 80, on évoquait davantage le terme de "heavy-speed mélodique", qui me semble plus approprié que
"power". A mon sens, la
puissance est un euphémisme pour définir tous les styles dans le Hard. Les centrales
motrices que j'apprécie le plus sont Angra, Helloween, Manticora ou plus
récemment et dans une moindre mesure Sabaton.
Mais lors du festival Download, le 15 juin 2018,
j'avais été très impressionné par la prestation de POWERWOLF, dans le cadre de
sa promotion "The Sacrament of Sin"
qui est paru le 20 juillet 2018. Leur concert exprimait en harmonie, la
puissance et l'efficacité avec une rigueur germanique. Les musiciens assumaient
excellemment toutes les partitions notamment avec deux claviers (en comparaison avec Sabaton qui se contente
de bandes-sons). Cette découverte m'avait motivé pour les voir dès
l'automne suivant au Bataclan, avant de constater que ce concert était déjà à
guichet fermé. J'attendais donc avec impatience cette nouvelle tournée. Hélas, ces
allemands ont subi la Pandémie, comme tant d'autres ; ce concert, initialement
prévu le 07 octobre 2021 avait donc été reporté à ce 27 novembre 2022.
Dans l'allée qui mène au Zénith, on pressent que le
public n'est pas venu pour une veillée funèbre. Ça sent la teuf, et la
déraison. Nous partageons la révolte ultime d'un exaspéré qui scande "Libérez la moutarde ! Libérez la moutarde !"
! Revendication parfaitement légitime en ces temps difficiles, que je soutiens
volontiers. Mais finalement elle est peu reprise par les mélomanes venus
chercher d'autres sensations, bien plus forte que la moutarde (bien que
tout soit relatif !).
Dans ce calendrier d'automne très chargé, j'avais
tardé à me procurer mon ticket. Accompagné/motivé par mon fils, je me le
procure au guichet sans difficulté et sans surcout.
Une fois dans l'antre du Loup, c'est la foule des
grands jours, le Zénith, dans sa plus grande configuration, est plein comme un
œuf. Le maximum des 5700 est probablement atteint. C'est rassurant de constater
qu'il reste encore autant de tympans fêlés de nos jours !
Avec mon fils, nous parvenons à contourner la masse
centrale et nous glisser sur la droite de la fosse, sans souffrir de la
perspective, ni de la sonorisation.
WARKINGS [18h35-19h20]
Totalement inconnu de mes répertoires, Warkings est un
groupe international formé en 2018. Avec un nom pareil on sait s'attendre à un
discours guerrier et à une musique qui sonne la charge de la cavalerie. Ces
messieurs sont de ceux qui cultivent le mystère de l'anonymat, mais en
cherchant un peu j'ai appris que le quartet se compose de l'autrichien Georg Neuhauser (alias The Tribune), au chant, et des allemand Markus Pohl (alias The Crusader), à la guitare Chris Rodens (alias The Viking)
à la basse, et Steffen Theurer
(alias The Spartan) à la batterie. Sur cette tournée, ils ont invité la turque Secil
Sen (alias Morgana le Fay) pour
quelques éructations.
Leur premier album, "Reborn" est paru le 16 Novembre 2018. Un quatrième album,
intitulé "Morgana" est paru
le 11 novembre 2022.
Ils bénéficient d'un très éloquent tableau en fond de scène
; le nom du groupe s'affiche en lettres stylisées et énormes au-dessus d'un tas
de crânes, dans un décor apocalyptique. Sur la scène, les musiciens sont entourés
d'étendards et d'oriflammes d'origines hétéroclites.
Mon inquiétude s'accroit lorsque une sorte de forgeron
se présente seul sur la scène encore vide, muni d'une masse un peu kitsch. Il
plombe la scène de quelques coups, un peu comme au théâtre. Apparaissent alors
les personnages d'une pièce qui va se jouer en quarante minutes. Acteurs ou
musiciens, à ce stade on n'en est pas encore très sûr. Ils sont déguisés et
grimés en soldats d'outre-tombe et se cachent derrière des casques de combats,
eux aussi d'époques hétéroclites.
Leur goût prononcé pour la dissimulation (pseudonymes
et déguisements) leur autorise tous les excès gratuits et peu convaincants. Leur
conviction s'affiche à grands renfort de gesticulations, de bruits et de
rythmes lourds. Voir pesants. Heureusement que le ridicule ne tue pas ; et
pourtant un combat contre ce redoutable adversaire pourrait être une autre
source d'inspiration pour leur chansons. Le renfort guttural de Morgana le Fay
sur quelques titres ne changera pas le cours des choses. Pour accentuer mon
malaise, des bandes-son laissent entendre un clavier venu de nulle-part…
Allons, soyons indulgents, le guitariste nous a
cependant allégé l'esprit de quelques jolis soli, et le chanteur n'est pas
mauvais. Pourtant soutenu par un bon éclairage et une bonne sonorisation, WARKINGS
ne sera pas parvenu à me laisser un souvenir impérissable.
Ils pourront se satisfaire de cette valeureuse part du
public (il en faut aussi !) qui a su les ovationner.
Etonnement ils n'ont pas particulièrement promu leur
dernier album puisque sur huit titres,
quatre sont issus de "Reborn" (2018), deux de "Revolution" (2021), un de "Revenge" (2020) et seulement un de
"Morgana" (2022).
PROGRAMME
The Last Battle (Reborn, 2018)
Spartacus (Revolution, 2021)
Maximus (Revenge, 2020)
Monsters (Morgana, 2022)
Fight (Revolution, 2021)
Hephaistos (Reborn, 2018)
Sparta (Reborn, 2018)
Gladiator (Reborn, 2018).
DRAGONFORCE [19h40-20h30].
Je ne connaissais pas ce quintuor de "power metal" formé par les
guitaristes Herman Li et Sam Totman à Londres en 1999, d'abord sous le nom de DragonHeart (1999-2002). Leur
premier opus "Valley of the Damned"
parait le 27 février 2003, soutenu par le label Sanctuary Records. Le quatrième opus "Ultra Beatdown" parait le 26 aout 2008 avec le label Roadrunner Records. Le sixième opus
" Maximum Overload" parait
le 18 aout 2014 avec le label Metal Blade
Records.
DragonForce est reconnu pour illustrer tout
particulièrement le genre par de nombreuses interventions de guitares, dont les
soli longs et rapides sont soutenus par des rythmes effrénés. Les thèmes abordent
le plus souvent des jeux vidéo.
Le quintuor est actuellement composé de Herman Li (46 ans,
guitare, chœurs, depuis 1999), Sam Totman
(48 ans, guitare, chœurs, depuis
1999), Marc Hudson (35 ans, chant principal, depuis 2011),
Gee Anzalone (batterie, percussions,
chœurs, 2014 depuis) et Alicia Vigil
(basse, chœurs, depuis 2022; membre en tournée depuis 2020).
Leur huitième album studio, "Extreme Power
Metal" est paru le 27 septembre 2019.
En fond de scène s'affiche le logotype surmontant un dessin assez flou que, en tant
que profane, je ne parviens pas à distinguer nettement. L'éclairage m'a paru
très lumineux et varié. L'espace scénique est fatalement minoré par celui
réservé à la tête d'affiche mais cependant il est très bien exploité. A chaque extrémité
sont posées des répliques actives de consoles de jeux, telles que nous les
trouvions dans les bars dans les années 80 et 90. La batterie est au centre sur
son piédestal, elle est entourée de deux écrans sur lesquels sont diffusés vous
savez quoi (?)… des images de jeux vidéo bien sûr !
Une excellente sonorisation m'a permis de découvrir et
d'apprécier les talents. La puissance est maitrisée et ne nécessite pas de protection
auditive. J'ai immédiatement trouvé la Porte et distingué toutes les subtilités
harmoniques de cette musique jouissive et entrainante. Le chanteur est doté de
la tessiture requise pour le genre et son charisme rend le personnage
attractif. Il a tenté de baragouiner quelques mots en français mais il a vite
cédé cette fonction à Herman Li qui maitrise parfaitement la langue de Molière.
Etonnant quand on sait qu'il est originaire de Hong-Kong. Ce dernier a par
ailleurs surtout brillé par sa virtuosité à la guitare. Quel talent pour ne pas
confondre vitesse et précipitation ; peu de notes sont omises ! Son complice Sam
Totman excelle notamment à lui donner la réplique dans des duos étourdissants
et très mélodiques. La base rythmique basse/batterie fut d'une efficacité sans
faille, apportant les chœurs en supplément. Alicia Vigil me semble bien
s'impliquer dans les interprétations avec entrain et sourire ; son intégration serait
méritée.
Je souligne leur reprise audacieuse mais très efficace
de la chanson interprétée par Céline Dion pour le film Titanic. A cette
occasion (mais pas seulement), la fosse intensifia encore son excitation dans une
énorme et bienveillante agitation circulaire ! Les corps s'élèvent et sont
portés dans une joyeuse pagaille ! Tous les titres sont pareillement
saisissants de talent et de dextérité des guitaristes, tels que "Cry Thunder"
A ces instants, j'ai une pensée émue pour ceux de mes
chers amis progueux, qui critiquent John Petrucci pour sa rapidité d'exécution
; je serais assez sadique pour les enfermer dans une pièce en leur imposant des
heures d'écoutes de "powermetal" pour leur faire admettre d'une part
que tout est relatif, et d'autre part que même dans la vélocité on peut trouver
de l'émotion… héhéhé… Mais bon, là je m'égare sans doute…
La réaction du public fut à la hauteur de cette messe
pour un bonheur présent ; rondes infernales, joyeuses bousculades et danses
frénétiques ont contribué à l'ambiance festive que n'ont pas manqué de
remarquer les musiciens.
Une prestation enthousiasmante et réjouissante qui
m'incitera assurément à prospecter leur carrière, à l'aune de ce que j'ai
sincèrement aimé ce soir.
Sur sept titres, deux
sont issus de "Extreme Power Metal" (2019), un de "Maximum Overload" (2014), un de "The Power Within" (2012), un de "Inhuman Rampage" (2006), un de "Sonic Firestorm" (2004), de une reprise de Horner et Jennings (Titanic, 1997).
PROGRAMME
Highway
to Oblivion (Extreme Power Metal, 2019)
Three
Hammers (Maximum Overload, 2014)
Fury
of the Storm (Sonic Firestorm, 2004)
The
Last Dragonborn (Extreme Power Metal,
2019)
My
Heart Will Go On (Titanic, 1997/James Horner et Wilbur Jennings, popularisé par Céline Dion)
Through
the Fire and Flames (Inhuman Rampage,
2006)
POWERWOLF [21h-22h45]
Les deux membres fondateurs, Benjamin Buss et David Vogt sont des amis jouant ensemble depuis longtemps dans des
groupes, avant de former Powerwolf en
2003 ; Originaire de Sarrebruck, il a d'abord été soutenu par le label Metal Blade Records, leur premier album
"Return in Bloodred" est
paru le 4 avril 2005. Le groupe est entré pour la première fois dans
les classements officiels allemands en 2009 avec son troisième album, "Bible of the Beast" paru le 27
avril 2009. A partir de 2012, il signe chez le label Napalm Records et leur cinquième album "Preachers of the Night" parait le
19 juillet 2013.
Leur prédilection pour les thèmes et les images
sombres les distinguent des autres groupes officiant dans le power metal
traditionnel. On entend le plus souvent des compositions aux accents gothiques
ou démoniaques et des chansons sur les légendes de loups-garous et de vampires.
Ils utilisent abondamment orgues et chœurs rappelant fréquemment des chants
religieux, citant parfois des expressions en latin, martelés en grimaçant.
Bon, à mon sens on est aux frontières du mauvais goût,
voire du grotesque, je ne sais pas trop s'ils parodient les rites chrétiens
pour s'en moquer en toute démagogie pour correspondre à l'air du temps (c'est sans doute plus facile que de moquer
une autre religion (…), par les temps qui courent !), ou simplement parce
que c'est esthétique. Mais quoi qu'il en soit, je tolère et j'apprécie. Sans
doute en raison du caractère malgré tout festif et entrainant de leur mélodies.
Leur huitième album "Call of the Wild" est paru le 16 juillet 2021.
Le quintuor allemand se compose actuellement de Benjamin
Buss alias "Matthew Greywolf"
(45 ans, guitare, depuis 2003) et David Vogt
alias "Charles Greywolf" (47
ans, guitare, depuis 2003 puis basse, depuis 2011), soutenus par Karsten
Brill alias "Attila Dorn" (52 ans, chant, depuis 2003), Christian Jost alias "Falk Maria Schlegel"
(47 ans, orgue et synthétiseur, depuis
2003), et Roel van Helden (42 ans, batterie, depuis 2011).
La scène est magnifiquement décorée d'une imitation de
ruines médiévales. En fond de scène, un écran géant montre alternativement
plusieurs somptueux tableaux pour illustrer les thèmes des chansons. En
surplomb trônent sur la gauche le clavier et, sur la droite la batterie,
laissant un accès central d'où les musiciens accèdent à la scène. Un orgue
imposant sera déplacé temporairement sur le devant de la scène. L'éclairage restera
dans les teintes relativement sombres mais suffisamment lumineuses pour les
chasseurs d'images, d'autant plus que les nombreux effets pyrotechniques
viendront fréquemment illuminer encore davantage le spectacle. On a l'impression
à cet égard que les allemands se sont inspirés de Rammstein pour l'usage
judicieusement contrôlé des flammes.
La section basse/batterie fut certes puissante,
suffisamment pour m'inciter à protéger mes oreilles, mais pas dans l'excès. La
sonorisation m'a semblé équilibrée et audible.
Dès l'introduction, le ton est donné. Le son d'une
cloche anticipe la chute du rideau estampillé au logotype du groupe. Au fond de
la scène, une herse coulisse verticalement pour laisser apparaitre, sur un
thème musical sourd, lugubre et martial, les musiciens précédés chacun de deux inquiétants
personnages vêtus de pèlerines à capuchon, munis d'une torche. Effet garanti
sur l'auditoire impatient. La herse redescend, les huit porteurs de flamme ont
à peine le temps de s'éclipser de la scène que le titre "Faster Than the Flame" ne laisse
aucun doute sur le déluge sonore à venir.
Le concert sera une suite de titres tous plus épiques,
phénoménal et entrainant, au rythme d'une cavalerie infernale. Le batteur ne
chôme pas, je vous le garantis.
Contrairement à DragonForce, les instrumentistes de Powerwolf ne s'inscrivent pas dans un concours de virtuosités individuelles, ni de vitesse d'exécution, ni de sourires, mais davantage dans un cadre collectif, martial et solennel. La prestation impressionne par sa force dévastatrice et son univers très chantant et mélodique, que la voix de ténor de Karsten illustre à merveille. D'ailleurs le public ne s'y trompe pas et chante à tue-tête, en
particulier lorsque la "Bête du
Gévaudan" est racontée en français ! Même si lorsque Karsten Brill chante
en allemand ou en latin (Stossgebet),
c'est sans doute plus compliqué.
En fait, si les deux guitaristes fondateurs se
montrent relativement sobres (quoique) c'est Christian Jost surtout Karsten
Brill qui par leur charisme haranguent le public avec grande efficacité. Karsten
sait user toutes les ficelles du genre pour exciter et faire participer les
admirateurs. Lorsque les refrains ne s'y prêtent pas (autant dire jamais !) Karsten fait chanter alternativement la
partie gauche et la partie droite de la salle, ou sépare les hommes des femmes
pour leur faire valoir leurs capacité à chanter ou à hurler, c'est selon. Bref,
comme il aime à le répéter on est là pour fêter le heavy metal !
Une courte pose permet à l'auditoire de réclamer un
rappel qu'il obtiendra sans trop forcer tans le plaisir est communément
ressenti. Trois titres terminent le programme toujours avec le même entrain.
Pour le dernier "Werewolves of
Armenia", Karsten galvanise encore les chœurs dans la salle en les
incitant à hurler les "hou", "ha" adéquates sur l'air slave
de la chanson.
Sur dix-huit
titres, quatre sont issus "Call of the Wild" (2021), cinq de "The Sacrament
of Sin" (2018), trois de "Blessed & Possessed" (2015),
deux de "Blood of the Saints" (2011),
deux de "Preachers of the Night" (2013),
un de "Bible of the Beast" (2009),
et un issu du monoplage "Sainted by the Storm" (2022).
PROGRAMME
Faster Than the Flame (Call of the Wild, 2021)
Incense & Iron (The Sacrament of Sin, 2018)
Cardinal Sin (Preachers of the Night, 2013)
Amen & Attack (Preachers of the Night, 2013)
Dancing With the Dead (Call of the Wild, 2021)
Armata Strigoi (Blessed & Possessed, 2015)
Bête du Gévaudan (Call of the Wild, 2021)
Stossgebet (The Sacrament of Sin, 2018)
Demons Are a Girl's Best
Friend (The Sacrament of Sin, 2018)
Fire and Forgive (The Sacrament of Sin, 2018)
Where the Wild Wolves Have
Gone (The Sacrament of Sin, 2018)
Sainted by the Storm (monoplage, 2022)
Army of the Night (Blessed & Possessed, 2015)
Blood for Blood (Faoladh) (Call of the Wild, 2021)
Let There Be Night (Blessed & Possessed, 2015).
RAPPEL :
We Drink Your Blood (Blood of the Saints, 2011)
Werewolves of Armenia (Bible of the Beast, 2009).
Exténués, nous sortons ravis par cette nouvelle
grand'messe du metal pur et dur. Powerwolf
a confirmé sont solide statut de Maître en son genre et ne m'a pas déçu ; c'est
puissant, c'est mélodique, c'est esthétique. Toutefois, je reste fortement
marqué par cette belle découverte que fut DragonForce
desquels j'aurai probablement moins de scrupule à me procurer leurs albums. Par
ces temps d'austérité, je m'abstiens de tout achat à l'échoppe, même si le
t-shirt astucieusement floqué pour ce concert de Powerwolf au Zénith de Paris
est bien tentant.