L'année dernière déjà je m'étais rendu coupable de
ne pas faire le déplacement alors qu'au moins deux groupes (Pendragon et
Special Providence) m'intéressaient vivement. L'affiche de cette année étant
encore plus séduisante, je suis parvenu à mes fins. Malheureusement, ma p'tite
Fée n'a pas pu m'accompagner. Il faut dire que cette année, le calendrier des
festivals d'été est plus chargé que d'habitude.
Les organisateurs ont beaucoup de mérite et de
pugnacité pour parvenir à faire venir des artistes et leur public dans un
endroit relativement reculé (à quatre heures
de Paris, par exemple). En conséquence, le public était peu nombreux mais
motivé.
Mon hôtel est à moins d'une demi-heure du site (La Filature, Héricourt, 70) ; il est bien sympa et pas trop cher, la logistique de base est ainsi assurée.
SAMEDI
5 AOUT
Météo
: éclaircies, avec un petit vent agréable venant modérer une température élevée
(28°C).
De 18h à 19h : CHILDREN IN PARADISE. Dam Kat (chant, guitares), accompagnée de Gwalchmei (guitares), Frédéric Moreau (batterie) et de Loic Blejean (Cornemuse, flutes), continue
la promotion de son 2ème album "Morrigan" paru le 29
Février 2016.
La
bretonne est manifestement très inspirée par les très anciennes légendes celtiques.
La musique et les paroles rendent hommage aux guerriers celtes et autres
histoires apparentées.
Présenté
par le festival comme "Fer de lance du néo prog français", CHILDREN
IN PARADISE ne m'a cependant que partiellement convaincu. Les bandes sons de
basse et de clavier pour combler les absences de musiciens auront sans doute contribué
à ma perplexité.
Kat
dispose d'une jolie voix et propose une vraie qualité d'écriture de de
composition. Cette musique pourrait sans doute, à mon humble avis, produire une
meilleure alchimie dans un cadre plus intime et entouré au moins d'un bassiste.
Son
guitariste est remarquable, avec un jeu plus metal que prog à mon avis. Des
gens bien informés m'indiquent que le précédent titulaire de ce poste n'était
autre que Pat O'May. Comme le monde est petit ; c'est lui que j'aurai le
plaisir de découvrir prochainement sur la scène du Crecendo !
En
tout état de cause, cet apéritif breton fut de bon aloi !
Titres : Esyllt, …
De 19h30 à 20h30 : LIGHT DAMAGE. Ce groupe semble être basé au Luxembourg mais comprend
également des musiciens belges et français. Nicholas-John Dewez (chant, guitare) est entouré de Stéphane Lecocq (Guitare), Frédérik Hardy
(Basse), Sébastien Pérignon
(Claviers) et Christophe Szczyrk (Batterie),
mais aussi d'une mystérieuse et très jolie Astrid
mentionnée nulle part et dont l'apport n'est pourtant pas négligeable. Cette
place de strapontin mériterait mieux à mon sens …
Ils promeuvent un premier opus éponyme paru en 2014.
Ils ne cachent pas leurs inspirations parmi lesquelles Marillion, mais sans
plagiat excessif. Il faut dire que, depuis 2005 ce groupe s'est longtemps tenu
à des reprises et que c'est avec leur premier album qu'ils commencent à se
forger une personnalité. D'ailleurs, il sera suivi d'un deuxième dans quelques
mois.
Ce groupe luxembourgeois me semble en tous cas très
prometteur. Personnellement j'ai particulièrement apprécié le guitariste et le
bassiste. Le chanteur un peu moins ; il chante plutôt juste mais il m'a semblé
qu'il manque de coffre. Peut-être un effet de sonorisation (cette impression
s'estompe à l'écoute du CD). En tout état de cause, outre leurs qualités de
musiciens, ils sont très abordables, humbles et sympathiques encore dotés d'une
fraicheur d'esprit très agréable à partager. La séance dédicace (de l'opus que
j'ai acheté) fut l'occasion de s'en assurer !
Ce deuxième groupe est une bien belle révélation
pour moi ; les anciens qui m'entourent m'assurent les avoir déjà vus au
Crescendo et au ProgEnBeauce. Ils se forgent donc une solide expérience
scénique avant, qui sait, de récolter une meilleure notoriété.
Titres : Empty – Touched - Shadow of
the hierophant - …
De
21h à 22h : LAZULI. Depuis quelques
années j'attendais ce moment de pouvoir assister à leur concert !!! La France se
montrant trop peu réceptives à leur musique, ils jouissent en attendant d'un
réel succès dans les autres pays qui ont la chance de les accueillir …
Dominique
Leonetti (chant, guitare) et Claude Leonetti (Léode) tiennent la maison depuis
1998 mais ils sont entourés désormais de Gédéric Byar (guitare, depuis 2004), Romain Thorel (claviers, cor d'harmonie, depuis 2010) et de Vincent Barnavol (batterie, marimba,
percussions, depuis 2010). Les albums se succèdent avec une richesse musicale
et littéraire jamais démentie. Depuis 2016, le groupe promeut le superbe opus
"Nos âmes saoules".
En
1986 pourtant, un accident de moto aurait pu stopper le destin du groupe ;
Claude fut ainsi privé de son bras gauche (et donc de sa précieuse guitare). Mais,
à force de ténacité et d'ingéniosité, une alternative inédite fut trouvée avec
la création de la Léode, avec laquelle il produit désormais un son si typique
du groupe maintenant !
Le
concert fut à la hauteur de mes espoirs ; de l'énergie communicative, des
mélodies enivrantes, une communication enthousiaste et sincère avec le public,
bref tous les ingrédients d'une fête réussie ! Dominique n'hésite pas à se
rendre dans le public pour entretenir l'enthousiasme.
Une
brève panne de sonorisation est venu brièvement troubler la messe, mais fort
heureusement la leur n'aura pas duré davantage que quelques secondes. (Gens de la Lune subira bien pire le
lendemain !)
Les
échanges sont d'autant plus intenses que le public français peut ENFIN partager
les émotions EN FRANÇAIS. Qui plus est sur des textes intelligents et engagés.
Les thèmes de sociétés, écologie et politique, sont abordés avec sincérité et
pertinence. Personnellement j'adhérerais encore davantage si les textes
dénonçaient tous les excès (politiques et religieux en particulier) mais leur
liberté artistique ne peut pas satisfaire toutes les sensibilités du public,
c'est évident ! Depuis mes années '80, durant lesquelles je récitais
inlassablement les textes de Bonvoisin et autres Aubert, je n'avais plus
retrouvé pareil intérêt !
De
surcroit, ces personnages sont des êtres sympathiques, abordables avant,
pendant et après le concert ! Ils semblent encore dotés de cet état d'esprit ouvert
et heureux de partager leur passion ! Autoportraits, poignées de main, sourires
ne peuvent que m'inciter à les soutenir ; ce que je fais en achetant leur DVD,
qu'ils me dédicacent volontiers bien évidemment !
Bref,
je suis conquis par les hommes et par leur musique. Reste à obtenir de plus
fréquentes visites en France. Pour l'instant de rares prestations provinciales
ponctuent leur parcours ; Paris attend depuis bien trop longtemps …
Titres : Le miroir aux alouettes - Le temps est à la rage - …
De 22h 30 à 0h15 : MAGMA. Voici la cinquième fois
qu'il m'est permis d'assister à leur concert. En cette fin de longue journée,
j'ai tardé à trouver la fameuse "Porte" si chère à mon guide dans cet
univers particulier. Mais avec le déclic finit le plus souvent par intervenir
avec ces maîtres des sons !
Les nombreux adeptes arborant fièrement le sigle de
Magma ont quant à eux rapidement manifesté une grande satisfaction ; l'éclairage fut bien
trop sombre mais la sonorisation fut juste excellente. Les différents
pupitres furent audibles laissant ainsi libre court aux évasions des esprits
venus s'enivrer de ces atmosphères !
Les longues et très techniques pièces mélangeant
rock, jazz d'avant-garde et chants peuvent paraitre rébarbatives et hermétiques
aux non-initiés (j'ai observé le public maigrir durant la prestation) mais la
persévérance finit par payer et le rappel "Zombies" fut pour moi un
vrai bonheur !
Christian Vander, vissé derrière sa batterie,
semble imperturbablement guider cette formation dans un univers qu'il a créé de
toutes pièces : le Zeuhl. Ses sept fidèles complices brillent de mille feux par
leur talent respectif mais, comme d'habitude c'est encore le jeu hallucinant de
Philippe Bussonnet qui focalise mon
attention. Cette observation me rappelle que son départ d'Electric Epic
(Guillaume Perret) est bien regrettable ; certes il est désormais
présent dans Wax'in, mais la musique d'Electric Epic me semblait plus
accessible.
Quoiqu'il en soit, après le rappel, le sauvage (ou
timide, comme on voudra) Christian et son groupe quittent la scène sans
attendre les compliments sans doute sincères de l'organisateur.
La foule se disperse pour aller se reposer avant la
seconde journée qui s'annonce très intéressante également !
DIMANCHE
6 AOUT
Météo : Le soleil est beaucoup plus présent que la
vielle, mais sans couverture nuageuse la fraicheur s'installe dès la tombée de
la nuit.
Un
public est moins nombreux que la veille, pourtant je discute avec des
festivaliers qui n'arrivent qu'aujourd'hui ; il y a eu un brassage de
population, semble-t-il !
Je
passe l'après-midi à assister aux répétitions de quelques groupes ; avantage de
ce genre de p'tit festoche où beaucoup de préparations restent accessibles !
L'occasion aussi de bavarder avec d'autres passionnés à la terrasse des cafés
des alentours ! Ce sont mes vacances avant l'heure …
De 18h à 19h : LA
FABBRICA DELL' ASSOLUTO. Pour présenter mon contexte, je dois préciser que
je ne connais que depuis peu le rock italien : seul No-Sound avait attiré mon
attention depuis 2007. Ce n'est qu'en 2015 que j'ai creusé un peu plus le sujet
en découvrant PFM, Le Orme puis RanesTrane. Toujours séduit par le chant dans
la langue maternelle, ces trois derniers groupes ont logiquement attiré mon
attention. Voilà pour mon état d'esprit avant de découvrir ce nouveau groupe
transalpin.
Claudio Cassio
(chant), Daniele Sopranzi
(chitarra), Daniele Fuligni
(claviers), Marco Piloni (basse) et
Michele Ricciardi (batterie)
viennent de Rome. A la différence de leur compatriote RanesTrane qui s'inspire
du cinéma, La Fabrica a développé en 2015 un album concept inspiré du roman
"1984" de George Orwell, d'Orson Wells.
Musicalement,
la musique est plutôt musclée, me paraissant plus proche du progmetal.
J'apprécie de nombreux passages mais mon attention est surtout attirée par la
prestation du clavier doté d'un matériel impressionnant. En revanche, le
chanteur, hormis le charisme inné chez les italiens, ne m'a pas paru doté de
qualités extraordinaires ; pas de timbre particulier. Il chante juste, ce qui
est déjà bien, mais sans profondeur. Autre écueil, lié sans doute à la jeunesse
du groupe, les compositions manquent de fluidité ; les pupitres exécutent leurs
partitions, avec talent souvent, mais elles ne s'enchainent pas suffisamment
pour enthousiasmer complétement l'auditoire.
Mais
je veux bien croire qu'avec un bon entourage, il y aurait de quoi faire un bon groupe.
Titres : La canzone del castagno - …
De 19h30 à 20h30 : TRISTAN DECAMPS. Clavier au sein du légendaire groupe français
Ange, Tristan Decamps a la chance d'être doté d'un organe vocal exceptionnel.
Il aurait bien tort de négliger ce talent. Cependant, seul avec son clavier sur
la scène du festival, il ne m'aura que partiellement intéressé.
Bien que réceptif au chant en général, j'ai en
effet eu un peu de mal à accrocher à la prestation. C'est parfait sur le plan
vocal. Il chante avec beaucoup d'émotion et invite son auditoire à un grand
voyage dans un monde de poésies, parfois issu du répertoire d'Ange. Même de
Michel Polnareff.
J'ai pu observer des larmes sur certaines joues
mais pour ma part je confesse avoir souvent ressenti de l'ennui ; il faut
croire que je n'étais pas disposé à entrer dans cet univers aujourd'hui.
De 21h à 22h : GENS
DE LA LUNE. Créé en 2005 par Francis Décamps
(clavier), et Jean Philippe Suzan (chant),
le groupe s'est stabilisé en 2009 avec Damien Chopard (guitare), Mathieu Desbarats
(basse) et Cédric Mells (batterie).
Deux opus précèdent l'album concept Épitaphe (en hommage à Léon Deubel un poète
natif de Belfort).
Groupe local, il était logique qu'il soit présent et
dans les meilleures conditions sur la scène de Villersexel. Pourtant, alors que
la sonorisation n'a pratiquement pas failli durant le festival, les malheureux affronteront
quatre pannes qui auront finalement le dernier mot.
Concert écourté, donc ; vraiment très dommage, car
à l'instar du public conquis, j'étais ravi de découvrir ce groupe français qui
me parait très prometteur… avant que ce souci technique ne vienne tout gâcher
après le troisième titre. Il semble bien que les claviers de Francis soient à
l'origine des pannes.
Les compositions sont séduisantes et les musiciens
ont malgré les ennuis techniques eut le temps de montrer leur talent.
Compréhensif, le public a redoublé ses acclamations
de soutien. A mon humble avis, Gens de la Lune a gagné son ticket de retour
pour l'année prochaine…Ce ne serait que justice.
Mais alors qu'ils quittent la scène, dépités, le
public et les organisateurs s'inquiètent déjà de la technique pour accueillir
les prestigieux et tant attendus suivants de l'affiche. En fait, tout se
passera très bien.
De 22h30 à 0h20 : CARAVAN. Pye Hastings
(guitare et chant depuis 1968), Geoffrey Richardson
(violon, guitare et flutes depuis 1972), Jan Schelhaas (claviers depuis 1975), Jim Leverton (basse depuis 1995) et le dynamique Mark Walker (batterie et percussion depuis
2010, il a définitivement remplacé de co-fondateur Richard Coughlan, mort
d'une pneumonie en 2013).
D'autres cofondateurs, Richard Sinclair (basse et
chant entre 1968 et 1992) et Dave Sinclair (clavier de 1968 à 2002) errent malheureusement,
d'après ce que j'en sais, sous d'autres cieux. Par principe autant que pour
leur talent, on serait en droit de regretter leur absence. Mais honnêtement, de
mon modeste point de vue, se serait faire offense à leurs remplaçants qui
assurent parfaitement leur rôle… et tant pis, donc, pour la légende … De toutes
façons c'est bien connu ; "les absents ont toujours tort".
Ainsi donc, pour clôturer cette édition 2017, le
festival nous suggère ce groupe mythique, prestigieux pilier du rock de
Canterburry ! A l'instar de l'annonceur je peux confirmer que CARAVAN "c'est
l'assurance de vivre un moment unique où qualité, émotion, virtuosité seront au
rendez-vous !" Pour parfaire le contact avec le public conscient du
privilège, Geoffrey Richardson ne se contente pas d'être le virtuose du violon
; il parle assez bien français et a ainsi constamment essayé d'expliquer les
chansons et d'échanger avec le public.
"In the Land of Grey and Pink"
puis "Golf Girl" chantés en rappel auraient pu être mes seules
sources de satisfaction du concert, mais en fait, toute la prestation fut un
enchainement de plaisirs sans pause ! Des titres de longues durées développent
de délicieuses atmosphères alternant les rythmes aux limites du jazz, du rock
et du blues, voire de la funk, bref, à l'essence même du rock progressif !
Contrairement à mes craintes, l'absence des
Sinclair n'a pas altéré l'interprétation des titres car en gardien du temple,
Pye (70 ans) veille au grain : tous ont un talent convaincant qu'ils mettent au
service d'une légende encore vivante. Il suffisait de prendre connaissance du
pedigree des musiciens pour se rassurer ! Jan Schelhaas (69 ans !) : ex-Thin
Lizzy puis Camel ! Jim Leverton (70 ans !) : ex Jimi Hendrix et Rory Gallagher
notamment !
La musique entendue ce soir est une évolution qui
ne renie rien des origines du rock progressif que Caravan a largement contribué
à promouvoir dans les années 70.
Voilà le festival se clôt donc sur une prestation
historique.
Fatigué mais la tête pleine de bons souvenirs, je
me lance vers les quatre heures de routes qui me séparent de Paris…
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