Le Cunégonde Tour, qui vient de
célébrer les cinquante-cinq années d'une légende française, s'achève par ces
deux dernières dates, ce vendredi 31 janvier et demain le samedi 1er
février 2025. Mais l'émotion sera accrue par l’ultime révérence du
poète-chanteur, fatigué après une vie d’ange bien remplie…
Dès le 7 janvier 2020, il annonçait déjà aux média : (ici) "Je crois en l’éternité à travers les autres, ceux qui prendront la suite après, j’espère, et qui feront que Ange sera un artiste intemporel, qui va perdurer et rester friand de découvertes. C’est un bonheur indescriptible. J’espère que mon fils prendra la relève après moi. Ange, c’est aussi un terrain vague où des gamins s’amusent, c’est un terrain de jeu. J’espère qu’après moi ils se retrouveront sur le tas de sable et qu’ils continueront. Ils ne sont pas obligés, mais je souhaite qu’ils en aient l’envie."
Plus récemment, ce 25 janvier : (ici) " Je compare toujours ça à Peugeot ! Ange, c'est une marque puisque le nom est déposé à l'INPI... ça, c'est le côté moins poétique, mais c'est pour préserver le patrimoine. Et finalement, je transmets. Depuis que le père Peugeot a inventé sa première voiture, il y a bon nombre d'ouvriers qui ont traversé les usines et la marque perdure. Il y a toujours ce lion. Ange, c'est un peu pareil. Et comme mon fils et moi, on est nés sous le signe du lion..."
Ainsi soit-il.
PETITE BIO DE RAPPEL : Depuis 1969, grâce à la persévérance
de Christian Décamps (78 ans), ANGE
perdure avec son univers à part, poétique et inclassable. Ce groupe a connu un
notable succès dans la France des 70's, et a été soutenu par des journalistes
spécialisés tels que Hervé Picart. Puis les signalements médiatiques se sont
estompés. Christian Décamps, aime rappeler avec malice "Nous sommes le groupe français le plus
célèbre... à être passé inaperçu" (07/01/2020).
Il faut admettre aussi qu'outre l'inculture et le peu de curiosité des
prétendument "grands" média
français, des querelles fratricides et des claquements de portes n'ont pas
favorisé leur notoriété.
L'effectif s'est toutefois stabilisé depuis une bonne
quinzaine d'année, puisque Christian
Décamps (chant, claviers depuis
1970, seul membre fondateur, donc),
est entouré de Tristan Décamps (son
fils âgé de 52 ans, claviers, chant et chœurs depuis 1997), Hassan Hajdi (59 ans, guitare et chœurs depuis
1997), Thierry Sidhoum (basse depuis
1997), et Benoît Cazzulini (44 ans, batterie
depuis 2003, neuvième titulaire du poste,
quand même !). Avec l'intégration de Séraphin Palmeri (claviers additionnels, depuis 2023), ANGE est ainsi
actuellement un sextet. Ce nouveau venu n'est pas un novice puisqu'il a
participé à seize groupes, dont celui d'Hassan Hadji et a collaboré deux fois
avec Caroline Crozat-Placier (choriste d'Ange, de 2001 à 2010).
En ce qui me concerne, mon indigent parcours initiatique fut lent, avant de les voir sur scène une première fois le 4 juin 2018 au Café de la Danse (ici). Pourtant, mon entourage et mes lectures m'ont souvent évoqué, durant les années 80 notamment, ces musiciens français et francophones. Mais ANGE demeura parmi tous ces artistes que je tarde encore à prospecter. De surcroit, je confesse qu'il aurait conservé ce triste statut, sans la prestation d'Hassan Hadji au sein de BAND OF GYPSIES, sur la scène du Raismesfest le 9 septembre 2017 (ici) ! Cette révélation m'a permis d'ouvrir enfin la Porte. Nonobstant, je les revois volontiers pour un sixième concert, ce soir.
En nous procurant les tickets, nous avions conscience
de prendre l'Ascenseur pour émotions garanties ; nous ne serons pas déçu, … si
tant est que d'assister à une fin d'aventure, soit de nature à satisfaire qui
que ce soit ...
Nous avions tardivement (le 10 octobre 2024) réservé des places restantes, trop heureux de
saisir cette opportunité, après une première annonce de guichet complet. En
contrepartie, nous sommes placés en rang 20 (place 31), c’est-à-dire
pratiquement dos au mur de la profonde mezzanine de l'Olympia. Nous sommes
ainsi placés un peu loin de la scène donc, mais fort heureusement l'acoustique
de la salle est à la hauteur de sa réputation, et nous avons très bien perçu
les sons.
Le bonheur se partage. A défaut d'être un ange, je me
suis entouré de deux Elles ; ma P'tite Fée et une collègue amie, qui est
admiratrice de longue date. Quant au reste du public, il faut bien admettre que
la moyenne d'âge est (très) élevée ; les têtes cendrées, blanches ou chauves,
les barbes hirsutes, les rides, les béquilles et autres lunettes sont légion.
Mais un point commun nous réunit tous ; nous avons tous réussi à conserver un esprit
d'adulescent. L'élite fortunée et mondaine du quartier, qui remarque à peine
notre file d'attente, n'imagine pas un instant son malheur. Voltaire disait
"La poésie est une espèce de musique
: il faut l'entendre pour en juger" et j'ajouterais modestement "et vice et versa". Bravant le
mépris, la pluie et le froid, nous nous sommes réunis pour célébrer l'ultime
messe présidée par le Poète franc-comtois.
[Mode
grognon]. Mon plaisir est cependant
un peu ternis par le sentiment d'injustice à l'égard de l'auditoire de ce soir.
En effet, les plus passionnés ont acquis le ticket qui vantait un "ultime concert avec Christian" ;
ils sont en droit de se sentir frustrés par l'ajout, même prévisible, d'une seconde date. A défaut de pouvoir assister
aux deux séances, voilà ces vaillants admirateurs récompensé par une avant-dernière,
ce qui n'a pas la même saveur, bien évidemment. Une seconde date ouverte par
Pat O'May, de surcroit ! J'aurais été ravi d'assister de nouveau à un concert
de Pat O'May ! Mais bon… soyons bon public, il y a pire comme situation hein …
AURELLE KEY [20h00-20h20]. https://www.labophonic.com/aurellekey
Aurelle Key est une chanteuse française de soul et de blues, dont la voix m'a
semblé chaude et veloutée. Son premier album intitulé "Vagabonde", paru en 2024, a été
co-écrit avec son partenaire à la scène, et donc présent ce jour, le guitariste
et chanteur Alex Bianchi, dont le
timbre de voix n'est pas sans rappeler celui de Baschung.
Sympathique prestation du
duo, que le public applaudit, comme moi, poliment.
Très rapide changement de scène, compte tenu du peu de matériel
LUCKY LOOSER [20h20-20h40].
Originaire de Nancy. Le duo,
doté d'une batterie minimaliste (une grosse caisse, une caisse claire et deux
cymbales) et d'une guitare, interprète avec audace et vigueur quelques titres
très rock. La voix et l'attitude des deux insolents me parait inspiré d'une
démarche musicalement punk. Il interprète notamment "Nada Party" un titre récemment paru sur YouTube. Peu d'autre information
sur la Toile, ils demeurent anonymes.
Cette prestation, plus
énergique que la précédente, a pu séduire une partie du public qui applaudit un
peu plus densément.
Pour ma part, je respecte la
démarche courageuse, et relativement efficace, même si je reste frustré du
concert de Pat O'May qui est prévu en lieu et place, ici, demain. Surcroit
d'agacement, une brochette d'admirateurs du duo, qui étaient placés devant moi,
étaient manifestement venus juste pour eux et sont partis ensuite… Consternant.
ANGE [21h05-23h20]
Une (trop)
longue bande son d'une petite dizaine de minutes attise l'impatience du public.
Pendant cette séquence, un rideau d'éclairage blafard masque la scène.
L'acoustique de cette salle mythique est bien
exploitée par l'ingénieur du son ; tous les pupitres demeureront audibles et
équilibrés. L'éclairage s'est avéré excellent, astucieusement orienté et coloré
en fonction des ambiances créées par la Musique.
La prestation permet à Christian d'alterner sa
présence avec celle de son fils, de manière à prendre un peu de repos et tenir
sur la durée du concert. Il peine désormais à se déplacer, et sera même assis
pour une partie du rappel. Cet effacement partiel permet par la même occasion
de préparer le public à se passer du Père. Chacun s'exprime à hauteur de ses
capacités physiques et artistiques. Tristan exprime ainsi une nouvelle fois son
talent vocal extraordinaire, puis retourne à ses claviers pour permettre à
Christian de démontrer que son timbre est toujours aussi éloquent. La poésie du
Monsieur est excentrique et lunaire, elle
cultive une attitude de folie douce dans laquelle l'auditeur aime à se baigner.
La Musique d'ANGE entraine les esprits d'Anges heureux
sans mélancolie, soutenue brillamment par les accords mugissants de Thierry Sidhoum, par les frappes puissantes et
ciselées de Benoît Cazzulini, ainsi
que par les accords très harmonieux et rythmés de Séraphin Palmeri.
Pour autant, personne je pense, ne peut rester
insensible au talent d'Hassan Hajdi
! Sa technicité et sa sensibilité magnifient indéniablement les chansons
d'ANGE, l'envergure du personnage est flagrante et n'échappe pas à l'admiration
de ses complices comme celle des auditeurs.
Le public est évidemment ravi et l'exprime bruyamment.
Belle ambiance à la fois chaleureuse et émouvante ; chacun ici à conscience de
l'évènement, même si nombreux sont ceux qui disposent du ticket pour le
lendemain, l'ultime étape…
La soirée ne pouvait pas se terminer sans une longue séquence de remerciements réciproques. Avant les rappels, les marques de reconnaissance par les admirateurs à tous niveaux (remise de disque de platine, mémo de fans d'Ange) sont l'occasion d'accolades et d'applaudissements intenses. Quant à Christian, visiblement ému, a parfois cherché ses mots pour exprimer sa gratitude. Il a essayé d'évoquer tous ceux, vivants ou disparus, qui ont contribué à soutenir la longévité d'ANGE. A mon sens, il a malheureusement omis de citer Paulette, qui vient de nous quitter le 25 décembre dernier à l'âge de 101 ans, et qui avait également soutenu le groupe, mais bon…
Autre bémol à cet enthousiasme ; pour le concert des
cinquante ans, au Trianon de Paris le 31 janvier 2020, de nombreux anciens d'Ange
ont été invités sur scène. On s'attendait à feu d'artifice similaire pour ce
soir. Mais non. Rien. Il semble que certains étaient présents, mais dans le
public. Dommage…
ANGE a interprété seize
titres ; treize ont été choisis parmi dix albums parus entre
1972 et 1999, ainsi que trois autres qui sont prévus dans un album à
paraitre au printemps prochain. En toute subjectivité, "Quasimodo" et "Capitaine cœur de miel" furent les
points culminants de cette prestation d'anthologie, ainsi que la phase finale
bien entendu !
Plus anecdotiquement, un rapport de spécialiste
m'indique que, pour l'introduction de "Capitaine
cœur de miel" Hassan aurait imité les mouettes à la guitare, au lieu
des ostinati d'orgue. Il souligne aussi un pont de piano supplémentaire dans
l'interprétation. J'en prends acte, même si je confesse humblement que cela m'a
échappé…
J'ai été ému d'écouter une nouvelle fois "Hymne à la vie" (segmenté en une partie acoustique, suivie
par une d'une version électrique), car la dernière fois que je l'avais
entendue sur une scène, c'était en compagnie de Paulette…
Quitte à évoquer la Mémoire, il est permis de
souligner que cet ultime concert d'ANGE dans sa formation actuelle se tient sur
la scène de l'Olympia où se sont produit tant de gloire d'antan. En particulier
Jacques Brel, dont la chanson est interprétée pour clore la prestation… tout un
symbole.
PROGRAMME
Bande son introductive.
- Les larmes du Dalaï Lama (Tristan et Christian au chant, Les Larmes du Dalaï Lama, 1992)
- Les yeux d'un fou (Tristan au chant, Fou !, 1984)
- La Suisse (Christian au chant, Vu
d'un chien, 1980)
- Quitter la meute (Tristan au chant, nouvelle chanson, Cunégonde, 2025)
- Cunégonde (Christian au chant, nouvelle chanson, Cunégonde, 2025)
- Si j'étais le Messie (Christian au chant, Au-delà du délire, 1974)
- Pace Nobilis (Tristan au chant, nouvelle chanson, Cunégonde, 2025)
- Godevin le Vilain (Tristan au chant, Au-delà du délire, 1974)
- Quasimodo (Christian et Tristan au chant, Rêves parties, 2000)
- Eurêka (La Voiture à eau,
1999)
- Réveille-toi (Tristan au chant, Guet-apens, 1978)
- Capitaine cœur de miel (Christian au chant, Guet-apens, 1978).
RAPPEL :
- Dignité (Tristan au chant,
Caricatures, 1972)
- Ode à Émile (Hassan et Christian duo en acoustique ; Émile Jacotey, 1975)
- Hymne à la vie (Hassan et Christian (harmonica) duo en acoustique ;
Par les fils de Mandrin, 1976).
RAPPEL :
- Ces gens-là (reprise de Jacques Brel, 1966).
De fait un prochain concert est déjà prévu au Café de
la Danse, le 6 octobre 2025 !
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