Légendaire groupe français de rock progressif, ANGE
perdure depuis 1969 grâce à la
volonté de Christian Décamps. Il a connu un notable succès dans la France des
70's mais nos "très perspicaces" média sont vite passés à autre
chose.
Certes, le microcosme français du rock progressif ne
les a pas oubliés, mais hélas il semble que trop de querelles (familiales ou
musicales, ou les deux, allez savoir ...) ont achevé de nuire à leur
prometteuse notoriété. Heureusement, des albums intéressants ont maintenu
l'intérêt des admirateurs et l'espoir de les revoir sur de grandes tournées…
Depuis 1972 (année
où j'ai mis les doigts dans la prise), certains groupes m'ont séduit moins
que d'autres. Non pas qu'ils m'aient paru mauvais, mais juste parce que mon
humeur fut plus métal ou plus prog selon les époques ; à ce petit jeu-là,
fatalement il y a des oublis fâcheux… Ange en fait partie (eh oui, j'en connais qui doivent s'étrangler d'effroi, mais ainsi c'est
construite ma culture musicale !).
Les chemins de ma culture musicale sont relativement
sinueux et variés mais ceux qui m'ont conduit vers Ange résultent en fait de concours
de circonstances. A défaut d'avoir été séduit par ce que j'avais entendu du
groupe sur les réseaux, j'ai pu me familiariser peu à peu avec cet univers en
découvrant certains de ses membres éparpillés. Il m'a ensuite suffi de
rassembler le puzzle. Explications.
- Première vraie alerte (tardive, j'en conviens volontiers) ; le 13 octobre 2009, lorsque je
me trouve assis au deuxième rang de la mezzanine de l'Olympia pour assister à
ce qui devait s'avérer être le dernier concert parisien de PORCUPINE TREE, je
réalise que juste devant moi sont assis les membres d'Ange (aux côtés de la
famille de Steven). Etonné de cette présence, j'apprendrai ensuite qu'en fait STEVEN
WILSON vénère Ange depuis toujours ! Je me dis alors que j'ai dû louper non pas
un wagon mais plutôt un train !! Nonobstant, le rythme de mes découvertes musicales
dans les années 2010 est tel que les quelques écoutes du groupe ne parviennent
pas à m'accrocher …
- Deuxième alerte (encore
plus tardive) ; été 2017, lorsque j'assiste au festival Rock au Château de
Villersexel (leur région d'origine). Célébrités locales oblige, Gens de la Lune
me permit agréablement d'imaginer ce que représentait Ange sur scène durant les
70's car Francis Décamps (clavier, chœurs) était
notamment accompagné de Gérard Jelsch
(batterie) ; ils avaient tous deux quitté le groupe mythique en 1995. Malgré de
gros soucis techniques du synthétiseur qui ont passablement nui à la prestation
au point de l'écourter, j'entrevoyais déjà un intérêt certain !
Sur la même scène, le même jour, je restais cependant perplexe,
peu convaincu, en écoutant le fils de Christian, Tristan Décamps
(clavier, chœurs d'Ange depuis 1997) qui chanta valeureusement seul ce jour-là.
Sa voix était certes admirable mais le répertoire beaucoup moins. En tous cas,
je n'avais pas trouvé la Porte d'accès, on va dire.
- Troisième alerte, le 9 septembre 2017, lorsque
j'assiste au festival RaismesFest, je me suis alors régalé en découvrant sur
scène le talent d'Hassan Hajdi (guitare
d'Ange depuis 1997) qui, accompagné de Benoît Cazzulini dans son "Band of Gypsies", rendait un hommage
exclusif et très convaincant à son maître Jimmy Hendrix !
Enfin, pour achever de me décider à assister au moins
une fois à un concert d'Ange, des amis bien intentionnés (merci, Thierry et Christian !) me préviennent quelques semaines
avant cet événement prévu au Café de la Danse, salle que j'affectionne tout
particulièrement par ailleurs !
Voilà pour le contexte, c'est long pour le préambule d'un
récit de concert j'en conviens, mais le cas est particulier … En clair, sans
l'insistance amicale de deux esprits éclairés, j'aurais attendu le festival
Loreley en Allemagne pour les écouter. Or, compte tenu de la qualité de
l'affiche dudit festival et de la qualité de la bière allemande, le risque
était grand de passer à côté d'une belle découverte ; car en effet ce soir dans
ce bel auditorium, je suis tombé sous le charme…
La salle est bien pleine ; beaucoup de têtes chauves
ou blanches, mais pas seulement.
La chaleur est étouffante or, en dépit de ses autres
qualités, la salle ne semble pas disposer d'air conditionné…
C'est donc dans une étuve que nous assistons à une
première partie sympathique mais soporifique animée par Eddy La Gooyatsh, deux
braves types dotés chacun d'une guitare (sèche pour l'un, électrique pour
l'autre). Leurs chansonnettes auraient probablement été adéquates dans un
cabaret ou un resto branché. Mais en première partie d'ANGE, il me semble qu'il
ne manque pas d'autres artistes qui eussent été honorés de prendre la place (je pense notamment à Nicolas Chapel avec son
groupe Demians, qui avait assuré la première partie de Blackfield, le 24
janvier 2009 ici même). Bref, il nous aura fallu une bonne dose de
tolérance entre 19h30 et 20h05 pour applaudir poliment ces troubadours de
passage.
C'est encore une autre bonne dose de patience qui nous
sera imposée jusque 20h30 avant d'assister à l'entrée des artistes en scène.
Après quelques turbulences dans l'effectif, le groupe
semble avoir acquis une certaine stabilité depuis une quinzaine d'année,
puisqu'il se compose de Christian Décamps (chant, claviers depuis 1970,
seul membre fondateur donc), Tristan
Décamps (claviers, voix depuis 1997 et fils du premier), Hassan Hajdi (guitare depuis 1997), Thierry Sidhoum (basse depuis 1997), et Benoît Cazzulini (batterie depuis 2003, neuvième titulaire du poste !).
La tournée promeut l'album "Heureux" paru cette année, dont cinq titres seront joués ce
soir.
D'emblée le concert s'annonce bien, la sonorisation
est très bonne ; tous les pupitres sont audibles et si je ne comprends pas tout
ce que chante Christian, c'est sans doute dû à mon obstination de tenter de
percevoir et découvrir toutes les subtilités musicales en même temps !
L'éclairage est modeste mais suffisant pour
accompagner et mettre en valeur les artistes.
Le public est réactif, les textes sont souvent chantés
par des admirateurs de longue date, selon toute vraisemblance !
En dépit d'une chaleur torride et de mon inculture je
sens vite de bonnes sensations.
Hassan Hajdi m'était déjà apparu admirable lors de sa prestation
très ciblée au Raismefest 2017, déjà en compagnie de son non moins talentueux
bassiste. Ce soir, la virtuosité éblouissante d'Hassan apporte un avantage indéniable aux compostions d'Ange. Sa
sensibilité et son sens des harmonies laissent apparaitre une nette influence
d'Hendrix, sans pour autant se complaire dans le plagiat et cependant ses
interventions sont d'autant plus saisissantes qu'il sait rester humblement en
retrait lorsque Christian et son fils s'expriment.
Pour sa part, Tristan
doit être la fierté de son père tant il le surpasse avec une voix
exceptionnelle. Le titre "Harmonie",
qu'il chanta seul avec son clavier, fut un moment émouvant. De surcroit, au clavier
il accompagne merveilleusement les lignes mélodiques et parvient ainsi à créer
des atmosphères que l'on aime retrouver dans les grandes évasions, par la grâce
du rock progressif !
Thierry
Sidhoum se tient discrètement en fond
de scène dont il ressort parfois pour accentuer une folie rythmique ambiante,
et cependant j'ai noté une remarquable sensibilité dans le jeu de basse.
Coté batterie la partie est assurée sobrement mais
avec efficacité.
Christian, quant à lui, vit pleinement ses textes, par le mime
ou le costume (sur ce point il n'est pas sans me rappeler un certain h !) ; on
le devine aisément jouir de chaque instant aux côtés de ses désormais fidèles
complices. Sur le plan vocal il est clair que son fils aurait tendance à lui
faire de l'ombre, mais il chante toutefois juste et sa voix est portante. Son
bonheur se lit sur son visage constamment ; le message délivré par son dernier
opus n'est pas un vain mot !
D'ailleurs, les mots, il s'en amuse avec gourmandise,
en multipliant des allusions malicieuses, des grivoiseries et autres
contrepèteries. Je ne peux pas commenter les titres, bien évidemment, puisque
je découvrais quasiment le groupe ce soir. Mais, à l'instar des Trust,
Téléphone et autres Noirs Désirs, ANGE démontre une nouvelle fois que la langue
française a toute sa place dans le rock ; je note avec admiration l'art d'en user
et d'en abuser avec un vrai bonheur alors que trop souvent nos artistes
nationaux y renoncent.
Le dernier titre "Capitaine cœur de miel" comme une apothéose permet d'accentuer
encore davantage notre admiration pour chacun des musiciens qui peuvent
d'exprimer avec tout leur talent.
Le rappel s'impose ; Ange nous propose "Ces gens-là" somptueuse reprise de
Jacques Brel.
Il reste à vérifier que ce divin attrait scénique se
confirme à l'écoute d'un disque (je
confirme, a posteriori avec mon achat du jour). Cette belle impression
résistera-t-elle à l'écoute objective d'un salon ? et comment ressentirai-je
leur prestation dans un théâtre antique en plein air (le 15 juillet) ? à
suivre…
A l'échoppe, j'opte pour l'édition d'Émile Jacotey Résurrection (15€), parue
en 2014, qui est en fait une réédition améliorée de l'opus de 1975 "Émile Jacotey" dont Christian
s'est désormais libéré des contraintes de l'époque. Voilà qui me permettra
d'entretenir la flamme jusqu'à leur prestation que j'espère aussi réussie dans
le cadre du festival allemand !
PROGRAMME (20h25-22h05)
L'autre
est plus précieux que le temps (Heureux !)
Aujourd'hui
c'est la fête chez l'apprenti-sorcier (Le
Cimetière des arlequins)
Jour
de chance pour un poète en mal de rimes (Heureux
!)
La
Gare de Troyes (La Gare de Troyes)
Sens
et jouissances (Heureux !)
Les
Lorgnons (Vu d'un chien)
Quasimodo
(Rêves-parties)
Heureux
(Heureux !)
Chante
n'importe quoi (Heureux !)
Harmonie
(Fou !)
Ballade
pour une orgie (Au-delà du délire)
Vu
d'un chien (Vu d'un chien)
Capitaine
cœur de miel (Guet-apens).
RAPPEL (jusque
22h15)
Ces
gens-là (reprise de Jacques Brel).
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