lundi 4 juin 2018

ANGE – Café de la Danse – 04/06/2018


Légendaire groupe français de rock progressif, ANGE perdure depuis 1969 grâce à la volonté de Christian Décamps. Il a connu un notable succès dans la France des 70's mais nos "très perspicaces" média sont vite passés à autre chose.
Certes, le microcosme français du rock progressif ne les a pas oubliés, mais hélas il semble que trop de querelles (familiales ou musicales, ou les deux, allez savoir ...) ont achevé de nuire à leur prometteuse notoriété. Heureusement, des albums intéressants ont maintenu l'intérêt des admirateurs et l'espoir de les revoir sur de grandes tournées…
Depuis 1972 (année où j'ai mis les doigts dans la prise), certains groupes m'ont séduit moins que d'autres. Non pas qu'ils m'aient paru mauvais, mais juste parce que mon humeur fut plus métal ou plus prog selon les époques ; à ce petit jeu-là, fatalement il y a des oublis fâcheux… Ange en fait partie (eh oui, j'en connais qui doivent s'étrangler d'effroi, mais ainsi c'est construite ma culture musicale !).

Les chemins de ma culture musicale sont relativement sinueux et variés mais ceux qui m'ont conduit vers Ange résultent en fait de concours de circonstances. A défaut d'avoir été séduit par ce que j'avais entendu du groupe sur les réseaux, j'ai pu me familiariser peu à peu avec cet univers en découvrant certains de ses membres éparpillés. Il m'a ensuite suffi de rassembler le puzzle. Explications.

- Première vraie alerte (tardive, j'en conviens volontiers) ; le 13 octobre 2009, lorsque je me trouve assis au deuxième rang de la mezzanine de l'Olympia pour assister à ce qui devait s'avérer être le dernier concert parisien de PORCUPINE TREE, je réalise que juste devant moi sont assis les membres d'Ange (aux côtés de la famille de Steven). Etonné de cette présence, j'apprendrai ensuite qu'en fait STEVEN WILSON vénère Ange depuis toujours ! Je me dis alors que j'ai dû louper non pas un wagon mais plutôt un train !! Nonobstant, le rythme de mes découvertes musicales dans les années 2010 est tel que les quelques écoutes du groupe ne parviennent pas à m'accrocher …

- Deuxième alerte (encore plus tardive) ; été 2017, lorsque j'assiste au festival Rock au Château de Villersexel (leur région d'origine). Célébrités locales oblige, Gens de la Lune me permit agréablement d'imaginer ce que représentait Ange sur scène durant les 70's car Francis Décamps (clavier, chœurs) était notamment accompagné de Gérard Jelsch (batterie) ; ils avaient tous deux quitté le groupe mythique en 1995. Malgré de gros soucis techniques du synthétiseur qui ont passablement nui à la prestation au point de l'écourter, j'entrevoyais déjà un intérêt certain !
Sur la même scène, le même jour, je restais cependant perplexe, peu convaincu, en écoutant le fils de Christian, Tristan Décamps (clavier, chœurs d'Ange depuis 1997) qui chanta valeureusement seul ce jour-là. Sa voix était certes admirable mais le répertoire beaucoup moins. En tous cas, je n'avais pas trouvé la Porte d'accès, on va dire.

- Troisième alerte, le 9 septembre 2017, lorsque j'assiste au festival RaismesFest, je me suis alors régalé en découvrant sur scène le talent d'Hassan Hajdi (guitare d'Ange depuis 1997) qui, accompagné de Benoît Cazzulini dans son "Band of Gypsies", rendait un hommage exclusif et très convaincant à son maître Jimmy Hendrix !

Enfin, pour achever de me décider à assister au moins une fois à un concert d'Ange, des amis bien intentionnés (merci, Thierry et Christian !) me préviennent quelques semaines avant cet événement prévu au Café de la Danse, salle que j'affectionne tout particulièrement par ailleurs !

Voilà pour le contexte, c'est long pour le préambule d'un récit de concert j'en conviens, mais le cas est particulier … En clair, sans l'insistance amicale de deux esprits éclairés, j'aurais attendu le festival Loreley en Allemagne pour les écouter. Or, compte tenu de la qualité de l'affiche dudit festival et de la qualité de la bière allemande, le risque était grand de passer à côté d'une belle découverte ; car en effet ce soir dans ce bel auditorium, je suis tombé sous le charme…

La salle est bien pleine ; beaucoup de têtes chauves ou blanches, mais pas seulement.
La chaleur est étouffante or, en dépit de ses autres qualités, la salle ne semble pas disposer d'air conditionné…
C'est donc dans une étuve que nous assistons à une première partie sympathique mais soporifique animée par Eddy La Gooyatsh, deux braves types dotés chacun d'une guitare (sèche pour l'un, électrique pour l'autre). Leurs chansonnettes auraient probablement été adéquates dans un cabaret ou un resto branché. Mais en première partie d'ANGE, il me semble qu'il ne manque pas d'autres artistes qui eussent été honorés de prendre la place (je pense notamment à Nicolas Chapel avec son groupe Demians, qui avait assuré la première partie de Blackfield, le 24 janvier 2009 ici même). Bref, il nous aura fallu une bonne dose de tolérance entre 19h30 et 20h05 pour applaudir poliment ces troubadours de passage.

C'est encore une autre bonne dose de patience qui nous sera imposée jusque 20h30 avant d'assister à l'entrée des artistes en scène.
Après quelques turbulences dans l'effectif, le groupe semble avoir acquis une certaine stabilité depuis une quinzaine d'année, puisqu'il se compose de Christian Décamps (chant, claviers depuis 1970, seul membre fondateur donc), Tristan Décamps (claviers, voix depuis 1997 et fils du premier), Hassan Hajdi (guitare depuis 1997), Thierry Sidhoum (basse depuis 1997), et Benoît Cazzulini (batterie depuis 2003, neuvième titulaire du poste !).
La tournée promeut l'album "Heureux" paru cette année, dont cinq titres seront joués ce soir.


D'emblée le concert s'annonce bien, la sonorisation est très bonne ; tous les pupitres sont audibles et si je ne comprends pas tout ce que chante Christian, c'est sans doute dû à mon obstination de tenter de percevoir et découvrir toutes les subtilités musicales en même temps !
L'éclairage est modeste mais suffisant pour accompagner et mettre en valeur les artistes.
Le public est réactif, les textes sont souvent chantés par des admirateurs de longue date, selon toute vraisemblance !
En dépit d'une chaleur torride et de mon inculture je sens vite de bonnes sensations.
Hassan Hajdi m'était déjà apparu admirable lors de sa prestation très ciblée au Raismefest 2017, déjà en compagnie de son non moins talentueux bassiste. Ce soir, la virtuosité éblouissante d'Hassan apporte un avantage indéniable aux compostions d'Ange. Sa sensibilité et son sens des harmonies laissent apparaitre une nette influence d'Hendrix, sans pour autant se complaire dans le plagiat et cependant ses interventions sont d'autant plus saisissantes qu'il sait rester humblement en retrait lorsque Christian et son fils s'expriment.
Pour sa part, Tristan doit être la fierté de son père tant il le surpasse avec une voix exceptionnelle. Le titre "Harmonie", qu'il chanta seul avec son clavier, fut un moment émouvant. De surcroit, au clavier il accompagne merveilleusement les lignes mélodiques et parvient ainsi à créer des atmosphères que l'on aime retrouver dans les grandes évasions, par la grâce du rock progressif !
Thierry Sidhoum se tient discrètement en fond de scène dont il ressort parfois pour accentuer une folie rythmique ambiante, et cependant j'ai noté une remarquable sensibilité dans le jeu de basse.
Coté batterie la partie est assurée sobrement mais avec efficacité.
Christian, quant à lui, vit pleinement ses textes, par le mime ou le costume (sur ce point il n'est pas sans me rappeler un certain h !) ; on le devine aisément jouir de chaque instant aux côtés de ses désormais fidèles complices. Sur le plan vocal il est clair que son fils aurait tendance à lui faire de l'ombre, mais il chante toutefois juste et sa voix est portante. Son bonheur se lit sur son visage constamment ; le message délivré par son dernier opus n'est pas un vain mot !

D'ailleurs, les mots, il s'en amuse avec gourmandise, en multipliant des allusions malicieuses, des grivoiseries et autres contrepèteries. Je ne peux pas commenter les titres, bien évidemment, puisque je découvrais quasiment le groupe ce soir. Mais, à l'instar des Trust, Téléphone et autres Noirs Désirs, ANGE démontre une nouvelle fois que la langue française a toute sa place dans le rock ; je note avec admiration l'art d'en user et d'en abuser avec un vrai bonheur alors que trop souvent nos artistes nationaux y renoncent.
Le dernier titre "Capitaine cœur de miel" comme une apothéose permet d'accentuer encore davantage notre admiration pour chacun des musiciens qui peuvent d'exprimer avec tout leur talent.
Le rappel s'impose ; Ange nous propose "Ces gens-là" somptueuse reprise de Jacques Brel.


Je sors donc conquis de ce spectacle, alors que je m'y étais rendu davantage par curiosité que par conviction ; j'aime ce genre de bonne surprise musicale ! Hallelujah, Ange existe je l'ai vu !
Il reste à vérifier que ce divin attrait scénique se confirme à l'écoute d'un disque (je confirme, a posteriori avec mon achat du jour). Cette belle impression résistera-t-elle à l'écoute objective d'un salon ? et comment ressentirai-je leur prestation dans un théâtre antique en plein air (le 15 juillet) ? à suivre…

A l'échoppe, j'opte pour l'édition d'Émile Jacotey Résurrection (15€), parue en 2014, qui est en fait une réédition améliorée de l'opus de 1975 "Émile Jacotey" dont Christian s'est désormais libéré des contraintes de l'époque. Voilà qui me permettra d'entretenir la flamme jusqu'à leur prestation que j'espère aussi réussie dans le cadre du festival allemand !
PROGRAMME (20h25-22h05)
L'autre est plus précieux que le temps (Heureux !)
Aujourd'hui c'est la fête chez l'apprenti-sorcier (Le Cimetière des arlequins)
Jour de chance pour un poète en mal de rimes (Heureux !)
La Gare de Troyes (La Gare de Troyes)
Sens et jouissances (Heureux !)
Les Lorgnons (Vu d'un chien)
Quasimodo (Rêves-parties)
Heureux (Heureux !)
Chante n'importe quoi (Heureux !)
Harmonie (Fou !)
Ballade pour une orgie (Au-delà du délire)
Vu d'un chien (Vu d'un chien)
Capitaine cœur de miel (Guet-apens).

RAPPEL (jusque 22h15)

Ces gens-là (reprise de Jacques Brel).



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