Quarante-deux. Le hasard des calendriers a abouti à me
faire patienter 42 jours avant assister à un concert (mis à part celui des miaulements quotidiens de mon chat) ! Mettons
cela sur le compte du délai requis pour redescendre de la planète Gong (…). Pourtant,
les tickets pour ce soir sont acquis depuis le 6 septembre dernier, et je ne cache
pas que cette abstinence commençait à peser sur mon moral, en ces sombres jours
d'hiver à l'actualité toujours aussi anxiogène … Un froid sec, mais somme toute
de saison, aurait pu démotiver les moins passionnés. Mais avec le recul je
mesure combien ce concert fut immanquable (désolé
pour les absents, mais pour le coup cela me semble une réalité indiscutable).
Nous abordons la soirée sans avoir dissipé la
confusion sur la programmation ; l'affiche annonce "an exclusive evening with Leprous"
et pourtant le ticket indique "LEPROUS
+ GUETS". A l'aune du programme du précédent concert, hier à Madrid,
il était toutefois permis d'imaginer que la soirée serait bel et bien exclusive…
BREF RAPPEL DE PRESENTATION A DESTINATION DES
MALHEUREUX NON-INITIES. Ce groupe norvégien, originaire de Notodden, a été fondé en 2001 par Einar Solberg
(chant, claviers depuis 2001) et Tor Oddmund Suhrke (guitares, chœurs depuis 2001).
Après deux enregistrements de démonstration ("Silent Waters" en 2004 et "Aeolia" en 2006), la composition du
groupe s'est consolidée courant 2008
alors qu'ils enregistraient leur album officiel, "Tall Poppy Syndrome", qui est paru le 5 mai 2009.
Ils ont d'abord assuré les premières parties de concert d'Ihsahn (le beau-frère d'Einar) qui, à son tour,
a participé à plusieurs albums de LEPROUS en tant que chanteur invité ou
producteur.
C'est d'ailleurs à cette époque que j'entends parler
d'eux avec insistance, sur les réseaux sociaux. Dès les premières écoutes, l'originalité
et la complexité de leur musique, la virtuosité des musiciens et leur audace
m'ont irrémédiablement séduit !!! LEPROUS était invité par THERION, (ici) le mercredi
3 novembre 2010 à l'Elysée
Montmartre ; cette prestation phénoménale fut en fait le réel début de mon
admiration sans cesse croissante pour ces Vikings ! Détail esthétique, à
l'époque ou Einar était encore chevelu de dreadlocks et vêtu en style baroque,
la clâââsse quoi ! Au fil des concerts suivants, cette admiration a continué croitre
; je ne manquerai plus une occasion de sillonner l'Europe pour les voir, de
Valkenburg à Barcelone, en passant par Raismes, Paris ou Savigny ! J'attends
l'occasion d'assister à leur prestation sur leurs terres en Norvège ! J'ai ainsi l'impatience de revoir LEPROUS une
treizième fois, de surcroit une deuxième fois dans ce prestigieux auditorium.
Les deux fondateurs demeurent à ce jour entourés de
Baard Kolstad (batterie depuis
2014), Simen Børven (basse, chœurs
depuis 2015), et Robin Ognedal
(guitares, chœurs depuis 2017). Le violoncelliste canadien Raphael
Weinroth-Browne, qui était encore là, à Pleyel le 12 février 2023, ne semble
plus en mesure de participer aux tournées, c'est dommage mais nous devrons nous
en passer... Le 16 juillet 2023 au NOTP de Loreley, LEPROUS étaient ainsi revenu
au statut de quintuor, sans altérer la qualité des interprétations. Néanmoins,
sans doute pour permettre à Einar de se concentrer sur son chant, le claviériste
Harrison White est désormais
ponctuellement le sixième membre du groupe.
Leur huitième
album "Melodies Of Atonement"
est paru le 30 août 2024. Cet opus
est encore une fois un pur régal, surprenant, déconcertant et intrépide. Les
mélodies pénètrent le crâne pour s'y incruster définitivement. Il donne
l'occasion au groupe de se lancer sur une petite tournée européenne de sept
dates entre le 16 janvier (à Madrid) et le 15 février 2025 (à Oslo). A partir
du 4 mars, ils seront aux Amériques jusqu'au 13 mai. Puis, ce sera leur passage
au Hellfest le 21 juin.
LE CONCERT
[20h10/21h10-21h30/22h50] https://www.leprous.net/
Avec ma p'tite Fée et mon fils, nous parvenons sans
difficulté à nous placer au troisième rang en fosse, face au pupitre d'Einar.
C'est bien la première fois que j'assisterai à un concert en fosse dans cet écrin.
Et je ne le regretterai pas ; l'acoustique s'avèrera évidemment parfaite, et la
sonorisation immédiatement excellente. Audible, puissante mais sans excès, tous
les pupitres furent perceptibles. Je n'aurai même pas ressenti le besoin de
protéger mes oreilles.
Dans ces conditions idéales, nous ne tardons pas à
être emporté par le maelström scandinave. L'excellence de l'interprétation nous
sidère de chansons en chansons. Le choix des titres est savamment dosé, impossible
de reposer le corps et l'esprit. Entouré d'un public bienveillant et en extase,
nous baignons dans un bonheur absolument jouissif et sans faille. Il faut
souligner que le dispositif d'éclairage accentue les sensations. De surcroit,
pour la première fois des effets pyrotechniques enflamment la scène pour
accroitre encore l'exaltation. Je ne réalise qu'a posteriori qu'aucun écran n'a
usurpé le spectacle. La batterie est posée au fond à droite. Sur la gauche une
structure pour les claviers surplombe un autre clavier, disposé plus proche de
la fosse, qui permettra aux multi-instrumentistes d'étoffer les ambiances.
Aucun titre de leur répertoire ne pourrait me décevoir,
mais l'absence de certains m'aurait déçu assurément. Je ne cache pas mon
bonheur d'avoir assisté à nouveau à l'interprétation de titres tels que "Illuminate", "Nighttime Disguise", "Castaway
Angels", "On Hold",
avec une mention toute particulière pour l'étourdissant "Distant Bells" qui a le don de me
rendre incontrôlable sur son crescendo final ! Les titres de "Melodies Of Atonement", déjà
superbes, sont encore magnifiés en concert, notamment "Like a Sunken Ship" qui me fait
chavirer de plaisir !
Bref, je pourrai relater, sur des lignes entières, ce
feu d'artifice émotionnel et incandescent, sans pouvoir faire imaginer à autrui
l'intensité du vécu…
Charismatiques et impliqués, les musiciens sont au
sommet de leur art. D'une énergie folle, leur présence turbulente sur scène est
presque chorégraphique ; les gestes ardents et désarticulés d'Einar, les
déplacements fougueux des guitaristes, et la puissance des frappes du batteur, toute
cette agitation contribue à l'atmosphère délicieusement étourdissante ! En
regardant ce soir ces gaillards Vikings s'agiter sur cette vaste scène où ils
peuvent exprimer tout leur talent, je me rappelle les avoir vus jouer sur un
petit kiosque en marge du festival BeProg à Barcelone en 2015 ; j'imagine leur
frustration à l'époque !!
Ce concert magistral a démontré une fois de plus toute
la maîtrise de ces Norvégiens qui ont su développer leur identité atypique. Du
metal progressif certes, mais avec une originalité flagrante. Les rythmes sont
délicieusement syncopés, les ruptures harmoniques déstabilisent constamment
l'auditeur. Le batteur Baard Kolstad n'est pas innocent, coupable d'irrépressibles
rythmes nuancés. Tous les instruments sont exploités avec finesse et
sensibilité ; un exemple évident me revient en mémoire, avec le souvenir du
magnifique "Unfree My Soul"
dont l'introduction à la guitare exprime un son similaire à celui d'une harpe
dont les cordes sont retenues, presque étouffées. En arpèges ou en accords ébouriffés
et ciselés, les harmonies sont entêtantes. Pièce maitresse du Groupe, le chant
aigu, alternativement rageur, désespéré, en falsetto plaintif et/ou émouvant d'Einar,
captive le public avant de l'ensorceler puissamment. A 39 ans, ce chanteur
absolument exceptionnel est doté d'un timbre identifiable, d'une tessiture
impressionnante, il alterne sans difficulté sa voix claire avec quelques
grognements. Ses cordes vocales expriment avec émotion toutes les nuances de sa
sensibilité que l'on devine aisément authentique. Comme beaucoup d'entre nous
sans doute, je me suis souvent vainement hasardé à suivre la ligne de chant… Difficile
de qualifier ou même de comparer cette voix atypique ; ce n'est pas celle d'une
femme, ni celle d'un enfant. Celle d'un homme assurément, mais plus proche de
celle d'un contre-ténor ou un haute-contre d'opéra, que d'un ténor. Ajoutons à
cela une totale cohésion de groupe ; les guitaristes et Einar préfèrent l'usage
des claviers, plutôt que celui des sons préenregistrées (un son fugace de violoncelle a pu être perçu). Des premiers rangs, pendant
les morceaux on peut lire sur les visages une complicité, une application de
chaque instant, une rigueur tout scandinave. Ce qui tranche avec les faciès
réjouis une fois leur mission accomplie. Bref, ces talentueux Vikings disposent
d'un répertoire d'une richesse musicale inouïe, qu'ils n'ont eu aucune
difficulté à nous démontrer !
Comme pour ajouter de l'émotion à une soirée qui n'en
manquait pas. Les parents de Baard sont présents dans la salle pour assister à
la gloire de leur fils. On devine leur fierté, peu avant la fin de l'acte 1, juste
avant de débuter "Foe", lorsque
celui-ci les remercie publiquement pour lui avoir offert le creuset de son
aventure. On apprend ainsi que sa maman déteste l'avion (tiens, une aviophobie qui me rappelle celle d'Agnetha Fältskog), ce
qui rend sa présence d'autant plus remarquable.
L'autre moment d'émotion collective fut "Faceless", titre durant lequel un
chœur de dix admirateurs très émus a été sélectionné pour le refrain final ; "
Never go
alone, never go alone, Never the unknown, never the unknown ". Chacun peut imaginer aisément que ce moment
d'anthologie aura marqué l'esprit des élus.
Pour ma part d'émotion, je tenais tout
particulièrement à réentendre "Distant
Bells", dont nous avions été privés il y a deux ans ici. Je crois bien
pouvoir affirmer que je ne fus pas le seul à m'émouvoir de ce titre, à l'aune
de l'acclamation particulièrement intense qui a suivi ! J'ose imaginer/espérer,
en voyant les mines réjouies des musiciens, que cette chanson devra être
inscrite au programme des prochains concerts.
Cette sensation de bien-être est partagée dans le
public comme sur scène. Quelques moment d'ambiance choisis : Einar feint des scrupules
à se montrer bavard (ce qui ne me semble pas le cas du tout !), et invite le
public français à lui hurler un "Ta
gueule" ce qui provoque l'hilarité générale ; Tor reconnait ses
limites dans la langue française mais se met à chanter "Sur le pont d'Avignon" ; Simen est
tout content de montrer sa guitare miniature avec laquelle il introduit à la
basse le titre suivant.
Les huit albums
ont été évoqués, avec vingt-et-un titres,
dont six issus de leur récent "Melodies
Of Atonement", quatre de "Aphelion", quatre de "Pitfalls", deux de "Malina", deux de "The Congregation", un de "Bilateral", un de "Coal", un de "Tall
Poppy Syndrome".
PROGRAMME
ACTE 1:
- Silently Walking Alone (Melodies
Of Atonement, 2024)
- The Price (The Congregation,
2015)
- Illuminate (Malina, 2017)
- I Hear the Sirens (Melodies
Of Atonement, 2024)
- Like a Sunken Ship (Melodies
Of Atonement, 2024)
- Forced Entry (Bilateral,
2011)
- Out of Here (Aphelion, 2021)
- Alleviate (Pitfalls, 2019)
- Distant Bells (Pitfalls,
2019)
- Foe (Coal, 2013)
- Nighttime Disguise (Aphelion,
2021).
ACTE 2 : environ 20
minutes d'entracte
- Unfree My Soul (Melodies Of
Atonement, 2024)
- On Hold (Aphelion, 2021)
- Below (Pitfalls, 2019)
- Passing (Tall Poppy Syndrome,
2009)
- Faceless (Melodies Of
Atonement, 2024)
- Castaway Angels (Aphelion,
2021)
- From the Flame (Malina, 2017).
RAPPEL 1 :
- Slave (The Congregation,
2015).
RAPPEL 2 :
- Atonement (Melodies Of
Atonement, 2024)
- The Sky Is Red (2ème partie uniquement) (Pitfalls, 2019).
En ce début d'année, j'avais pourtant formulé le pieux
engagement de ne plus acheter de nouveaux t-shirt, car je ne dispose pas d'un
espace insondable. D'autant moins que les prix s'envolent ; 40 € cette fois
encore ! Néanmoins, au prétexte d'un concert absolument mémorable mentionné sur
son dos, une fois encore je cède à la tentation d'un nouveau t-shirt de concert
; le troisième de LEPROUS (sans compter leur mention sur ceux des festivals).
Dans le public, novices comme admirateurs de longue
date, ne tarissent pas d'éloges dithyrambiques. Pas un seul avis discordant
parmi les commentaires entendu au sortir de l'auditorium.
Le lendemain, les muscles sont quelque peu endoloris (…) mais les airs envoûtants hantent inlassablement mon esprit encore émerveillé. Le lecteur l'aura (peut-être) compris, la Salle Pleyel était assurément l'endroit où tout mélomane se devait d'être ce soir-là…
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