jeudi 7 février 2019

GHOST – Zénith de Paris – 07/02/2019



Alors que mon année musicale a débuté superbement avec le concert jouissif de Judas Priest le 27 janvier au sein de ce même Zénith, j'avais renoncé à assister à celui de Ghost car il était annoncé complet depuis l'automne dernier.
Finalement, de nouveaux tickets ont été mis en vente in extremis, mais avec une telle parcimonie que je n'ai pas pu les obtenir par mon CE. J'ai cependant saisi ces offres, moyennant quelques euros de plus, car leur concert en juin dernier au Download m'avait redonné envie de les revoir. Je voulais m'assurer que Ghost ne fut pas qu'un groupe de plein-air compte tenu de leur concert que j'avais estimé en demi-teinte à l'Olympia.
Je dois confesser que ce mélange troublant d'une imagerie blackmetal et d'une musique pop-hard a fini par m'emporter parmi les adeptes improbables. Mon basculement dans ces ténèbres date de leur prestation au cœur de la nuit du 10 juin 2016 lors du festival Download. Depuis, je peine à résister à la tentation de me rendre à leurs messes occultes. Si le concert de l'Olympia (11/04/17) m'a déçu, en revanche, les concerts au festival Alcatraz (11/08/17) et du Download (15/06/18) m'ont convaincu de leur capacité à produire des spectacles de qualité. Une musique aux mélodies entêtantes, aux rythmes entraînants et aux atmosphères malsaines à souhait créent une alchimie à laquelle je succombe volontiers, en dépit des critiques qui ne manquent pas de jalouser un tel succès fulgurant.
Car Ghost présente cette particularité d'être à la fois fédérateur et clivant. A force de commentaires ostentatoires, l'affluence à ses messes ne cesse de croître, attirant des fidèles composés de populations hétéroclites, de tous âges et de toutes chapelles musicales.
J'entends bien toutes les railleries des virulents détracteurs. D'un côté les metallos qui critiquent la musique trop sirupeuse, formatée pour pop-tous-publics. D'un autre côté les progeux qui critiquent la musique trop puissante. D'autres encore ne manquent pas de moquer leurs accoutrements, leur dévotion pour le prétendu Ange-Déchu ou encore la gestion autoritaire et mercantile de Tobias (qui n'a pas hésité à virer tout l'effectif d'un seul coup de balai début 2017, pour de sombres conflits d'intérêts).
Foutaises ! Je les entends pourtant d'autant mieux que moi-même j'entretiens quelques-unes de ces exigences. Je n'apprécie guère la musique molle et pas davantage lorsqu'elle est trop violente. S'agissant des frasques vestimentaires, j'ai toujours gardé une distance relative avec Kiss dont l'univers m'a semblé surtout animé par la volonté de vendre un produit…J'ose ajouter que je me méfie des attaques contre la seule religion catholique devenue une proie "facile" quand le politiquement correct interdit d'attaquer les autres. Enfin, les dictateurs, artistes ou pas, ne m'incitent pas aux éloges.
Rappelons à cet égard qu'à l'occasion d'une récente action en justice, Tobias Forge (37 ans) a reconnu être le fondateur et grand maître de ce groupe suédois, fondé en 2008. Il leva ainsi une partie du mystère qu'il souhaitait entretenir pour promouvoir son univers inspiré par une vision provocatrice de la liturgie catholique. Cet incident ne semble pas empêcher l'accentuation de la notoriété de Ghost au fil des tournées promotionnelles.
Nonobstant ces arguments, le fait est que leur musique me paraît à la fois harmonieuse, vigoureuse et agréable à entendre et que le concept est redoutablement efficace, la preuve se trouve dans l'auditoire.
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Une impressionnante et inhabituelle file d'attente nous accueille au niveau de la Fontaine-aux-Lions-de-Nubie! Le service de contrôle est vraisemblablement à l'origine de cette situation surprenante. Mais en revanche, l'attente s'avère faible et, juste avant que la pluie ne s'abatte sur nos crinières, nous pouvons rapidement prendre place des sièges de notre choix ! Avec ma Fée et mon fils nous sommes quelques rangs au-dessus de la table de mixages, juste en face de la scène : excellente situation !
Le Zénith est ce soir plein comme un œuf, on peut estimer l'assemblée à environ 6 300 adeptes. Il est probable que très prochainement Ghost ne sera plus visible dans un cadre aussi modeste. D'ailleurs nous en aurons un avant-goût dès le 12 mai prochain car ils sont invités par Metallica au Stade de France…

CANDLEMASS (19h30-20h15)
Leif Edling, leader, bassiste et compositeur du groupe doom metal suédois, peut se vanter d'une relative stabilité depuis sa fondation en 1984, même si des suspensions en 1994 et 2002 sont venues ponctuer son histoire. Il est entouré de Mats "Mappe" Björkman (guitare rythmique depuis 1984), Lars Johansson (guitare, depuis 1987), Jan Lindh (batterie et percussions, depuis 1987) et Johan Längqvist (chant, de 1984 à 1987, puis depuis 2018, après le départ de Mats Levén qui occupait le pupitre depuis 2012). Au passage, j'aurais bien apprécié réentendre Mats que j'avais déjà trouvé excellent au sein de Therion …
J'avais déjà pu vérifier l'efficacité de Candlemass sur scène lors de leur prestation au Hellfest en 2008 au cours de laquelle ils promouvaient l'opus "King of the Grey Islands" et le mini-CD "Lucifer Rising" avec Robert Lowe (2007-2012) au micro. Mais cette fois c'est "The Door to Doom", douzième opus à paraitre ce mois-ci qui est présenté.


L'atmosphère lourde des compositions est accentuée par un éclairage minimum sans doute davantage subi que voulu, mais l'essentiel est préservé ; la sonorisation est très bonne.
Le chanteur, dont le timbre n'est pas sans me rappeler un peu Ronnie James Dio, semble à l'aise et heureux d'être de retour parmi ses complices. D'autant plus que sur les sept titres du programme, cinq correspondent aux périodes de sa présence au sein du groupe.
Le très bon titre extrait du nouvel album "Astorolus - The Great Octopus" laisse présager d'une œuvre intéressante.
Le doom est assumé et la lenteur des cadences n'est pas de nature à entretenir une quelconque joie de vivre, mais pour ma part j'ai beaucoup aimé cette première partie de soirée.
PROGRAMME
Marche Funebre (Nightfall, 1987)
The Well of Souls (Nightfall, 1987)
Dark Reflections (Tales of Creation, 1989)
Astorolus - The Great Octopus (The Door to Doom, 2019)
Mirror Mirror (Ancient Dreams, 1988)
A Sorcerer's Pledge (Epicus Doomicus Metallicus, 1986)
Solitude (Epicus Doomicus Metallicus, 1986)
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GHOST (20h45-23h30). Dans les minutes précédant l'Orgie, la lumière est légèrement tamisée et une bande-son diffuse un doux extrait de "Miserere Mei, Deus" de Gregorio Allegri, entretenant ainsi une ambiance évocatrice d'un recueillement religieux. Mais lorsque l'heure sonne, la fosse et les gradins s'agitent frénétiquement avec ses milliers de diables en folie comme s'ils étaient dans un bénitier.
Sensation d'allégresse accrue par un éclairage tout simplement somptueux, à la fois dense, lumineux, varié et cadencé. La sonorisation est excellente quoiqu'un peu excessivement forte à mes oreilles. L'essentiel étant que chaque pupitre reste audible, ce qui n'est pas une mince affaire puisque pas moins de sept goules anonymes entourent Cardinal Copia ; deux claviers, trois guitaristes, un bassiste, et un batteur ! Tous ne m'ont pas paru pas d'une grande utilité ; d'autant plus choquant qu'il m'a semblé parfois distinguer de surcroît une bande-sons qui auraient pu/dû être remplacé par l'un des claviers qui semblait parfois chômer…
Bref, tout ce beau monde se répartit sur une large scène dallée de carreaux noir et blancs, surplombée de vitraux démoniaques, et meublée d'escaliers et divers décors rappelant un lieu de culte. Jeux de lumières et pyrotechnies animeront magnifiquement la grand'messe au cours de laquelle aucun fidèle ne pourra échapper à la communion !

Ce concert s'inscrit dans le cadre de la tournée européenne "A Pale Tour Named Death" qui a commencé le 5 février à la Halle Tony Garnier de Lyon pour promouvoir "Prequelle", le quatrième opus paru en juin 2018. C'est donc logiquement que la fête en deux actes commence avec deux de ses titres. Huit en seront interprétés ce soir. Ghost existe à peine depuis une décennie et pourtant il dispose déjà d'un énorme réservoir de titres susceptibles de réjouir son public. Il peut à loisir notamment puiser dans l'excellent "Meliora" dont huit titres sont également interprétés. En tout état de cause, il n'y aura pas de frustration car tous les titres attendus (parmi les vingt-cinq en tout) sont offerts au public !
Sauf que la seule reprise de la soirée sera, durant l'acte 2, un titre d'un certain Roky Erickson (dont j'ai entamé l'étude par curiosité, le lendemain…), alors que bon nombre aurait préféré la reprise des Pet Shop Boys présente sur "Prequelle". Mais bon…Il n'en est pas à une référence près ; comment ne pas songer à Kiss pour la démarche théâtrale ou à Blue Oyster Cult pour les atmosphères à la fois envoutantes et entrainantes.
Mais on ne peut pas commenter la prestation de Ghost sans évoquer ce qui les distingue du reste de la scène musicale ; leurs paroles explicitement satanistes ou occultes et leur apparence troublante.
Satan, ses complices et ses tentations sont chantés à plein poumons par un public ravi de s'encanailler ainsi à bon compte. Je me souviens du regard malicieux et espiègle de Bon Scott lorsqu'il chantait "Highway to Hell" ; tout le monde savait bien que cette racaille n'avait ni Dieu, ni Maître et se moquait éperdument autant de Satan que du Bon Dieu ! Là, c'est différent, Tobias Forge cultive le mystère et semble d'autant plus pernicieux qu'il chante ses textes avec une voix douce et un regard de squale. Les rythmes souvent binaires et lourds achèvent de faire chuter même le mélomane le plus bienveillant.
Côté vestimentaire, si les goules s'imposent costume noir queue de pie et masque, Tobias Forge en change plusieurs fois pour incarner tantôt un pape macabre, tantôt un cardinal inquiétant, tantôt un dandy machiavélique… Il ne distribue plus d'hostie aux premiers rangs mais continue à les encenser.
Bref, la magie (noire) ne se dissipe que lors des pauses bavardages que s'accorde Cardinal Copia. Celles-ci me laissent parfois perplexe et me parurent le plus souvent dispensables, tout particulièrement lorsqu'il s'est agi de présenter longuement ses musiciens …anonymes (un comble !). Peut-être y avait-il de quoi rire pour les anglophones, mais moi je me suis clairement ennuyé sur cette séquence. Et puis, je ne le sens pas toujours très inspiré lorsqu'il interpelle son public (oui, oui, ouiiiiiiiii, well, well,…). Rien à voir donc avec le charisme de Rob Halford ici il y a dix jours (encore moins avec sa tessiture, d'ailleurs !), mais les deux ne jouent pas dans la même cour, c'est clair ! Mais bon, je mets ces maladresses sur le compte du succès assez brutal de son projet.
En revanche, j'ai davantage apprécié le moment de détente entre deux des guitaristes, pour l’enchaînement de "Devil Church" et "Cirice" ; non pas qu'il s'agisse-là de virtuosité étourdissante, mais plutôt d'un moment de taquineries échangées avec le public, durant lequel j'imagine que les autres musiciens auront pu soulever le masque et souffler un peu. Peu après, le titre "Miasma" permet une intervention étourdissante du pape au saxophone ; je me dis alors qu'il serait bien inspiré de multiplier l'utilisation de cet instrument, ce qui aurait au moins le mérite de mieux utiliser son septième goule ! Autre moment particulier, la reprise acoustique de "Jigolo har meggido" qui permit une séquence apaisée avec trois des goules assis sur les marches menant à la batterie. 
Voilà, après un spectacle de deux heures et demie, en deux actes et un rappel, les lumières se rallument avec une bande sonore de Dead Can Dance berce une dernière fois un auditoire repu. Je n'avais pas assisté au concert légendaire du Hellffest, mais en ce qui me concerne je crois bien que je viens d'assister à leur meilleur concert. Même si en tête d'affiche de l'Alcatraz ils avaient fait très fort aussi.
Je me garde bien d'ouvrir mon porte-feuille à leur échoppe mais ce n'est pas le cas de mon fils, ce pauvre dévot que l'expérience de son père indigne n'a pas su modérer. Il est vrai que les marchandises sont de qualité ; notamment un t-shirt (35€) floqué spécialement pour ce concert au Zénith, la casquette (35€) brodée et de belle qualité ou encore un magnifique gilet (70€) estampillé du logo… Nous n'avons cependant pas succombé au beau masque de goule (30€), qui pourtant aurait pu faire un certain effet lors des réunions familiales.
PROGRAMME
Acte 1 : Intro :Miserere Mei, Deus (titre de Gregorio Allegri)
Ashes (Prequelle, 2018)
Rats (Prequelle, 2018)
Absolution (Meliora, 2015)
Ritual (Opus Eponymous, 2010)
Con Clavi Con Dio (Opus Eponymous, 2010)
Per Aspera ad Inferi (Infestissumam, 2013)
Devil Church [précédé d'un dialogue de Guitare] Meliora, 2015)
Cirice (Meliora, 2015)
Miasma [Papa Nihil au saxophone] (Prequelle, 2018)
Jigolo Har Megiddo (en acoustique, (Infestissumam, 2013)
Pro Memoria (Prequelle, 2018)
Witch Image (Prequelle, 2018)
Life Eternal (Prequelle, 2018).
21h45 : 15 minutes d'entracte
22h : Act 2: (intro : Le groupe Ghost utilise "Masked Ball" comme chanson d’introduction avant de se produire sur scène. Ce titre, attribué à Jocelyn Pook, est utilisé dans le film "Eyes Wide Shut" de Stanley Kubrick.
Spirit (Meliora, 2015)
From the Pinnacle to the Pit (Meliora, 2015)
Majesty (Meliora, 2015)
Satan Prayer (Opus Eponymous)
Faith (Prequelle, 2018)
Year Zero (Infestissumam, 2013)
He Is (Meliora, 2015)
Mummy Dust (Meliora, 2015)
If You Have Ghosts (reprise de Roky Erickson)
Dance Macabre (Prequelle, 2018)
Square Hammer (Popestar, 2016).
RAPPEL:
Monstrance Clock  (Infestissumam, 2013).
23h30
The Host of Seraphim (bande-son de Dead Can Dance).