lundi 18 avril 2022

GHOST – Palais Omnisport Paris-Bercy (Paris 12ème) – 18/04/2022.

Est-ce l'œuvre du Malin ? Ce concert de GHOST à l'insolence de se tenir le jour du lundi de Pâques et de surcroit, le satanique TWIN TEMPLE débute la soirée !! Je confesse volontiers que cette messe-noire assumée m'interpelle…Cependant, Tobias a le don de maintenir mon envoutement et je ne vois pas de raison objective de me priver de ce quatrième concert de l'année au POP Bercy.

La structure d'accueil a été réduite pour aujourd'hui, à l'instar des autres dates de la tournée. Il semble en effet que certaines salles ne se remplissent que difficilement sur cette tournée. Les balcons supérieurs du Palais sont fermés, alors que les gradins inférieurs sont partiellement pleins ; l'incurvation opposée à la scène présente beaucoup de sièges non occupés, alors que la fosse est pleine. J'estime que cette politique de sectorisation payante de l'arène me parait toujours d'une affligeante aberration. Je regrette l'époque ou l'auditeur payait une entrée pour aller s'installer à sa guise en fonction de son ordre d'arrivée dans la salle… Les plus motivés s'en trouvaient récompensés, et les retardataires venaient moins emmerder les autres pour se placer alors que le concert est commencé. Mais ça, c'était avant.

En ce qui me concerne je suis bien placé, en carré or. Sur le côté droit en regardant la scène. Peut-être un peu trop près des enceintes suspendues, ce qui expliquera mes sensations mitigées (doux euphémisme) sur la sonorisation.

TWIN TEMPLE [19h00-19h30].

Ne connaissant absolument pas ces inquiétants personnages, je me renseigne sur internet. Très intrigué je lis "Twin Temple est composé de la chanteuse Alexandra et de son mari, Zachary James, qui joue de la guitare. Ils se sont rencontrés pour la première fois lors d'un concert punk rock et ont joué ensemble dans quelques groupes avant de se marier. Le duo s'est formé le soir d'Halloween 2016". Ou encore " Zachary écrit les arrangements musicaux et Alexandra écrit les paroles et les mélodies vocales. La curiosité à son comble, "Je me suis alors précipité sur YouTube, et …je me réjouis d'écouter ce rythm 'n' blue, style Amy Winehouse. D'ailleurs la coiffure, l'attitude, et l'intonation d'Alexandra laissent peu de doute sur son inspiration vocale. Quant à leur satanisme, je préfère en rire même si ces étranges personnages semblent sérieux … Bref, je suis a priori relativement rassuré pour le début de soirée.

Je ne suis pas en mesure d'identifier les quatre musiciens (basse, saxophone, clavier et batterie) qui accompagnent le duo car s'ils sont présentés vite-fait durant le spectacle, je n'en trouve aucune mention sur aucun site. Tant pis, aussi valeureux soient-ils, ce seront là aussi des ghouls anonymes !

Hormis leur monoplage "Let's Have a Satanic Orgy" vendu uniquement en kiosque de concert, pas de nouveauté fraiche à promouvoir, les malfaisants semblent se laisser doucement glisser sur la vague d'un un rite capteur … pour le moment.

Grâce une excellente sonorisation, tous les pupitres parviennent à la perfection à nos oreilles. L'éclairage est minimaliste mais suffit à développer les atmosphères malsaines voulues. Pas d'autre fond de scène qu'un grand rideau frappé du logo du groupe sous lequel trône un autel de fortune, drapé d'un tissu orné d'un pentagramme, pointe vers le bas bien évidemment. Coupes et accessoires rituels en bonne place.

Au final, la trentaine de minutes aura vite passé. Mon impression préalable fut confirmée ; la voix d'Alexandra est en effet sensuelle, dotée d'un timbre porteur et d'une tessiture limitée à l'échelle requise pour ce genre musical. Le guitariste nous gratifie de quelques soli sympas aux sonorités rappelant la grande époque de ce style. Le pupitre saxophone est celui qui m'aura le plus séduit, en fait.

Le public a semblé apprécier ce style musical décalé, et moi aussi. Mais je ne suis pas enthousiaste au point de me ruer sur leur discographie. Et d'ailleurs, je ne miserais pas beaucoup sur leur avenir ; on verra bien. Quant au rituel satanique et théâtral, qui m'a paru d'un goût douteux, je laisse chacun apprécier selon ses valeurs.

Sur six titres, quatre sont issus de "Satanic Doo-Wop", qui pourtant commence à dater quelque peu. Ils abusent de ces titres qui servent leur fameux rituels, mais il me semble qu'ils devraient faire attention à ne pas user la corde qui a séduit jusqu'à présent.

PROGRAMME
. In Lvx (Satanic Doo-Wop, 2018)
Sex Magick (Satanic Doo-Wop, 2018)
Let's Have a Satanic Orgy (Monoplage éponyme, 2022)
Satan's a Woman (Stripped From The Crypt, 2020)
I'm Wicked (Satanic Doo-Wop, 2018)
In Nox (Satanic Doo-Wop, 2018).


UNCLE ACID AND THE DEADBEATS [19h50-20h30].

Ce groupe anglais assurait la première partie sur la tournée de BLACK SABBATH lorsque je les ai découverts le 2 décembre 2013. Cette soirée me permet de retrouver leur rock heavy metal, doom, stoner qui rappelle souvent BLACK SABBATH, parfois ALICE COOPER.

Kevin "Uncle Acid" R. Starrs (guitare, chant, claviers, depuis 2009) est entouré de partenaires différents ; Vaughn Stokes (guitare rythmique, choeur, depuis 2015), Jon Rice (batterie, depuis 2017), et Justin Smith (basse, depuis 2018).

Leur démarche semble étonnante : pas d'actualité discographique depuis leur huitième album intitulé "Wasteland" paru le 12 octobre 2018, opus qu'ils ne vont défendre que sur un seul titre ce soir ....

La sonorisation est correcte. En revanche, l'éclairage aux teintes bleues foncé et violettes furent tellement minimalistes que nous distinguions à peine les trois crinières s'agiter dans la pénombre. L'atmosphère recherchée peut justifier cette pénombre, mais l'auditoire n'aura pas distingué grand-chose de ce qui se produisait sur la scène. En fond de scène s'étend une simple toile géante présentant le nom du groupe.

La prestation m'a d'abord séduite, avant de me lasser finalement. Les structures rythmiques m'ont paru excessivement figées avec des partitions répétitives autant pour la basse, que pour la batterie et la guitare rythmique. La voix rappelle souvent celle d'Ozzy, sans atteindre la qualité si particulière de son timbre.

Réactions du public a semblé réceptif mais pas particulièrement affolé non plus. Bref, ce fut un bon groupe de chauffe comme on dit…

Sur sept Titres, trois issus de "Blood Lust", deux issus de "The Night Creeper", un issus des "Mind Control" et "Wasteland".

PROGRAMME
Mind Crawler (Mind Control, 2013 04 15)
Shockwave City (Wasteland, 2018 10 12)
13 Candles (Blood Lust, 2012 11 20)
Pusher Man (The Night Creeper, 2015 09 04)
Ritual Knife (Blood Lust, 2012 11 20)
I'll Cut You Down (Blood Lust, 2012 11 20)
Melody Lane (The Night Creeper, 2015 09 04).

 


GHOST [21h00-22h45]

Depuis 2006, le suédois Tobias Forge anime son concept théâtral et s'entoure de musicien anonymes, des disciples appelés Nameless Ghouls. Détournant les codes liturgiques catholiques pour faire référence à la mythologie sataniste, il m'attire davantage pour son art de composer une musique à la fois harmonieuse et rythmée. J'ai été envouté à mon corps défendant une nuit de fin d'un festival, alors que je n'avais pas envie de rester. C'était le 10 juin 2016, lors du Download à l'hippodrome de Longchamps. Depuis ce temps, tel un adepte résigné à mon sort, je réponds aux appels démoniques. C'est la septième fois que je cède.

Un nouvel opus, "Imperia" est paru ce 11 mars 2022. Toujours aussi puissant et mélodique, je ne me lasse pas des créations du monsieur.

Comme d'habitude, en préalable à la pénombre, une bande-son entretient une atmosphère faussement recueillie. Puis les lumières s'éteignent ; après une minute et demie d'intro (Imperium), le rideau laisse apparaitre l'ombre d'un Ghouls avant de s'effondrer pour laisser enfin apparaitre un décor somptueux.

La mise en scène et l'éclairage contribuent fortement à la réussite des concerts de Ghost. Des sépultures se dressent en fond de scène, surmontées de vitraux très lumineux et colorés à la gloire des papa Emeritus. Entre les flammes infernales et les lumières éclatantes, neuf Ghouls se répartissent sur la très large scène. La batterie entourée de deux claviers et de deux choristes surmontent une estrade. Une basse et deux guitares partagent le devant avec le Maître. Tout est en place pour entrainer les auditeurs de la fosse, tels de pauvres diables dans un bénitier, dans une danse frénétique et irrésistible.

Pourtant, ce soir je n'étais pas disposé à supporter une sonorisation qui m'a semblé particulièrement inadaptée ; les basses surmontaient bien trop le reste à mon goût. Du même coup, beaucoup de titres me parurent méconnaissables sur leurs premières mesures. Même les titres "Miasma", et "Spillways" que j'apprécie pourtant particulièrement, m'ont semblé brouillons et bâclés. La désinvolture de l'ingénieur du son aurait pu complétement gâcher ma soirée, mais malgré tout je suis parvenu à capter quelques bons moments. "Year Zero" et "He Is" furent de ceux-là. Les oreilles finissent souvent à s'adapter, surtout avec la bienveillance inhérente à un adepte consentant.

Par ailleurs, il ne peut pas avoir échappé aux adeptes des débuts que Tobias a opté pour une démarche artistique qui ne mettra pas tout le monde d'accord. Il cherche opportunément à séduire un public de divers horizons ; mais les plus agités se plaindront qu'il devient trop pop, pendant que d'autres se plaindront que ça reste trop lourd. Et puis il y a les mystiques qui vont trouver qu'il s'éloigne dangereusement de son côté malsain au profit d'une comédie musicale de bon teint… Il est vrai que cette veste à paillette et ce nouveau maquillage m'ont davantage rappelé le Joker de Batman que n'importe lequel des Papa Emeritus ! En outre, l'évolution des costumes des Ghouls me semblent délaisser leur univers délicieusement mystérieux et inquiétants, désormais davantage inspirés par la science-fiction à la StarWars. Un peu décalé.

La prestation de ce soir ne laissera donc pas le meilleur souvenir des sept auxquelles j'ai assisté, mais il convient de relativiser, sinon ce serait omettre que c'est de l'art, de la Musique et que tout cela a vocation à nous divertir avant tout. Et moi, ça tombe bien, j'ai envie de me divertir. Je n'en demeure donc pas moins un disciple soumis pour les prochaines visites.

Vingt Titres, dont cinq issus de "Meliora", cinq issus de "Prequelle", quatre issus de "Impera", deux issus de "Seven Inches of Satanic Panic", un seul issus des " Infestissumam ", "Opus Eponymous", "Popestar".

PROGRAMME
Klara stjärnor (bande son de Jan Johansson)
Miserere mei, Deus (bande son de Gregorio Allegri)
Imperium (bande son)
Kaisarion (Impera, 2022)
Rats (Prequelle, 2018)
From the Pinnacle to the Pit (Meliora, 2015)
Mary on a Cross (Seven Inches of Satanic Panic, 2019)
Devil Church (Meliora, 2015) (duel de guitares, dont brève évocation de "La Marseillaise")
Cirice (Meliora, 2015)
Hunter's Moon (Impera, 2022)
Faith (Prequelle, 2018)
Spillways (Impera, 2022)
Ritual (Opus Eponymous, 2010)
Call Me Little Sunshine (Impera, 2022)
Helvetesfönster (Prequelle, 2018)
Year Zero (Infestissumam, 2013)
 
He Is (Meliora, 2015)
Miasma (Prequelle, 2018)
Mummy Dust (Meliora, 2015)
Kiss the Go-Goat (Seven Inches of Satanic Panic, 2019)
RAPPEL :
Enter Sandman (reprise de Metallica)
Dance Macabre (Prequelle, 2018)
Square Hammer (Popestar, 2016)
Bande son finale : "Sorrow in the Wind", reprise de Emmylou Harris).


 


samedi 16 avril 2022

PURE REASON REVOLUTION + GAZPACHO – Petit Bain (Paris 13) – 16/04/2022.

Cet évènement est particulièrement symbolique des dégâts collatéraux de cette maudite pandémie ; il avait été prévu le 24 octobre 2020 puis reporté une première fois le 16 octobre  2021 puis de nouveau reporté à cette année. L'agenda 2022 se trouve ainsi encombré de concerts et festivals reportés qui viennent s'imposer parmi les autres tournées. Fort heureusement, cette case du 16 avril était restée vide. Pourtant, les autres dates sont trop proches, quand elles ne se superposent pas (Heat le 17 mai comme Scorpions, Iron Maiden ce printemps en même temps que Metallica, ou encore Arena-The Windmill cet automne en même temps que Uriah Heep !).

Ce début d'année fut plutôt calme puisque ce n'est que mon troisième concert en 2022, mais c'est le premier en milieu réduit.

Le Petit Bain est une salle de concert flottant sur la Seine (et club ou restaurant/bar à l'occasion) doté d'un toit-terrasse, situé 7 port de la Gare, à Paris 13ème. Sa capacité de 450 places permet d'assister à des concerts intimes.

Je ne m'y suis rendu que le 20 janvier 2018, pour voir d'autres norvégiens, AUDREY HORNE. C'est THE NEW ROSES qui ouvraient la soirée. Très bons souvenirs.

Je me place au second rang devant Jon. La scène n'est pas trop surélevée et permet une bonne proximité. Je resterai à cet emplacement stratégique toute la soirée. Mon fils et ma p'tite Fée m'entourent pour un partage de régal.

PURE REASON REVOLUTION [19h05-20h15].

Ces anglais, Jon et Andrew Courtney, Chloë Alper, Greg Jong et Jim Dobson se sont rencontrés à l'Université de Westminster et fondent PURE REASON REVOLUTION (PRR) en 2003. Après plusieurs changements de formation, PRR finit par se séparer en novembre 2011. Heureusement, entre temps, j'ai eu le l'occasion de repérer leur existence via les forums de l'époque.

Leur musique m'a rapidement séduit par ce mélange d'atmosphères planantes, mélodiques et doucement énergiques. Beaucoup de maitrise pour créer des harmonies enivrantes et rythmées, les mélanges de rock progressif et de sonorités électro. J'ai eu la chance de vérifier leur talent en concert, alors qu'ils étaient invités de BLACKFIELD 22 février 2007 au Café de la Danse, puis invités de PORCUPINE TREE le 3 juillet 2007 à la Cigale. Une trop longue période de disette s'était installée ensuite …

Puis une rumeur de reformation s'est concrétisée ; je me suis précipité aux Pays-Bas, au Midsummer festival le 22 juin 2019 à Valkenburg. A cette occasion, le public progueux avait fini debout, surexcité et applaudissant à tout rompre ; Jon Courtney, et Chloë Alper avaient tout simplement volé la vedette à IQ ! (Je me rappelle encore du visage de Peter Nicholls agacé, déjà habituellement peu enclin au sourire). Remotivé par ce succès, PRR se précipite en studio pour faire paraitre "Eupnea" le 3 avril 2020… en pleine pandémie et donc sans promotion.

La reformation semble durable puisque qu'une nouvelle tournée est mise en place pour promouvoir un nouvel opus "Above Cirrus" qui paraitra ce 6 mai 2022. Hélas, quelques jours avant ladite tournée, Chloë Alper (chant, basse, claviers) prétend être désolée de devoir assumer des dates avec JAMES, son autre groupe. Elle se fait remplacer par Annicke Shireen, (chant / claviers), recrutée dans la mouvance de HEILUNG. Chacun appréciera ses priorités. Nous serons nombreux à nous sentir quelque peu frustrés, tant la présence de la Belle fait partie d'un édifice étourdissant…

Bref, aujourd'hui nous verrons donc le duo historique Jon Courtney (guitare, chant, claviers, depuis 2003) et Greg Jong chant, guitare (2005-2011, 2022). Ils sont soutenus par Michael Lucas (batterie, pour la tournée).

La tournée "Eupnea" ayant avorté à cause de la pandémie, l'actualité théorique retombe sur "Above Cirrus" dont la parution est prévue le 3 mai 2022. Seuls deux titres ont été présentés sur YouTube à ce jour ; la musique demeure sur la ligne du précédent, toujours d'un bon niveau avec ces subtils mélanges de mélodies et de rythmes entrainants.

Le concert débute avec cinq minutes de retard, mais sans impacter la durée. La sonorisation est puissante mais audible après une courte période d'équilibrage entre les pupitres.

L'éclairage permet de ravir les yeux ainsi que les objectifs de chasseurs d'images. De belles couleurs chaudes sont diffusées, notamment avec une rampe posée au sol au fond de scène. Un écran diffuse parfois des vidéos illustrant quelques titres, parfois le simple logo du groupe.

La scène est forcément limitée par les lieux, rappelons que nous sommes sur une péniche. Mais l'espace est suffisant pour que le quatuor puisse s'exprimer. Les musiciens sont moins exubérants que scrupuleux bidouilleurs de sons à quatre pattes.

La question qui se posait à beaucoup d'auditeurs ce soir portait sur la compétence d'Annicke à assumer le remplacement improbable de Chloé. Certes, comme dirait La Palisse, l'une n'est pas l'autre et vice et versa. Nonobstant cette évidence, nos oreilles n'ont pas eu trop à souffrir de cette absence. Certes, Annicke n'a pas le timbre aussi doux que celui de Chloé mais les harmonies ne s'en trouvent pas altérées. Elle n'est pas bassiste, ce pupitre est donc noyé dans les parties jouées au clavier, sans trop d'impact sur l'impression ressentie en concert. On la voit souriante, impliquée efficace.

L'autre sujet était en outre le retour d'un ancien complice, Greg Jong semblait ravi de partager de nouveau la scène et gouter aux retours d'un public enthousiaste. Ses interventions de guitare et de chœurs apportent une densité notable.

Michael Lucas assure une redoutable frappe de bucheron qui ne laisse aucun répit à nos muscles chargés de suivre les rythmes plus souvent implacables que délicats.

Quant à Jon, le pilier du groupe bien sûr, est impeccable. Précis, consciencieux, efficace. Un chant toujours à la fois doux et mélodique qui accompagne aussi bien les rythmes les plus endiablés que ceux les plus délicats.

En réaction le public est évidemment enthousiaste, emporté par tant de plaisirs auditifs. Même si la constante quête de perfection de Jon ponctue parfois l'ambiance de silences surprenants entre les titres, celle-ci ne tarde jamais à remonter. Ces nuances, ces crescendo, ces explosions de sons sont imparables et emmènent l'auditoire dans des abimes insondables. Au lendemain de cette aventure musicale, ma nuque se rappelle tout particulièrement de "Bright Ambassadors", de "Deus Ex Machina" ou encore "AVO".

Bref, cette quatrième expérience en appelle une cinquième !

Etonnamment, sur neuf titres, un seul est issu du nouvel opus à paraitre "Above Cirrus" et seulement deux issus de "Eupnea", dont on aurait pu imaginer une meilleure promotion. Toutefois, j'ai apprécié l'introduction au concert avec "Silent Genesis". Le choix de programmation s'appuie sur leur succès historiques, quatre issus de "The Dark Third", deux issus de "Amor Vincit Omnia" et évince leur période purement électro (Hammer and Anvil).

PROGRAMME
Silent Genesis (Eupnea, 2020)
Phantoms (Above Cirrus, 2022)
Apprentice of the Universe (The Dark Third, 2006)
The Bright Ambassadors of Morning (The Dark Third, 2006)
Arrival / The Intention Craft (The Dark Third, 2006)
Bullitts Dominæ (The Dark Third, 2006)
Ghosts & Typhoons (Eupnea, 2020)
Deus Ex Machina (Amor Vincit Omnia, 2009).
RAPPEL :
AVO (Amor Vincit Omnia, 2009).


GAZPACHO [20h35-22h10]

C'est toujours très agréable d'être surpris par des artistes au cours d'un concert, de trouver une Porte jusque-là inexplorée. Habituellement, ce genre de retournement s'opère à l'occasion d'un festival, lieu idéal pour les découvertes. Cette fois, il aura suffi d'un concert soutenu par une première partie motivante… J'étais resté insensible à leurs ondes, je ne le suis plus.

Selon la perception des auditeurs, ces norvégiens sont réputés créer une musique rock expérimental ou rock progressif. Un microcosme d'admirateurs de Marillion, Porcupine Tree, The Pineapple Thief ou Radiohead apprécient particulièrement ces atmosphères plutôt éthérées.

Leur premier album est paru en 2003. Aux détours d'échanges sur les forums, j'ai perçu leur existence à la fin des années 2000 (époque "Tick Tock"), sans jamais être franchement séduit, en dépit des avis dithyrambiques. Ce n'était pas vraiment un rejet, plutôt une légère apathie. J'ai pu assister cependant à un concert le 30 juin 2018 à Barcelone lors du BeProg festival, durant lequel j'avais passé un bon moment sans toutefois avoir été enthousiasmé. Une musique, certes relativement émouvante mais créant un univers qui me semblait hermétique. Il y a des artistes qui me parlent moins que d'autres c'est ainsi, et d'ailleurs heureusement pour ma tirelire qui souffre déjà bien assez de mes passions. Cependant, j'ai toujours tenté de nouvelles approches, au fil des parutions, restant à l'écoute et ouvert à une hypothétique séduction. Ce que j'ai écouté de leur onzième opus, "Fireworker" m'a beaucoup plu.

De surcroit, l'histoire de ce groupe présente un aspect positif non négligeable ; sa stabilité. Le trio fondateur maintient le cap depuis le début. Autour de Jan-Henrik Ohme (chant, depuis 1996), Jon-arne Vilbo (guitares, depuis 1996), et Thomas Andersen (claviers, depuis 1996), se sont fidélisés Mikael Krømer (violon, guitares, mandoline, depuis 2001), Kristian Torp (basse, depuis 2005), ainsi que Robert Johansen (batterie, 2004–2009, et depuis 2017).

Comme pour beaucoup d'artistes, la promotion de "Fireworker", paru en pleine Pandémie le 18 septembre 2020, a été pénalisée, en dépit d'un bon accueil dans la presse spécialisée. Ce ne fut que partie remise ; leur tournée "Fireworking Europe tour 2022" leur permet enfin de défendre leur création.

Ce qui surprend en premier en accueillant ces Vikings, c'est leurs sourires. C'est un plaisir de lire sur leurs visages un flagrant bonheur d'être sur scène. Les deux guitaristes et le chanteur forment à cet égard un trio réjouissant. La fidèle présence du clavier, le retour du batteur prodigue, et le jour anniversaire du bassiste contribuent à entretenir une atmosphère apaisée, presque familiale. Leur bonté se vérifie jusqu'au partage des moyens mis à la disposition des deux groupes de la soirée.

Mes oreilles ont mis un peu de temps à s'adapter à la sonorisation. Les redoutables frappes émanant de la batterie masquait la fluette voix de Jan-Henrik sur une première courte période, avant que les réglages appropriés améliorent la situation. Avec six musiciens sur scènes, on peut admettre la difficulté de l'ingénieur du son à gérer les équilibres entre les pupitres. Mais rien de rédhibitoire finalement.


Eclairé d'un dispositif semblable à la première partie de soirée, peut-être un peu plus lumineux, la scène était évidemment plus restreinte pour accueillir tout ce beau monde. Mais on n'a pas à faire à des agités et donc tout s'est bien passé en termes de complicité et de rapprochement entre les musiciens. En fond de scène, le même écran diffuse en alternance des vidéos et images.

En retrait, sont positionnés à droite le clavier, au centre la batterie et à gauche le bassiste. Les feux de la rampe favorisent donc le trio précité. Difficile pour les objectifs de capter les prouesses du bassiste, du batteur et les délicates interventions du clavier.

Au fil de la prestation, je me suis laissé bercer par ces mélodies doucement chaloupées. Au point de me séduire et de séduire ma p'tite Fée, à contrecourant de notre impression préalable. Ce que je n'étais pas parvenu à entrevoir à Barcelone m'est apparu ici comme une évidence.

Le chant qui me semblait jusqu'alors lancinant et monotone, m'a paru émouvant. La voix de Jan-Henrick brille moins par sa tessiture que par son timbre. Il exprime ses émotions avec un vibrato perceptible, ainsi qu'une gestuelle à la fois sobre, sensible et évocatrice. Ses aspects, alliés à son sourire quasi constant, lui confère un charisme touchant.

Les guitaristes sont, à l'instar du bassiste et du clavier, au service des sonorités qui contribuent aux atmosphères planantes ; aucune extravagance, juste une ambiance. Je sais pourtant apprécier les deux aspects musicaux, mais ce soir mon humeur semblait disposée.

La frappe du batteur est d'un raffinement exquis, alternant les périodes avec délicatesse et grande efficacité.

La réaction du public enthousiaste semble avoir ravi les artistes qui, il est vrai, n'attendait pas cela pour continuer à sourire à leur vie d'artistes. Ils sont heureux, ils nous ont transmis leur bonheur ; ça tombe bien on en avait besoin !

Sur douze titres, trois présentent leur dernier opus "Fireworker", mais trois autres marquent les dix ans de "March of Ghosts". En marge on aura écouté un seul titre de "Soyuz",

PROGRAMME
Fireworker (Fireworker, 2020)
Emperor Bespoke (Soyuz, 2018)
Golem (March of Ghosts, 2012)
I've Been Walking (Part 2) (Demon, 2014)
Clockwork (Fireworker, 2020)
Hell Freezes Over I (March of Ghosts, 2012)
Upside Down (Night, 2007)
Black Lily (March of Ghosts, 2012)
Tick Tock, Part 3 (Tick Tock, 2009)
Sapien (Fireworker, 2020).
RAPPEL :
Vera (Missa Atropos, 2010)
Winter Is Never (Tick Tock, 2009).


Une telle soirée devait se clore par une séance dédicace à laquelle s'est volontiers prêté GAZPACHO. Le dernier opus est acheté et signé, avant de poser pour quelques autoportraits (toujours aussi souriants). Siroter une p'tite tisane de houblon entre amis sur le toit-terrasse par une belle fin de soirée printanière, en conservant un regard sur le bus de la tournée… quoi d'autre, pour prolonger le plaisir !

Au moment de partir, nous avons la chance de trouver Jon Courtney, Greg Jong et Annicke prêts à embarquer dans leur bus… Discussion, échanges d'impressions et autoportraits viennent ainsi parfaire la soirée réussie en tous points !

 

mardi 5 avril 2022

HANS ZIMMER – Palais Omnisport Paris Bercy (Paris 12e) – 05/04/2022.

 

Lorsque je regarde un film, mon attention se porte fortement sur la musique, aussi ; je ne prétends pas qu'elle pourrait sauver un navet, mais une bonne orchestration, de belles mélodies, des envolées cuivrées contribuent le plus souvent à m'emporter au moins autant que la narration. La Musique m'accompagne depuis toujours dans toutes les étapes de ma vie ; celles des autres m'intéresseront d'autant mieux, contée en musique.

Certains compositeurs de musiques de film ont ce don de transcender une réalisation. Hans ZIMMER est de ceux-là ; en témoignent les nombreuses récompenses et nominations décernées depuis plusieurs décennies. Pourtant, au début des années 80, l'allemand a bien failli se limiter à la pop avec les Buggles. Si cette aventure avait perduré, il n'aurait sans doute jamais mis le pied à l'étrier en tant qu'assistant de compositeur, puis en tant que compositeur en titre. Naturalisé américain, son talent est assez vite reconnu. Ridley Scott, Tony Scott, Ron Howard, notamment, lui confient la musique de leur film. Son ascension aboutit au succès internationalement reconnu avec sa composition pour le "Roi Lion", commandée par les studios Disney en 1994.

Pour ma part, j'avais apprécié particulièrement les thèmes écrits pour "Thelma et Louise" (1991), "USS Alabama" (1995), "Armageddon" (1998), "La Ligne rouge" (1999), "Gladiator" (2000), "Pearl Harbor" (2001), "Interstellar" (2014), sans oublier les "Batman", "Iron Man" et bien d'autres encore… Il a composé deux cents partitions, en trente années à Hollywood !

Curieusement, je n'avais encore jamais osé me rendre dans un auditorium pour un concert en hommage ou dirigé par un compositeur de musique de film. Je me souviens avoir manqué celui d'Ennio Morricone par exemple. Je m'apprêtais également à manquer cet évènement-là ; omission due en partie au contexte des multiples spectacles annulés, reportés, incertains, …

Heureusement, mon fils aura profité de mon anniversaire pour m'offrir cette invitation inattendue. Je n'avais absolument pas noté cet événement et ce n'est qu'en pénétrant dans le POP Bercy que j'ai réalisé ma chance et la valeur de ce cadeau ! Oui, Hans ZIMMER sera là en personne pour diriger une trentaine de musiciens dont Guthrie GOVAN, l'ancien guitariste de Steven Wilson !! Rien que pour ce double motif je suis déjà ravi et excité ! Le p'tit malin nous a dégoté des places assises en orchestre, excentrées sur la droite, assez proches de la scène pour bien voir les artistes, et pas trop pour garder le recul nécessaire à ce spectacle qui s'avèrera grandiose. Guthrie Govan officiera de notre côté ; que demander d'autre ?!

Pendant que le public s'installe, une image filmée en direct le montre dans la salle, sur un écran géant étendu à toute la largeur de la scène, teinté aux couleurs de l'Ukraine durement martyrisée en ce moment.

[20h15/(entracte de 25 mn)/23h20].

Le compositeur n'a pas lésiné sur le recrutement. Une bonne trentaine de musiciens (difficile de tous les compter exactement). Sur la scène, les cuivres surplombent l'ensemble ; à gauche, au moins quatre cors d'harmonie, à droite, se trouvent une trompette, trois trombones à coulisses et une contrebasse. Au centre, à la même hauteur, trône un synthétiseur. Plus bas, toujours au centre sont positionnés deux batteries (occupées par Aicha DjidJelli et Holly Madge). Sur la gauche une section de six violons (tous ukrainiens, auxquels Hans n'a pas manqué de rendre hommage, bien sûr), sur la droite une section de cinq violoncelles. Puis disséminés au niveau de la scène, on trouve les percussionnistes particulièrement actifs sur les extraits trépidants tels que "Inception" (timbales, grosses caisses, djembés, …), mais aussi les nombreux solistes.

Je ne les citerai pas tous, mais ils sont tous dignes d'intérêt, et démontrant une solide expérience dans ce type de musique. Parmi ceux-ci, évidemment Guthrie Govan, longuement et chaleureusement présenté par Hans qui semble sincèrement subjugué par le talent du guitariste. Ils semblent avoir développé une réelle complicité, notamment durant la création de "Dune" (2021). Hans manifeste son admiration en soulignant la fantaisie dans ses soli. Pour l'avoir vu trois fois sur scène (2013-2015) je ne peux qu'applaudir ce compliment amplement justifié. Cette reconnaissance du Maître de cérémonie lui a permis de s'exprimer pleinement (guitare électrique/sèche, banjo), notamment sur deux soli particulièrement notables (durant "Dune" et un autre titre). Un autre guitariste, Nile Marr, assurait quelques parties en soutien.

Je dois souligner le talent de deux bassistes exceptionnels au pédigrée aussi éloquent que leur talentueuse prestation ce soir. Andy Pask a travaillé pour le cinéma, la télévision mais a aussi collaboré pour plusieurs artistes tels que Freddie Mercury, Madonna, Tom Jones, Debbie Harry, Véronique Sanson, … Il a aussi participé à trois tournées mondiales avec Hans Zimmer. Quant à Juan Garcia-Herreros, il collabore aux tournées de Hans depuis 2018, mais aussi lors de la création de la partition de "Dune" ; c'est un spécialiste colombien de la basse électrique, de renommée mondiale, sous le nom de scène "Snow Owl" (Je suggère de consulter ses vidéo).

Avec son violoncelle électrique Tina Guo démontre à la fois un talent et une énergie étonnante. Native de Shanghaï, naturalisée américaine, on peut constater son éclectisme dans son très long CV. Plusieurs fois impliquée dans les partitions de Hans, elle n'hésite pas à partager la scène aux côtés de Peter Gabriel, Steven Tyler, Steve Wonder, … mais aussi le groupe de power metal suédois SABATON au festival de Wacken en 2019 !

Aux flûtes, c'est le vénézuélien Pedro Eustache. Au chant, Loire Cotler, Lebohang “Lebo M” Morake, et sa fille Refilwe “Refi Sings” Morake. D'autres solistes aux violons, à l'accordéon, et des choristes permirent de magnifier encore ce bel ensemble.

Inspiré par l'exemple probant d'autres confrères, Hans s'est lancé à son tour dans une première tournée européenne au printemps 2016. C'est une réussite qui culmine avec l'enregistrement d'un DVD à Prague en novembre 2017. (Ce film, déjà offert en son temps par mon fils, m'avait déjà fait rêver d'assister à ce genre de spectacle !) Fort de ce succès, l'opération se renouvelle mondialement jusqu'à ce jour. La musique de Zimmer sera interprétée ici-même lors d'un autre concert en septembre mais sans son Maître.

La sonorisation est puissante, profonde et audible. En dépit d'une section percutions particulièrement fournie, les pupitres sont pour la plupart distinctement perçus. Les cuivres et les cordes se répondent d'une harmonie magnifique ! Un vrai régal auditif !

L'éclairage est tout simplement somptueux, constitué de plusieurs rampes mobiles pour éclairer une très large scène avec les nuances requises.

Hans Zimmer est charismatique, impliqué, enthousiaste souriant et chaleureux avec tous ses musiciens. Il ne tient en place que pour ces segments aux claviers (alternant piano ou synthétiseurs). Multi-instrumentiste, il est le troisième bassiste pour un trio de basses énorme. Il n'hésite pas à saisir une guitare ou un banjo pour partager des soli de guitare avec Guthrie. A 64 ans, sa bonne humeur et sa performance m'ont paru formidable. Pour l'anecdote, il ne renie pas son origine puisqu'il n'a pas hésité à se vêtir du costume traditionnel allemand pour interpréter un titre !

Le public m'a paru un peu trop poli, en tant qu'habitué des concerts rock, mais il n'a pas manqué de montrer sa satisfaction, notamment avec une ovation debout pour le salut final.

Dix-sept titres ont permis à l'auditoire de voyager dans le parcours cinématographique des vingt-deux dernières années du Maître. Seul le titre du Roi Lion a été déterré de la période antérieure. Ce qui pourrait être à déplorer mais pendant deux heures et demie nous n'avons pas ressenti le temps passer, et l'émerveillement est total ; merci Monsieur.

ACTE 1 :
House Atreides (“Dune” -2021)
Mombasa (“Inception” -2010)
Themyscira / Games / Open Road (“Wonder Woman 1984” -2020)
What Are You Going to Do When You Are Not Saving the World? / If You Love These People (Man of Steel-2013)
Duduk of the North / The Battle / Earth / Honor Him / Now We Are Free (extraits de “Gladiator”-2000)
Jack Sparrow / Davy Jones / At Wit's End / He's a Pirate (extraits de “Pirates Of The Caribbean”-2003)
ACTE 2 :
Rango Suite (“Rango”-2011)
Discombobulate (“Sherlock Holmes”-2011)
A Way of Life (“The Last Samurai”-2003)
I'm Not a Hero / Like a Dog Chasing Cars / Why So Serious? (extraits de “The Dark Knight” -2008)
X-MDP (“X-Men: Dark Phoenix”-2019)
Supermarine (extraits de“Dunkirk”-2017)
Paul's Dream (“Dune”-2021)
Dust / Detach / Coward / Stay (extraits de “Interstellar”-2014)
Circle of Life / He Lives in You / This Land / King of Pride Rock (extraits de “The Lion King”-1994).

RAPPEL :
Gun Barrel / Cuba Chase / Back to MI6 (extraits de “No Time To Die”-2021)
Time (“Inception” -2010).


mercredi 16 mars 2022

GENESIS – Paris La Défense Arena le 16 mars 2022.

Ce que je recherche avant tout dans la Musique, c'est l'émotion. Certes, elle permet aussi de s'amuser, de picoler, de bavarder entre amis, ou encore de faire le ménage, pousser un panier de supermarché, courir en forêt, ou pisser dans les toilettes publiques. Moi, j'y vois l'occasion de m'émouvoir, de m'évader du monde réel, d'oublier les râleurs, les rabat-joie, et de partager des instants de grâce avec les musiciens et des mélomanes. Ce soir, j'ai été servi.

CONTEXTE.

L'arène de La Défense, située sur le territoire de Nanterre (contrairement à ce que prétend son intitulé), peut accueillir jusque 40 000 personnes en configuration concert, depuis octobre 2017. Un précédent concert dans cette salle ne m'avait pas laissé un bon souvenir. Etait-ce dû à l'acoustique inadaptée, était-ce dû à la sonorisation inadéquate ; toujours est-il que je n'avais guère apprécié le son. De surcroit, en étant placé en balcon opposé à la scène, l'éloignement était tel que j'en étais réduit à souvent regarder les écrans. Au point de me demander si je n'aurais pas mieux fait d'attendre une parution DVD pour la savourer dans mon canapé. En fin de cette soirée, je m'étais promis de ne plus revenir…

Mais évidemment il y a toujours un fait contrariant à toute intention, qu'elle soit bonne ou mauvaise. Les promoteurs ont décrété que GENESIS devait s'y produire. S'agissant sans doute de la dernière occasion de revoir cette vénérable institution du rock progressif britannique, je m'interdis de mépriser ce rendez-vous, en dépit de l'inquiétant état de santé de Phil Collins. En dépit aussi des prix exorbitants et inadmissibles des places qui semblent s'adresser à une élite de quinquagénaires assez mélancoliques et fortunés pour s'offrir les meilleurs emplacements.

Selon sa génération, selon ses émotions, ses coups et ses douleurs ressentis au fil de la carrière de ces artistes britanniques atypiques, chaque admirateur aura sa période préférée. Pour ma part, comme beaucoup, je considère que l'âge d'Or se situe entre 1971 et 1977, lorsque le trio actuellement en place était accompagné de Peter Gabriel (1967–1975) et de Steve Hackett (1971–1977). Je pourrais même débuter ladite période à octobre 70 avec "Tresspass" qui constituait déjà la genèse (désolé, je n'ai pas résisté !) de leur succès. Cependant, j'apprécie globalement l'ensemble de l'œuvre de ces pionniers du rock progressif.

Mais, hélas je n'ai pas été sensibilisé à leur talent avant le début des années 80, durant lesquelles les radios émettaient inlassablement "That's All" et "Mama". Ce n'est que le 3 juin 1987 que j'ai pu voir Genesis sur la scène de l'Hippodrome de Vincennes à PARIS (12ème) moyennant la somme (déjà considérable à l'époque) de 150 francs. Aux pupitres claviers, basse, percussions, chant et guitare c'était le même quatuor qu'aujourd'hui qui promouvait "Invisible Touch" (1986), leur treizième album depuis dix-huit années.

La discographie de Genesis présente désormais quinze albums studio enregistrés entre 1969 et 1997. Ce concert ne s'inscrit donc pas dans une tournée promotionnelle ; aucun nouvel album n'est paru depuis des décennies. Il s'agit plutôt de l'émouvant adieu de ces musiciens légendaires à son public qui attendait ce retour depuis trop longtemps. Je ne les aurai vus que deux fois en cinquante-cinq années, mais j'ai pu emmener ma compagne et mon fils pour qu'ils réalisent ce qu'est le talent maitrisé. Voilà qui est fait, amen.

Je me rends ainsi à ce concert comme à un complément de celui de Steve Hackett, leur ancien comparse, auquel j'ai assisté à la salle Pleyel à l'automne dernier.

Pour l''accès à cette grosse baleine qu'est l'arène, il faut beaucoup marcher, beaucoup patienter pour les fouilles, un peu moins pour valider les codes-barres, mais surtout avoir une forme athlétique pour accéder aux balcons. Car les gueux pas assez aisés pour bénéficier de places assises en fosses, quel que soit leur âge, doivent affronter quatre séries d'escaliers, sans doute pour les inciter, une fois parvenu au pigeonnier, à payer une boisson à la première échoppe venue… Ces enfoirés n'ont pas eu ce plaisir en ce qui me concerne. Non mais dites donc …

Je dois cependant confesser avoir céder à la tentation d'un 90ème t-shirt pour ma collection. Le montant (40 €) pouvait pourtant paraitre rédhibitoire, mais l'évènement ultime me semble pouvoir justifier ce nouvel écart de conduite.

GENESIS [20h00-22h30].

Aujourd'hui, nous retrouvons ainsi deux membres fondateurs Tony Banks (claviers, guitare-12-cordes, chœurs ; 1967–2000, 2006–2007, et depuis 2020), et Mike Rutherford (basses, guitare, chœurs ; 1967–2000, 2006–2007, et depuis 2020). Monsieur Phil Collins (batteur de 1970 à 1996 et de 2006 à 2007) est présent aussi, mais diminué physiquement au point qu'il a dû renoncer aux fûts depuis 2007. Sa participation se limitera donc au chant (1975–1996, 2006–2007, et depuis 2020), assis sur un tabouret.

Deux musiciens, pas tout à fait étrangers au trio légendaire, apportent leur précieux soutien à l'occasion de la tournée actuelle, "The Last Domino ?". Daryl Stuermer (guitare, basse, chœurs ; 1977/8–1992, 2006–2007, et depuis 2020), et le fils à son papa, Nic Collins (drums, percussion ; depuis 2020). Il a été jugé opportun (…) de soutenir les parties vocales avec Daniel Pearce (chœurs ; depuis 2020), Patrick Smyth (chœurs ; depuis 2020).

Immanquablement, je me doutais bien que j'allais assister à une soirée chargée en émotions. Le handicap de Phil Collins s'est avéré d'autant plus émouvant qu'il nous renvoie en pleine figure la dure réalité du temps qui passe inexorablement. Il convient de rappeler qu'il a été diminué par une pancréatite, par deux opérations du dos, en 2009 et en 2015, ainsi que par son diabète ; tout cela laisse forcément des traces.

Lui qui était si dynamique et puissant, il nous est apparu avec une canne pour accéder à son fauteuil, dont il n'a plus bougé. Mais passé cette douloureuse étape, le concert fut un éblouissement permanent ; les musiciens demeurent talentueux, l'éclairage fut somptueux, la sonorisation puissante et audible a permis de savourer les musiques pleines d’harmonie, de poésie et d'énergie. Les années 80, largement représentées, auraient pu nous frustrer en tant que progueux axés sur les 70's, mais j'ai pris un immense plaisir immersif. Durant près de deux heures et demie, (20h30-22h55) nous avons voyagé dans le temps avec cette vénérable institution du rock progressif britannique qui rentre désormais dans la légende.

L'amplification sonore est astucieusement répartie dans l'espace et l'ingénieur a su doser la puissance et la qualité pour le plaisir des auditeurs quelle que soit son emplacement. Même si la frappe du p'tit Nic m'a parfois paru un peu surexposée, sans jamais être nuisible au reste.

L'éclairage constitué de cinq blocs mobiles de quatre rampes de projecteurs multicolores surplombe la scène et un dispositif au-dessus de la fosse vient parfaire les ambiances lumineuses. Le tout crée des atmosphères extraordinaires de subtilités et de nuances de couleurs.

En fond de scène, plusieurs panneaux écrans verticaux peuvent selon l'ambiance créer des images multiples ou constituer un écran géant. Ce jeu d'images montre en alternance les artistes sur scène et ou des illustrations de titres. De chaque côté de la scène, un écran intermédiaire et un écran plus grand permet au public éloigné de profiter de plans rapprochés. Ces cinq écrans sont les bienvenus dans cette immense salle.

Quant à la scène elle-même, pas de décor particulier. Chaque pupitre jouit bien évidemment de tout l'espace requis. Vu mon emplacement, je ne suis pas en mesure de détailler le matériel déployé, mais à quoi bon chacun peut aisément imaginer que Monsieur Tony Banks ne se contente pas de matériel Bontempi.

Dès les premières minutes de cette "Turn It On Again", des frissons m'ont envahi depuis la colonne vertébrale jusqu'à mes bras, des larmes d'émotions ont embués ma vue. Je sais, je suis un grand émotif et je ne m'en soigne même pas. Quel doux sentiment que de pouvoir s'abandonner à un tel enivrement, sans retenue ! Une spirale de sensations visuelles et sonores m'emporte dans un espace intemporel ; elles sont à la fois délicieuses et douloureuses. Certes le Phil a pris un sacré coup de vieux et ça fait mal. Mais son obstination à vouloir communier une dernière fois avec son fidèle public impose notre respect et relève de l'abnégation. Car il l'a dit lui-même, il n'a plus besoin de cette tournée pour subvenir à ses besoins, il le fait pour nous faire plaisir une dernière fois, tout simplement. J'aurais aimé un tel volontarisme de la part de Peter et de Steve, mais bon c'est comme ça épicétou.

Ma crainte en venant ce soir portait légitiment sur la crédibilité de la prestation de Phil. Sa voix n'a certes plus la prestance, ni la justesse, ni la tessiture assurée des 80's, mais elle reste identifiable et satisfaisante. En tout cas, sa prestation m'a paru honorable. Le soutien des choristes est le bienvenu, mais son rôle est juste de magnifier l'interprétation des titres emblématiques. Par ailleurs, il conserve son esprit espiègle et aime toujours communiquer, parfois avec un français hésitant, avec son public qui n'attend que cela.

Juste après "Duchess", il présente ses complices. Son émotion est visible lorsque Mike le présente à son tour et qu'il reçoit une ovation décuplée. En préambule à "Domino", il invite alternativement le public à sa gauche, à sa droite ou au centre, à répondre à ses invectives ! Une belle communion.

Mike et Tony ont pour leur part assuré leur pupitre à la fois stoïques et concentrés. Les images montraient parfois un rictus dénonçant un réel plaisir d'être là, mais pas d'exubérance ; ce n'est pas le genre de la maison. Leur talent est démontré sur toutes les séquences et c'est bien l'essentiel. Mike assure de bien belles partitions à la guitare ; je souligne tout particulièrement le final de "No Son of Mine".

Nic assure sa partie avec fougue et une redoutable efficacité qui peut rendre fier son papa.

Daryl n'a pas à rougir de sa prestation ; son style est certes différent de Steve mais à mon sens il mérite son pupitre dans ce groupe. Personnellement, je déplore même ce strapontin dont il doit se contenter depuis maintenant plus de quarante-huit années. Ce statut me rappelle celui de John Wesley au sein de Porcupine Tree.

En deuxième acte, les musiciens se sont regroupés au-devant de la scène pour interpréter quelques titres en semi-acoustique. Magnifique moment également.

Dans un espace aussi vaste, il est souvent difficile de créer une atmosphère festive et fusionnelle, d'autant plus que la fosse était constituée de rangées de sièges destinés à des admirateurs au moins aussi âgés que les artistes sur scène. La réaction du public fut à la fois chaleureuse et respectueuse. Les ovations n'étaient pas déchainées mais elles montraient cependant une réelle satisfaction de connaisseurs passionnés. L'auditoire n'a cessé de répondre aux incantations de Phil.

Quant au programme, comme d'habitude chacun pourra émettre un regret pour tel titre omis ou tel album insuffisamment visité, mais il faut reconnaitre que cent quarante-cinq minutes ont permis de sélectionner une belle brochette de titres magnifiques. Néanmoins, puisque c'est mon récit, je me permets de déplorer la surexposition de l'opus "We Can’t Dance" avec trois titres, alors que "Wind & Wuthering" mon opus favoris n'aura été évoqué qu'une seule fois. Plus globalement, les 70's n'ont été évoqué que sept fois.

Vingt-trois titres interprétés plus ou moins complètement ; cinq titres de "Invisible Touch" (1986), quatre titres issus de  "Genesis" (1983), quatre titres issus de  "Selling England by the Pound" (1973), trois titres issus de  Duke (1980), trois titres issus de  "We Can’t Dance" (1991), deux titres issus de  "The Lamb Lies Down on Broadway" (1974), un titre issu de  "And Then There Were Three…" (1978), un titre issu de "Wind & Wuthering" (1976).

PROGRAMME
Intro : Dead Already (titre de Tom Newman)
Behind the Lines / Duke's End (Duke, 1980)
Turn It On Again (Duke, 1980)
Mama (Genesis, 1983)
Land of Confusion (Invisible Touch, 1986)
Home by the Sea (Genesis, 1983)
Second Home by the Sea (Genesis, 1983)
Fading Lights (deux premier couplets) (We Can’t Dance, 1991)
The Cinema Show (deuxième moitié ; avec extraits de "Riding The Scree" & "In That Quiet Earth") (Selling England by the Pound, 1973)
Afterglow (Wind & Wuthering, 1976)
Partie acoustique
That's All (Genesis, 1983)
The Lamb Lies Down on Broadway (The Lamb Lies Down on Broadway, 1974)
Follow You Follow Me (…And Then There Were Three…, 1978)
Duchess (Duke, 1980)
(présentation du groupe)
No Son of Mine (We Can’t Dance, 1991)
Firth of Fifth (extrait instrumental) (Selling England by the Pound, 1973)
I Know What I Like (In Your Wardrobe) (extrait "Stagnation") (Selling England by the Pound, 1973)
Domino (Invisible Touch, 1986)
Throwing It All Away (Invisible Touch, 1986)
Tonight, Tonight, Tonight (deux premier couplets) (Invisible Touch, 1986)
Invisible Touch (Invisible Touch, 1986)
RAPPEL :
I Can't Dance (We Can’t Dance, 1991)
Dancing With the Moonlit Knight (Selling England by the Pound, 1973) (intro & premier couplet seulement)
The Carpet Crawlers (The Lamb Lies Down on Broadway, 1974)

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