Ces cinq musiciens font partie de
ceux que j'admire au-delà de leur discographie ; leur attitude, leur conception
des rapports avec leur public font de Marillion un cas à part. Beaucoup
d'autres artistes m'incitent à être vigilant sur leurs tournées, mais celles de
Marillion constituent une priorité d'autant plus aisée à respecter qu'ils ne
manquent jamais de rendre visite à notre pauvre France (je parle de culture
musicale).
Le 10 décembre 2018 en me
procurant les tickets je n'imaginais pas les complications à subir en matière
de transports pour s'y rendre. Par bonheur, nous avions exceptionnellement opté
pour des places assises (en carré or, une
fois n'est pas coutume), et puisqu'il s'agit de la salle Pleyel, l'accès
est facilité par la ligne de métro M1 désormais automatisé. Les planètes
étaient ainsi alignées pour nous faire passer une excellente soirée. Y'avait
plus qu'à…
Harry
PANE [20h00-XXh00].
Il était déjà invité le dimanche 26 mars 2017 lors de
la sixième convention Marillion à Port-Zeland. J'avais ainsi eu l'occasion d'assister
à une prestation de ce musicien qui propose, seul sur scène, des titres plus ou
moins captivants. A l'époque, Je concluais mon récit par un laconique "il ne nous laissera pas un souvenir
impérissable".
Marillion s'obstine, Dieu sait pourquoi, à nous
l'imposer… J'ai pourtant tenté de trouver une justification récente à cette
nouvelle invitation ; en vain. D'ailleurs, parmi les cinq titres inscrits à son
programme ce soir, dont trois avaient déjà interprétés en 2017 ! Mais bon,
installons nous et patientons, ce sera toujours mieux qu'une mauvaise soupe
radiophonique.
Dans cet écrin qu'est la salle Pleyel, sa seule
guitare n'a pas eu de mal à être parfaitement perçue par l'auditoire. La sonorisation
me parut même un peu puissante pour ce type de prestation, mais bon, il fallait
bien occuper l'espace sonore et ce fut fait.
Pas de jeu de lumières particulier et pas de fond de
scène, l'artiste s'exprime dans la sobriété.
Que dire de ce brave garçon ? En fait, ce qu'il joue
n'est pas mauvais, c'est juste banal. Je me demandais si je lui aurais glissé
la pièce en passant devant lui dans un couloir du métro. Ben non, même pas. Je
pense que j'aurais juste passé mon chemin… C'est triste mais vrai.
Cinq titres dont "Big Love", une reprise de Fleetwood Mac. Personnellement, j'ai
particulièrement apprécié le dernier titre "Mamma", non pas parce qu'il précéda son départ mais parce
qu'enfin la musique bluesy me parla davantage.
PROGRAMME
Hiding Place
Big Love (reprise de Fleetwood Mac déjà jouée en 2017)
Fletcher
Bay (déjà joué en 2017)
Beautiful Life
Mamma (déjà joué en 2017)
Une soirée comme celle-ci aurait mérité une autre introduction,
mais le public de Marillion reste toujours aussi bienveillant, et applaudit
poliment l'artiste. On dit "jamais
deux sans trois !"? bof…
MARILLION
[21h00-23h00]
A la terrasse du café jouxtant la salle Pleyel, alors
que nous discutions autour d'une savoureuse Grimbergen avec un autre
consommateur, nous nous aperçûmes de nouveau à quel point Marillion était hélas
trop méconnu. En communiquant au sein de notre microcosme, on aurait trop
tendance à oublier ce fait consternant. Les noms de Steve Rothery (guitares, depuis 1979), Pete Trewavas (basse, depuis 1981),
Mark Kelly (claviers, depuis 1981),
Ian Mosley (batterie, depuis 1984)
et Steve Hogarth (chant, depuis 1988)
sont autant d'inconnus pour ce que nos chers médias appellent "le grand
public". Pourtant, alors que je ne les vois ce soir que pour la
quatorzième fois, les admirateurs les plus fidèles les suivent maintenant
depuis près de quarante années…
Lors de la sixième convention Marillion de Port-Zeland,
un quatuor composé uniquement de cordes avait déjà enthousiasmé le public. Il
s'agit d'un ensemble bruxellois appelé "IN PRAISE OF FOLLY STRING QUARTET",
il est (à ce jour) composé de trois violonistes Margaret Hermant, Maia Frankowski,
Nicole Miller, et d'une
violoncelliste Annemie Osborne. Six
mois plus tard, le 7 octobre 2017, à l'occasion du concert au Zénith, nous découvrions
le quatuor complété par le corniste Sam Morris
et la flûtiste Emma Halnan. C'est
cette formation que nous retrouvons aujourd'hui.
Car cette expérience s'est révélée assez séduisante
pour justifier une adaptation orchestrale de quelques titres qui ont été regroupés
dans un album en studio. C'est ainsi qu'est paru "With Friends From The Orchestra", le 29 novembre 2019. Il
aurait été regrettable de ne pas décliner une telle initiative par une tournée
adéquate. Les moyens matériels et humains ont manifestement été réunis pour huit
dates européennes dont deux en France, ce qui représente une proportion
inhabituelle, preuve de la reconnaissance de MARILLION pour son fidèle public français
!
Dans ce somptueux et véritable auditorium, il était
impératif que l'ingénieur du son se montre à la hauteur des circonstances ; or,
de mon point d'écoute, la sonorisation m'a semblé tout simplement parfaite. D'une
amplitude confortable, pour profiter de tous les pupitres, en particulier celui
de Steve Rothery dont la guitare à émis ses merveilles habituelles. D'une
limpidité cruelle, dénonçant parfois quelques légères imperfections vocales de
H. Un auditoire d'environ 2500 mélomanes aura ainsi pu s'émouvoir durant deux
heures.
L'éclairage est lumineux et coloré mais pas
extravagant, on peut comprendre que le budget visait d'autres priorités. Le fond
de scène est occupé par un écran sur lequel sont diffusées les illustrations
(films ou images fixes) des chansons.
Etonnement, cette fois Steve Rothery est revenu se
placer à la droite de la scène (vu du
public), au-dessous donc de Marc Kelly.
La section rythmique est ainsi regroupée sur la gauche, avec Pete qui est
surplombé par la batterie de Ian Mosley. Quant à H, il occupe toujours le
centre (quand il n'est pas parti fanfaronner
à un autre bout de la scène).
Globalement la prestation des cinq membres fut à la
hauteur, même si Steve Hogarth nous
a semblé un peu éméché ; sans doute trop content de revenir à Paris, qu'il
semble affectionner particulièrement. Personnellement, je ne l'aurais pas trop
remarqué (j'aime voir les gens gais) sans
ses quelques échanges confus avec les musiciennes ou avec le public … Mais
c'est un pro ; cet état ne l'a pas empêché de réciter ses textes sans lacune
aucune, et avec son éloquence habituelle. Comme évoqué ci-haut, sa voix ne m'a
pas toujours paru aussi calibrée qu'espéré, mais cela n'a pas été rédhibitoire
puisqu'il s'est permis de rechanter le redoutable "the Space" qui nécessite une tessiture impressionnante.
Pour le reste du groupe rien à redire. Steve R exprime avec sa guitare
une sensibilité gilmourienne toujours émouvante. Pete T est toujours aussi expressif, efficace dans ses accords
de basse, et généreux aux chœurs pour soutenir H. Ian M exprime toujours avec finesse une frappe chaloupée et
délicate qui trahit ses influences musicales. Enfin, Marc K qui est parvenu astucieusement à adapter son pupitre à
la concurrence des cordes, en se concentrant davantage sur les sons de piano.
Quant au sextet, il s'est montré impliqué et
expressif. Un état d'esprit qui logiquement transparaît dans leur
interprétation. Manifestement, la musique de Marillion ne les indiffère pas ; conscients
de leur privilège, ils partagent le même plaisir que nous ! Etant personnellement
attaché aux sons cuivrés, j'ai vibré aux éclats sonores du cor d'harmonie et
tout particulièrement durant "Seasons
End" au moment du contre-chant en réponse au solo de guitare (aux
alentours de 3'40").
Onze titres, issus de huit des dix-huit opus parus de
1989 à 2016, durant l'ère Hogarth, sont ainsi réadaptés avec une orchestration.
Sur l'album, neuf titres ont été révisés. Etonnamment,
ce soir seuls quatre titres en sont extraits et répartis dans le programme
("Estonia", "Fantastic Place", "The Sky Above The Rain", "Seasons End") ; il est vrai que ce
sont les quatre titres qui me semblent le mieux ressortir de l'ensemble… De
fait, conformément à mon impression de salon, même sur scène l'orchestre
apporte indéniablement une profondeur à ces chansons. (note a posteriori : le lendemain à Lyon, "the Strange Engine"
et "Hollow Man" seront interprétés à la place de "the
Space", ce qui du coup a rallongé le concert d'une demi-heure…)
Pour compléter le programme, sept autres titres ont
été choisis pour être étoffés avec les sonorités du sextet. "Gaza" ne figurant pas sur l'album,
je ne m'attendais pas à l'entendre ce soir, a fortiori en introduction du
concert. "The New King" (en
quatre acte) est magnifié tout comme "the
Great Escape" qui conclut superbement la liste, avant la phase de
rappel(s) attendue.
Après s'être fait désiré comme il se doit durant
quelques instants, le rappel débute par "Afraid of Sunlight" suivi de l'énergique "Separated Out" durant lequel un
clin d'œil à Kashmir de Led Zeppelin
est joué debout par le sextet survolté. Mais, le public ne se doute pas encore
que le septième ciel les attend pour un second rappel d'anthologie, un
événement unique (au moins pour cette tournée) …
"The Space"
est toujours de nature à faire frémir ma colonne vertébrale et à faire hérisser
mes poils ; ce titre a d'ailleurs déjà été interprété dans cette configuration au
concert du Zénith 2017. Mais cette fois ces sensations furent encore décuplées
(si cela fut encore possible !). Pour expliquer la situation, il faut faire un p'tit
retour en arrière ; lors de son récital parisien (Eglise Saint-Eustache) le 13
décembre 2018, H fut accompagné d'un chœur dont la qualité de la prestation
avait permis d’accroître les émotions. Cette fois-ci, Gil Pinatel, par ailleurs grand admirateur du groupe Marillion et
arrangeur, a suggéré et obtenu d'inviter le Chœur de Paris 1 Panthéon-Sorbonne, ensemble vocal habituellement
dirigé par Guilhem Terrail. Le concept orchestral de cette tournée offrait
l'occasion d'accomplir son vœu. Il a donc écrit les arrangements pour chœurs et
tout organisé afin de faire vivre un intense moment d'émotions à ses complices
et à l'ensemble des participants. C'est ainsi qu'à la surprise générale, le
public ébahi aperçut un chœur s'installer en fond de scène, durant la seconde
partie de cette chanson déjà forte en intensité émotionnelle. Leur intervention
ne pouvait que faire resplendir ce joyau, vibrer les tympans, éblouir les yeux
bref, exploser les neurones sensitifs. Terrassés de bonheur, le public ne put
faire autrement que de se lever et hurler à tout rompre (cordes vocales
comprises). Sûrs de leur coup, les cinq salopards avaient sur leur visage les
mêmes traits de satisfaction que lors du lever de rideau pour la troisième
journée de la convention 2017 (où l'orchestre
était vêtu luxueusement de tenues baroques).
Cette valeureuse chorale ne pouvait pas partir sans
s'exprimer sur un second titre ; "Man
with a thousand Faces" fut ainsi transcendé augmentant encore le
plaisir d'un auditoire exultant et reconnaissant.
Le public est proche de la stupeur lorsque les
lumières se rallument ; un concert dont nous nous souviendrons longtemps. Les
frissons ont très souvent parcourus mon dos et mes bras ; les concerts de
MARILLION sont habituellement chargés en émotions bien sûr mais là, dans un tel
écrin ce fut absolument fantastique. Pour paraphraser un de leur titre ce soir
: "A Fantastic Place" … J'imagine que ceux qui ont assisté à l'un de
leur concert au Royal Albert Hall ont dû vivre des sensations similaires, oui mais
cette fois c'était chez nous !
(ph. Samuel Couteau) |
PROGRAMME
Gaza (Sounds That Can’t Be Made, 2012)
Seasons End (Seasons End, 1989)
Estonia (This Strange Engine, 1997)
Fantastic Place (Marbles, 2004)
The New Kings: I. Fuck
Everyone and Run (Fuck Everyone and Run, 2016)
The New Kings: II. Russia's
Locked Doors
The New Kings: III. A Scary
Sky
The New Kings: IV. Why Is
Nothing Ever True?
The Sky Above the Rain (Sounds That Can’t Be Made, 2012)
The Great Escape (Brave, 1994).
RAPPEL :
Afraid of Sunlight (Afraid of Sunlight, 1995)
Separated Out (comprenant un
court extrait de "Kashmir" de
Led Zeppelin) (Anoraknophobia, 2001).
RAPPEL 2 :
The Space (avec choeur) (Seasons End, 1989)
Man of a Thousand Faces (avec
choeur) (This Strange Engine, 1997).
(ph. Samuel Couteau) |
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