samedi 16 avril 2022

PURE REASON REVOLUTION + GAZPACHO – Petit Bain (Paris 13) – 16/04/2022.

Cet évènement est particulièrement symbolique des dégâts collatéraux de cette maudite pandémie ; il avait été prévu le 24 octobre 2020 puis reporté une première fois le 16 octobre  2021 puis de nouveau reporté à cette année. L'agenda 2022 se trouve ainsi encombré de concerts et festivals reportés qui viennent s'imposer parmi les autres tournées. Fort heureusement, cette case du 16 avril était restée vide. Pourtant, les autres dates sont trop proches, quand elles ne se superposent pas (Heat le 17 mai comme Scorpions, Iron Maiden ce printemps en même temps que Metallica, ou encore Arena-The Windmill cet automne en même temps que Uriah Heep !).

Ce début d'année fut plutôt calme puisque ce n'est que mon troisième concert en 2022, mais c'est le premier en milieu réduit.

Le Petit Bain est une salle de concert flottant sur la Seine (et club ou restaurant/bar à l'occasion) doté d'un toit-terrasse, situé 7 port de la Gare, à Paris 13ème. Sa capacité de 450 places permet d'assister à des concerts intimes.

Je ne m'y suis rendu que le 20 janvier 2018, pour voir d'autres norvégiens, AUDREY HORNE. C'est THE NEW ROSES qui ouvraient la soirée. Très bons souvenirs.

Je me place au second rang devant Jon. La scène n'est pas trop surélevée et permet une bonne proximité. Je resterai à cet emplacement stratégique toute la soirée. Mon fils et ma p'tite Fée m'entourent pour un partage de régal.

PURE REASON REVOLUTION [19h05-20h15].

Ces anglais, Jon et Andrew Courtney, Chloë Alper, Greg Jong et Jim Dobson se sont rencontrés à l'Université de Westminster et fondent PURE REASON REVOLUTION (PRR) en 2003. Après plusieurs changements de formation, PRR finit par se séparer en novembre 2011. Heureusement, entre temps, j'ai eu le l'occasion de repérer leur existence via les forums de l'époque.

Leur musique m'a rapidement séduit par ce mélange d'atmosphères planantes, mélodiques et doucement énergiques. Beaucoup de maitrise pour créer des harmonies enivrantes et rythmées, les mélanges de rock progressif et de sonorités électro. J'ai eu la chance de vérifier leur talent en concert, alors qu'ils étaient invités de BLACKFIELD 22 février 2007 au Café de la Danse, puis invités de PORCUPINE TREE le 3 juillet 2007 à la Cigale. Une trop longue période de disette s'était installée ensuite …

Puis une rumeur de reformation s'est concrétisée ; je me suis précipité aux Pays-Bas, au Midsummer festival le 22 juin 2019 à Valkenburg. A cette occasion, le public progueux avait fini debout, surexcité et applaudissant à tout rompre ; Jon Courtney, et Chloë Alper avaient tout simplement volé la vedette à IQ ! (Je me rappelle encore du visage de Peter Nicholls agacé, déjà habituellement peu enclin au sourire). Remotivé par ce succès, PRR se précipite en studio pour faire paraitre "Eupnea" le 3 avril 2020… en pleine pandémie et donc sans promotion.

La reformation semble durable puisque qu'une nouvelle tournée est mise en place pour promouvoir un nouvel opus "Above Cirrus" qui paraitra ce 6 mai 2022. Hélas, quelques jours avant ladite tournée, Chloë Alper (chant, basse, claviers) prétend être désolée de devoir assumer des dates avec JAMES, son autre groupe. Elle se fait remplacer par Annicke Shireen, (chant / claviers), recrutée dans la mouvance de HEILUNG. Chacun appréciera ses priorités. Nous serons nombreux à nous sentir quelque peu frustrés, tant la présence de la Belle fait partie d'un édifice étourdissant…

Bref, aujourd'hui nous verrons donc le duo historique Jon Courtney (guitare, chant, claviers, depuis 2003) et Greg Jong chant, guitare (2005-2011, 2022). Ils sont soutenus par Michael Lucas (batterie, pour la tournée).

La tournée "Eupnea" ayant avorté à cause de la pandémie, l'actualité théorique retombe sur "Above Cirrus" dont la parution est prévue le 3 mai 2022. Seuls deux titres ont été présentés sur YouTube à ce jour ; la musique demeure sur la ligne du précédent, toujours d'un bon niveau avec ces subtils mélanges de mélodies et de rythmes entrainants.

Le concert débute avec cinq minutes de retard, mais sans impacter la durée. La sonorisation est puissante mais audible après une courte période d'équilibrage entre les pupitres.

L'éclairage permet de ravir les yeux ainsi que les objectifs de chasseurs d'images. De belles couleurs chaudes sont diffusées, notamment avec une rampe posée au sol au fond de scène. Un écran diffuse parfois des vidéos illustrant quelques titres, parfois le simple logo du groupe.

La scène est forcément limitée par les lieux, rappelons que nous sommes sur une péniche. Mais l'espace est suffisant pour que le quatuor puisse s'exprimer. Les musiciens sont moins exubérants que scrupuleux bidouilleurs de sons à quatre pattes.

La question qui se posait à beaucoup d'auditeurs ce soir portait sur la compétence d'Annicke à assumer le remplacement improbable de Chloé. Certes, comme dirait La Palisse, l'une n'est pas l'autre et vice et versa. Nonobstant cette évidence, nos oreilles n'ont pas eu trop à souffrir de cette absence. Certes, Annicke n'a pas le timbre aussi doux que celui de Chloé mais les harmonies ne s'en trouvent pas altérées. Elle n'est pas bassiste, ce pupitre est donc noyé dans les parties jouées au clavier, sans trop d'impact sur l'impression ressentie en concert. On la voit souriante, impliquée efficace.

L'autre sujet était en outre le retour d'un ancien complice, Greg Jong semblait ravi de partager de nouveau la scène et gouter aux retours d'un public enthousiaste. Ses interventions de guitare et de chœurs apportent une densité notable.

Michael Lucas assure une redoutable frappe de bucheron qui ne laisse aucun répit à nos muscles chargés de suivre les rythmes plus souvent implacables que délicats.

Quant à Jon, le pilier du groupe bien sûr, est impeccable. Précis, consciencieux, efficace. Un chant toujours à la fois doux et mélodique qui accompagne aussi bien les rythmes les plus endiablés que ceux les plus délicats.

En réaction le public est évidemment enthousiaste, emporté par tant de plaisirs auditifs. Même si la constante quête de perfection de Jon ponctue parfois l'ambiance de silences surprenants entre les titres, celle-ci ne tarde jamais à remonter. Ces nuances, ces crescendo, ces explosions de sons sont imparables et emmènent l'auditoire dans des abimes insondables. Au lendemain de cette aventure musicale, ma nuque se rappelle tout particulièrement de "Bright Ambassadors", de "Deus Ex Machina" ou encore "AVO".

Bref, cette quatrième expérience en appelle une cinquième !

Etonnamment, sur neuf titres, un seul est issu du nouvel opus à paraitre "Above Cirrus" et seulement deux issus de "Eupnea", dont on aurait pu imaginer une meilleure promotion. Toutefois, j'ai apprécié l'introduction au concert avec "Silent Genesis". Le choix de programmation s'appuie sur leur succès historiques, quatre issus de "The Dark Third", deux issus de "Amor Vincit Omnia" et évince leur période purement électro (Hammer and Anvil).

PROGRAMME
Silent Genesis (Eupnea, 2020)
Phantoms (Above Cirrus, 2022)
Apprentice of the Universe (The Dark Third, 2006)
The Bright Ambassadors of Morning (The Dark Third, 2006)
Arrival / The Intention Craft (The Dark Third, 2006)
Bullitts Dominæ (The Dark Third, 2006)
Ghosts & Typhoons (Eupnea, 2020)
Deus Ex Machina (Amor Vincit Omnia, 2009).
RAPPEL :
AVO (Amor Vincit Omnia, 2009).


GAZPACHO [20h35-22h10]

C'est toujours très agréable d'être surpris par des artistes au cours d'un concert, de trouver une Porte jusque-là inexplorée. Habituellement, ce genre de retournement s'opère à l'occasion d'un festival, lieu idéal pour les découvertes. Cette fois, il aura suffi d'un concert soutenu par une première partie motivante… J'étais resté insensible à leurs ondes, je ne le suis plus.

Selon la perception des auditeurs, ces norvégiens sont réputés créer une musique rock expérimental ou rock progressif. Un microcosme d'admirateurs de Marillion, Porcupine Tree, The Pineapple Thief ou Radiohead apprécient particulièrement ces atmosphères plutôt éthérées.

Leur premier album est paru en 2003. Aux détours d'échanges sur les forums, j'ai perçu leur existence à la fin des années 2000 (époque "Tick Tock"), sans jamais être franchement séduit, en dépit des avis dithyrambiques. Ce n'était pas vraiment un rejet, plutôt une légère apathie. J'ai pu assister cependant à un concert le 30 juin 2018 à Barcelone lors du BeProg festival, durant lequel j'avais passé un bon moment sans toutefois avoir été enthousiasmé. Une musique, certes relativement émouvante mais créant un univers qui me semblait hermétique. Il y a des artistes qui me parlent moins que d'autres c'est ainsi, et d'ailleurs heureusement pour ma tirelire qui souffre déjà bien assez de mes passions. Cependant, j'ai toujours tenté de nouvelles approches, au fil des parutions, restant à l'écoute et ouvert à une hypothétique séduction. Ce que j'ai écouté de leur onzième opus, "Fireworker" m'a beaucoup plu.

De surcroit, l'histoire de ce groupe présente un aspect positif non négligeable ; sa stabilité. Le trio fondateur maintient le cap depuis le début. Autour de Jan-Henrik Ohme (chant, depuis 1996), Jon-arne Vilbo (guitares, depuis 1996), et Thomas Andersen (claviers, depuis 1996), se sont fidélisés Mikael Krømer (violon, guitares, mandoline, depuis 2001), Kristian Torp (basse, depuis 2005), ainsi que Robert Johansen (batterie, 2004–2009, et depuis 2017).

Comme pour beaucoup d'artistes, la promotion de "Fireworker", paru en pleine Pandémie le 18 septembre 2020, a été pénalisée, en dépit d'un bon accueil dans la presse spécialisée. Ce ne fut que partie remise ; leur tournée "Fireworking Europe tour 2022" leur permet enfin de défendre leur création.

Ce qui surprend en premier en accueillant ces Vikings, c'est leurs sourires. C'est un plaisir de lire sur leurs visages un flagrant bonheur d'être sur scène. Les deux guitaristes et le chanteur forment à cet égard un trio réjouissant. La fidèle présence du clavier, le retour du batteur prodigue, et le jour anniversaire du bassiste contribuent à entretenir une atmosphère apaisée, presque familiale. Leur bonté se vérifie jusqu'au partage des moyens mis à la disposition des deux groupes de la soirée.

Mes oreilles ont mis un peu de temps à s'adapter à la sonorisation. Les redoutables frappes émanant de la batterie masquait la fluette voix de Jan-Henrik sur une première courte période, avant que les réglages appropriés améliorent la situation. Avec six musiciens sur scènes, on peut admettre la difficulté de l'ingénieur du son à gérer les équilibres entre les pupitres. Mais rien de rédhibitoire finalement.


Eclairé d'un dispositif semblable à la première partie de soirée, peut-être un peu plus lumineux, la scène était évidemment plus restreinte pour accueillir tout ce beau monde. Mais on n'a pas à faire à des agités et donc tout s'est bien passé en termes de complicité et de rapprochement entre les musiciens. En fond de scène, le même écran diffuse en alternance des vidéos et images.

En retrait, sont positionnés à droite le clavier, au centre la batterie et à gauche le bassiste. Les feux de la rampe favorisent donc le trio précité. Difficile pour les objectifs de capter les prouesses du bassiste, du batteur et les délicates interventions du clavier.

Au fil de la prestation, je me suis laissé bercer par ces mélodies doucement chaloupées. Au point de me séduire et de séduire ma p'tite Fée, à contrecourant de notre impression préalable. Ce que je n'étais pas parvenu à entrevoir à Barcelone m'est apparu ici comme une évidence.

Le chant qui me semblait jusqu'alors lancinant et monotone, m'a paru émouvant. La voix de Jan-Henrick brille moins par sa tessiture que par son timbre. Il exprime ses émotions avec un vibrato perceptible, ainsi qu'une gestuelle à la fois sobre, sensible et évocatrice. Ses aspects, alliés à son sourire quasi constant, lui confère un charisme touchant.

Les guitaristes sont, à l'instar du bassiste et du clavier, au service des sonorités qui contribuent aux atmosphères planantes ; aucune extravagance, juste une ambiance. Je sais pourtant apprécier les deux aspects musicaux, mais ce soir mon humeur semblait disposée.

La frappe du batteur est d'un raffinement exquis, alternant les périodes avec délicatesse et grande efficacité.

La réaction du public enthousiaste semble avoir ravi les artistes qui, il est vrai, n'attendait pas cela pour continuer à sourire à leur vie d'artistes. Ils sont heureux, ils nous ont transmis leur bonheur ; ça tombe bien on en avait besoin !

Sur douze titres, trois présentent leur dernier opus "Fireworker", mais trois autres marquent les dix ans de "March of Ghosts". En marge on aura écouté un seul titre de "Soyuz",

PROGRAMME
Fireworker (Fireworker, 2020)
Emperor Bespoke (Soyuz, 2018)
Golem (March of Ghosts, 2012)
I've Been Walking (Part 2) (Demon, 2014)
Clockwork (Fireworker, 2020)
Hell Freezes Over I (March of Ghosts, 2012)
Upside Down (Night, 2007)
Black Lily (March of Ghosts, 2012)
Tick Tock, Part 3 (Tick Tock, 2009)
Sapien (Fireworker, 2020).
RAPPEL :
Vera (Missa Atropos, 2010)
Winter Is Never (Tick Tock, 2009).


Une telle soirée devait se clore par une séance dédicace à laquelle s'est volontiers prêté GAZPACHO. Le dernier opus est acheté et signé, avant de poser pour quelques autoportraits (toujours aussi souriants). Siroter une p'tite tisane de houblon entre amis sur le toit-terrasse par une belle fin de soirée printanière, en conservant un regard sur le bus de la tournée… quoi d'autre, pour prolonger le plaisir !

Au moment de partir, nous avons la chance de trouver Jon Courtney, Greg Jong et Annicke prêts à embarquer dans leur bus… Discussion, échanges d'impressions et autoportraits viennent ainsi parfaire la soirée réussie en tous points !

 

3 commentaires:

  1. Super récit, Patrice, avec ton style de narration que j’apprécie ! J’ai eu l’impression d’y être un petit peu :) Je garde l’espoir de voir Gazpacho à Verviers, ou chez Paulette, ou ....

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  2. Un grand merci pour cette habituelle superbe chronique d'un concert réussi qui me donne encore plus envie d'attendre Gazpacho pour une improbable venue en Provence ... ????

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