mardi 14 mai 2024

PENDRAGON – Trabendo (Paris 19) – lundi 13 mai 2024.

Bravant les limites de la raison, et les frontières géographiques, hier dans les Ardennes belges pour assister à un superbe concert des Finlandais OVERHEAD, nous voici aujourd'hui ramené dans le 19e arrondissement de Paris, pour celui des Anglais PENDRAGON !

Le philosophe a dit : "Le cœur a ses raisons que la raison ne connaît point" ; je ne vois aucune raison de le contredire, surtout s'agissant de notre admiration pour PENDRAGON. D'autant moins que ces derniers n'étaient plus revenus en tournée depuis la Pandémie ! Rappelons que ce groupe, qui peine déjà à subsister en temps normal, avait dû stopper net sa tournée "Love Over Fear" en 2020. L'effet dévastateur sur leur budget, déjà alourdi par les conséquences du Brexit pour les artistes britanniques, a probablement nécessité beaucoup d'effort et de persévérance pour parvenir à monter un retour dans nos contrées. De surcroît, la fin de soirée agitée après le concert à la Maroquinerie il y a quatre ans (voir mon récit d'époque) aurait pu laisser craindre une rancune résiduelle. Mais heureusement, PENDRAGON a su faire la part des choses pour revenir, mais cette fois au Trabendo qui est l'écrin idéal pour ces artistes.

Ce concert s'inscrit dans une tournée européenne de treize dates durant le mois de mai. Celle-ci est la quatrième et nous devions nous rendre à celle qui était prévu ce vendredi dans le cabaret "Chez Paulette", mais comble de malchance, le lieu est désormais fermé. La date est remplacée par un déplacement au Luxembourg. Nous ne les reverrons finalement que le 20 juillet, puisqu'ils sont inscrits au programme de la XVIIème et ultime édition du Night of the Prog, en Allemagne !

Bref, c'est dans la joie et bonne humeur que je les revois pour la septième fois, sans lassitude aucune, tant leurs concerts ont toujours entretenu de merveilleux souvenirs.

Avec ma p'tite Fée, nous retrouvons, parmi un public nombreux, une autre partie de notre microcosme de mélomanes progueux.

Nous parvenons à nous placer proche de la scène (troisième rang, entre les pupitres de Nick et de Clive) dans ce très bel auditorium d'une capacité de 700 places en configuration debout ! Ce mardi soir n'est pas annoncé complet hélas (?) mais les meilleurs sont là, on va dire…

Qui aime bien châtie bien ; j'observe que l'opportunité de faire des fabuleuses découvertes avec les premières parties des soirées de PENDRAGON, demeure faible puisqu'elles sont régulièrement assurées par des musiciens solitaires, certes sans doute valeureux, mais pas autant que Pendragon le fut pour Marillion en 82... Andy SEARS (le 5/5/11 au Divan du Monde), Gary CHANDLER (le 28/10/14 au Divan du Monde), John YOUNG, (le 12/5/16 au Divan du Monde), Verity WHITE, sa choriste (le 27/10/17, chez Paulette), et Davey DODDS (le 3/3/20 à la Maroquinerie)… L'ensemble ne m'a pas laissé de souvenir impérissable. Il est permis de s'en agacer, mais bon gré mal gré, l'habitude se perpétue puisque c'est au tour de Roger "Rog" PATTERSON.

Rog PATTERSON [19:30-20:00]

Le musicien se présente avec deux guitares, dont une à douze cordes. Il était auparavant manager de tournée et technicien de guitares. Il rappelle ne plus avoir joué sur une scène parisienne depuis … de très nombreuses années (vingt années me semble-t-il avoir compris).

Comme je l'ai déjà souligné dans de précédentes situations semblables, je suis plutôt enclin à respecter l'artiste solitaire qui brave un auditoire perplexe. A l'instar du public, je patiente, feignant d'écouter les accords et les chants, alors que mon esprit erre irrésistiblement à d'autres préoccupations.

La demi-heure de la prestation me (nous) semble longue, voire soporifique, surtout sur le dernier titre (bien long, de l'aveu du musicien lui-même !). Le monsieur fait pourtant œuvre de pédagogie et de plaisanterie britannique (encore fallait-il comprendre l'anglais !) mais arrivé à un moment, nous étions nombreux à consulter discrètement notre cadran.

Je ne suis pas parvenu à recueillir la liste des titres bravement interprétés mais, dans le fond nous nous en passerons sans frustration particulière…

 

PENDRAGON [20:20-22:35] https://www.pendragon.mu/biog/

Bref rappel biographique. Elle nous indique que tout a débuté en 1978 dans la paisible ville de Stroud, dans le Gloucestershire, en Angleterre. Quatre jeunes musiciens partageant les mêmes idées se sont réunis et ont décidé de former un groupe de rock. Ainsi est né ZEUS PENDRAGON, composé alors de Nick Barrett (guitare/chant), Julian Baker (guitare/chant), Nigel Harris (batterie) et Stan Cox (basse). Le mot "Zeus" a été abandonné avant que le groupe ne commence à enregistrer, car les membres ont décidé qu'il était trop long pour bien paraître sur un T-shirt ! Ce qui peut prêter à sourire lorsqu'on connait le succès de quelques autres groupes dont le nom est pourtant bien plus long à prononcer/retenir ! Mais bref, leur chance aura été de jouer en première partie de MARILLION le 7 aout 1982, à Gloucester. Mick Pointer (à l'époque batteur de Marillion, maintenant avec Arena) a suggéré que PENDRAGON assure la première partie au célèbre club Marquee à Londres, le 27 octobre 1982. Ces deux dates constituent un coup de pouce bienvenu.

Il faudra cependant attendre le 16 janvier 1984 pour la parution de leur premier mini-album, le prometteur "Fly High Fall Far", via le label Elusive Records. Leur premier album, "The Jewel" est paru le 1 juin 1985. Comme beaucoup d'artistes, mais eux particulièrement, ils ont subi de nombreuses frustrations dans la recherche d'un contrat d'enregistrement. A l'instar de MARILLION, le meneur et guitariste Nick Barrett a finalement crée son propre label, Toff Records, en 1987. Le 7 novembre 1988, parait enfin un deuxième opus, "Kowtow" qui, même si ce n'est pas leur chef d'œuvre, a au moins le mérite de garantir ainsi la poursuite de leur aventure…

Après la parution du onzième opus "Love Over Fear", le 8 février 2020, seul un mini-album, "North Star", est paru le 12 mai 2023. D'une durée totale d’un peu plus de 24 minutes, il laisse sur leur faim les amateurs des longues épopées lyriques qui sont habituellement délivrées par le groupe. Mais on leur pardonnera, c'est tellement beau, tout simplement !

L'attente de la suite de la soirée permet d'observer de nouveau la configuration de cette salle que j'apprécie particulièrement. La sensation de proximité avec les artistes est accentuée par la hauteur de la scène qui est plus basse que dans les autres salles. La fosse est astucieusement encadrée d'un espace surélevé, ce qui permet à une majorité de spectateurs de jouir d'un bon confort de vue et d'écoute. Toutefois, si les musiciens sont ainsi à la portée des regards, les chasseurs d'images s'en trouvent gênés par les têtes qui s'imposent dans leur cadre.

Déjà excité par l'extinction des feux, les premières notre de "If I Were the Wind (and You Were the Rain)" nous catapulte vers l'univers tellement onirique et resplendissant de PENDRAGON ! Et ce avec d'autant plus d'aisance que l'acoustique parfaite de cette salle est exploitée par une sonorisation presque idéale !! Je dis presque parce que sur les premières minutes, la guitare de Nick était surexposée. Fort heureusement, cette légère déchirure auditive a vite disparu. Les soli de guitare et de clavier, les chœurs, et le soutien lourd et puissant de la rythmique basse/batterie, tout concourt à emporter immédiatement l'auditoire ! La première ovation témoigne d'une énorme satisfaction de pouvoir enfin revivre ces moments de grâce.

Nous retrouvons ainsi sur scène Nick Barrett (guitare, chant, depuis 1978), Peter Gee (basse et claviers, depuis 1981), Clive Nolan (claviers et chœurs, depuis 1986), Jan Vincent Velazco (batterie, depuis 2015). Rog Patterson assure un soutien en secondes guitares pendant toute la soirée. Le soutien vocal est désormais assumé par Johanna Stroud (chœur et violon) et Sally Minnear (chœur).

Signalons au passage que Sally Minnear n'est autre que la fille de l'éminent multi-instrumentiste Kerry Minnear du très respecté et influent groupe progressif GENTLE GIANT. Musicienne complète (digne fille de son papa !), elle joue également de la guitare, de la batterie, des percussions, de la flûte irlandaise, … Quant  à Johanna Stroud, avant de participer en 2023 au mini album "North Star" et à la tournée qui a suivi en Grande-Bretagne, aux Pays Bas et en Norvège, elle enseignait la musique en particulier le violon à Sheffield. Les deux choristes apparaissent masquées d'un loup baroque, et coiffées d'une élégante plume ; attributs dont elles se déferont avec soulagement, on les comprend !

Nick, fidèle à son personnage est radieux ; son sourire trahit une immense joie de jouer devant un public acquis à sa cause. Il ne cache pas son plaisir, avec une certaine candeur il sautille comme un enfant gâté, et comme à son habitude il lève les bras au ciel, comme pour faire un grand câlin à ses admirateurs. Ce mec est touchant de sincérité. C'est un authentique artiste, il aime qu'on l'aime, et ça tombe bien, on l'aime. Il fait l'effort de prononcer quelques mots en français, notamment pour évoquer cette longue attente de quatre années sans venir à Paris. Son bonheur manifestement sincère fait plaisir à voir, il en est communicatif. De surcroît, on ressent une très grande complicité  entre les musiciens ; de mon point d'observation, j'ai surtout noté les regards complices entre Nick et Clive ! Toutes ces bonnes ondes sont illuminées d'éclairages magnifiques, partant du sol ou du plafond ! Magique je vous dis !!

Lorsqu'il se présente avec une mandoline en surcroit de sa guitare, on comprend qu'il va interpréter "360 Degrees". Mais Nick aime raconter des histoires, échanger avec son auditoire. A défaut de les chanter, il les évoque entre deux chansons. Celle qui suit, n'aurait pas eu d'intérêt particulier sans sa conclusion relativement hilarante. Il se met à nous relater un souvenir de sa petite enfance passée à Minchinhampton (Gloucestershire). Alors qu'il était âgé de six ans, il avait été effrayé par un adolescent coiffé d'un masque de renard. Il évoque sa consternation lorsque quelques années plus tard, Genesis a eu l'idée de reprendre le concept pour son album "Foxtrot".

Puis, avant le titre "Water", il ne résiste pas à nous raconter encore une anecdote savoureuse. Alors qu'il était dans le Gard, près d'Uzès, il nageait tranquillement dans un endroit discret et calme. Soudain sur une petite plage il remarque cinq personnes, qui écoutaient une musique qui lui semblait familière… il lance aux auditeurs "hé, mais c'est ma musique, ça !" Hallucinante circonstance, ils écoutaient "Breaking the Spell" ! On imagine aisément l'état de stupéfaction générale …

L'auditoire venu pour écouter la musique qu'il aime n'en demeure pas moins observateur de ces petits détails qui rappellent les références artistiques de notre rock progressif. Univers de Mascarade à l'italienne ? Ainsi, la nouvelle veste aux motifs arlequins que porte Nick ne manque pas d'attirer l'attention. Elle a été conçue et fabriqué à la main, selon les conseils de Nick par une certaine Jennie, costumière habilleuse établie dans les Cornouailles. Même le tissu doux velouté a été spécialement imprimé pour correspondre à l'univers de l'album "The Masquerade Overture". L'artiste a pris soin de coudre les manches et boutons, de manière à ce qu'ils n'empêchent pas de jouer de la guitare et de se mouvoir sur scène. Cependant, il la quittera par la suite, au bout d'une cinquantaine de minutes, avant d'aborder la séquence acoustique.

Nick Barrett nous a une nouvelle fois emportés dans un lyrique tourbillon d'émotions oniriques et/ou exaltantes par la grâce de ses accords et soli étourdissants délivrés avec le son si particulier qu'il exprime avec ses guitares ! En étant proche du pupitre de Clive Nolan, j'ai pu mesurer sa concentration et le soin qu'il apporte aux nuances ainsi qu'aux harmonies requises avec ses claviers. Ses chœurs masculins agrémentent le chant de Nick. Il s'inscrit dans une complémentarité parfaite avec son ami. La section rythmique est assurée avec les équilibres requis pour les atmosphères développées par PENDRAGON. Peter Gee alterne basse et clavier, discret et paradoxalement indispensable. Le métronome Jan Vincent Velazco martèle implacablement ses futs, mais astucieusement dosé. Les guitares de Rog Patterson interviennent discrètement en soutien de Nick. Cette atmosphère feutrée permet à Johanna Stroud et Sally Minnear de poser leur voix divines, souvent en parfaite harmonie avec Clive, mais parfois aussi en audacieux soli. Le violon  de Johanna (notamment sur "360 Degrees" "Phoenician Skies") étoffe encore la richesse des sonorités.


La communion avec le public est absolue et le bonheur du public s'exprime avec l'exubérance des gens heureux, ce qui semble toucher sincèrement Nick qui se dit très attaché au public français, un de ces rares Anglais à nous apprécier. Enfin, il remercie tout particulièrement Didier l'émérite, persévérant et honorable gestionnaire de www.builtbyfrance.com .

Le temps passe toujours trop vite dans de telles conditions ; même ponctué par une séquence plus calme, en acoustique ("Fall Away", "King of the Castle", puis le son monte en puissance avec le retour de la batterie sur "Phoenician Skies"), le concert s'est déroulé comme dans un rêve. On l'a vécu, mais une fois fini on aimerait y retourner.

Et le souci avec ce genre d'artiste, c'est que le répertoire de qualité est tellement dense que nous attendons toujours un titre qui ne vient pas. Pour ma part par exemple, je m'impatiente de ne pas avoir entendu en concert le splendide "Am I Really Losing You ?" (qui n'a plus été joué à Paris depuis … le 16 avril 1994 !), durant lequel la guitare pleure et nous fait chanter de désespoir inconsolable… Je pourrais encore me plaindre de l'absence de "This Green and Pleasant Land" pourtant déjà maintes fois entendu en concert mais dont on ne se lasse pas…

Bref, soyons raisonnable, finalement il est assez heureux que le programme nous échappe, pour laisser place à d'autres morceaux aussi merveilleux qu'inattendus. Comment se plaindre, par exemple, de l'interprétation d'un titre aussi touchant qu' "It's Only Me", dont la mélodie vous plonge dans un état de mélancolie insondable et qui fait l'objet, lui aussi d'un solo terriblement poignant.

Le sommet aura été ce rappel avec un titre que je n'osais pas attendre : Nous avons pu entendre ce soir cet émouvant "Breaking the Spell", dont le thème touche intimement Nick au point de fermer son sourire Habituel. La plage introductive de plus de quatre minutes, est éprouvante tant cet accord de guitare vous prend aux tripes pour évoquer un accablement avec une ardeur qui ferait pleurer n'importe quelle brute épaisse… Cette séquence est suivie d'accords à la basse puissamment entrainants. Juste bouleversant.

Bref on l'aura compris, ce programme de quinze titres, comme les précédents nous a apporté ce que tout mélomane vient chercher à un concert ; de l'émotion, de l'évasion, de la séduction, du bonheur à partager. Il a fait la part belle aux parutions les plus récentes avec cinq issus de "Love Over Fear" (2020), et trois de "Not of This World" (2001), deux de "North Star" (2023), deux de "The Masquerade Overture" (1996), un de "Passion" (2011), un de "Pure" (2008), un de "The Window Of Life" (1993).

PROGRAMME
1.        If I Were the Wind (and You Were the Rain) (Not of This World, 2001)
2.        Eternal Light  (Love Over Fear, 2020)
3.        Skara Brae (Passion, 2011)
4.        Starfish and the Moon  (Love Over Fear, 2020)
5.        360 Degrees (Love Over Fear, 2020)
6.        Water (Love Over Fear, 2020)
7.        Fall Away (North Star, 2023) en acoustique
8.        King of the Castle (Not of This World, 2001) en acoustique
9.        North Star, Part III: Phoenician Skies  (North Star, 2023) en acoustique
10.    Schizo (The Masquerade Overture, 1996)
11.    Afraid of Everything (Love Over Fear, 2020)
12.    Paintbox (The Masquerade Overture, 1996)
13.    A Man of Nomadic Traits (Not of This World, 2001)
14.    It's Only Me (Pure, 2008).
RAPPEL :
15.    Breaking the Spell (The Window Of Life, 1993).

L'après-concert nous confirme l'accessibilité de Nick et de Clive notamment, avec qui on peut parler, moyennant un peu de patience, compte tenu de l'affluence légitime autour d'eux. Accolades et autoportraits, illustreront des échanges chaleureux et passionnés. On pourra toujours se plaindre de leur injuste manque de notoriété ; il n'empêche qu'en attendant, ils demeurent ainsi humainement abordables, pour notre plus grand plaisir. Tant pis pour les mélomanes incurieux (dommage !) et et tant pis les incultes dont l'univers ce limite à ce que leur offre nos médias (tant mieux !). S'agissant de l'échoppe, je suis raisonnable et me procure seulement "North Star" le mini-album (pour 12€) que je n'avais pas encore dans ma discothèque. 





lundi 13 mai 2024

OVERHEAD – Spirit Of 66 (Verviers, Belgique) – lundi 13 mai 2024

En dépit de la distance qui nous en sépare (quatre heures de routes), nous apprécions toujours l'atmosphère qui entoure les concerts qui se tiennent dans ce lieu légendaire. Musicotouristes assumés, moi et ma p'tite Fée retournons volontiers dans les Ardennes belges, où les plaisirs brassicoles et gastronomiques ne sont pas la moindre des motivations ! Cette fois j'ai emmené mon fils aîné pour qu'il en découvre les plaisirs.

Nous retrouvons ainsi le confort rustique mais douillet de l'Hôtel des Ardennes avec l'accueil chaleureux de Maguy, sa gérante ! Notre escale devenue habituelle à La Fringale, une friterie ordinaire diront certains, mais  tout un symbole pour nous ; nous y savourons leurs frites traditionnellement cuites à la graisse de bœuf, leurs boulets artisanaux, leurs brochettes, leurs croquettes et autres burgers… le tout, bien entendu accompagné de bières locales, à la pression absolument succulentes, la "Curtius" et la "Smash" !!

Mais ne nous égarons pas, nous pourrions sans doute trouver ces plaisirs ailleurs en Belgique. L'objet principal de notre déplacement à Verviers demeure bel et bien musical. Nous revenons ainsi, pour la sixième fois depuis 2022, dans cette mythique salle de concert ; le Spirit Of 66 que je déplore n'avoir découvert que depuis peu… Ce petit cabaret, d'une capacité de 350 places, a pourtant accueilli beaucoup de mes groupes favoris avant que je me décide enfin à y venir ! A commencer par OVERHEAD, qui vient ici pour la neuvième fois depuis le 28 mai 2006 ! En attestent leurs inscriptions murales en arrière-salle !

C'est donc bien trop tardivement que nous avons découvert OVERHEAD ! C'était le samedi 20 juillet 2019, à l'occasion de leur superbe prestation au légendaire festival Night of the Prog qui marquait ainsi le vingtième anniversaire du groupe. Avec ma p'tite Fée, nous fûmes totalement séduits. Si bien, que nous décidâmes de suivre une petite partie de leur tournée promotionnelle de l'album "Haydenspark". C'est ainsi que nous les avons revus le lundi 22 aout 2022 lors du festival Crescendo, puis le samedi 22 octobre 2022 lors du festival Prog en Beauce.

Nonobstant, une prestation en festival est, par essence, le plus souvent écourtée. Nous attendions toujours de les revoir à l'occasion d'un vrai concert. Bien que reconnus et admirés dans la sphère des amateurs de rock progressif, ces valeureux Vikings finlandais peinent malheureusement à accroitre leur notoriété et à tourner davantage. D'ailleurs, lorsque j'interroge internet au sujet d'Overhead, hormis leur site officiel, je suis orienté vers …un groupe de jazz yvelinois ! Même Wikipédia ne les évoquent, à ce jour, que dans une très succincte version finlandaise, et dans une non moins succincte version allemande !
(https://fi.wikipedia.org/wiki/Overhead)
(https://de.wikipedia.org/wiki/Overhead_(Band))  

Un bref rappel biographique ne me semble donc pas superflu, pour les non-initiés : OVERHEAD, fondé en 1999 en Finlande, ne cache pas ses influences issues des géants historiques du rock progressif. La référence qui parait la plus évidente est JETHRO TULL, mais dans leur musique comme dans leurs déclarations auprès des journalistes, les musiciens évoquent volontiers KING CRIMSON, RUSH, PINK FLOYD, GENESIS, MARILLION, et DREAM THEATER. En tendant l'oreille on peut aussi capter quelques sonorités puissantes relevant du blues-rock et du hard rock des années 80 ; j'ai visionné une vidéo de Jaakko qui le montrait reprenant notamment du Gary MOORE. Cette fusion aboutit à des mélodies bien construites, raffinée et élégante, des voix claires et parfois éraillées, des atmosphères calmes et contrastées, des arrangements raffinés, sophistiqués, mélangés à de surprenantes séquences psychédéliques et électroniques. Sans oublier de superbes parties instrumentales, en particulier à la guitare avec Jaakko, mais aussi à la flûte avec Alex. Leur ascension a débuté par une trilogie d'albums studio : "Zumanthum" (2002), "Metaepitome" (2005) et "And We're Not Here After All" (2008), publiée par le label français Musea. Le succès de ces albums a conduit le groupe à tourner dans des clubs de rock et des festivals de prog dans toute l'Europe. "Of Sun and Moon" (2012), permet à Overhead d'asseoir un peu plus sa notoriété dans le milieu prog et lui donne l'occasion de se produire dans des festivals au Royaume-Uni (Summer's End) et en Italie (Veruno Prog Fest). Le cinquième album studio "Haydenspark" (2018) formalise un retour réussi à un style plus progressif.

Le sixième album studio, "Telepathic Minds" est paru le 16 janvier 2023. A mon humble avis, c'est tout simplement un des meilleurs opus de cette année-là (et je pèse mes mots !). Les habituels arrangements sophistiqués et les superbes parties instrumentales sont ici à leur meilleur niveau. Il développe des paysages typiques du rock progressif avec des morceaux longs et épiques, des mélodies fortes, des accords et des refrains entrainants. Les paroles de l'album traitent opportunément des événements récents et des crises auxquelles le monde est confronté.

En cette année 2024, leur tournée "Telepathic Minds Live, 25th anniversary tour" comprend, à ce jour, neuf étapes ; qui a débuté le 3 janvier en Finlande (2), l'Angleterre (1), l'Allemagne (3) les Pays-Bas (1), la Belgique (1) et … se terminera le 28 septembre à Bordeaux.

Nous nous présentons ainsi devant l'entrée vers 19h30. En ce jour de semaine, beaucoup de mélomanes sincères n'ont pas pu se déplacer. Ce n'est donc hélas pas la foule des grands jours, mais l'affluence internationale montre cependant un bel intérêt. A l'intérieur nous retrouvons une partie de notre microcosme international qui n'hésite pas à avaler les kilomètres pour soutenir nos artistes favoris. Les discussions passionnées estompent notre impatience, et la bière verviétoise "Spirit of 66", servie à  la pression et élaborée par la brasserie locale "Grain d'orge", permet de tenir bon !

OVERHEAD [20:30/21:50 - 22:05/23:30]. 
https://www.overhead-band.com/ 

Je revois ainsi le quintuor finlandais pour la quatrième fois ce soir. Une évolution est intervenue dans sa composition, puisque Jere Saarainen (claviers, depuis 2019) a récemment quitté le groupe. Il se compose actuellement du fondateur Jaakko Kettunen (guitare), toujours accompagné d'Alex Keskitalo (chant et flûte), de Ville Sjöblom (batterie), de Janne Katalkin (basse, depuis 2019), ainsi que de Mikko Patama (claviers, depuis novembre 2023).

®Samuel Couteau
Titre opportun par ces temps agités, "War to End All Wars" introduit le concert de fort belle manière ; l'acoustique de la salle est idéalement exploitée par une sonorisation tout simplement excellente ! La meilleure de tous les concerts ici entendus ! La piste de la guitare aurait même pu être un peu mieux mise en valeur mais, connaissant la modestie de Jaakko, je ne suis pas vraiment étonné qu'il se fonde dans le collectif ! Son immense talent transparait de toute façon ! L'éclairage est bien dosé pour cette scène, ce qui permettra quelques belles images pour les chasseurs avisés. En fond de scène, un écran diffuse les images illustrant les thèmes abordés.

Comme espéré, ce concert en bonne et due forme permet au groupe de s'exprimer pleinement et sans autre contrainte que l'amplitude horaire accordée. Il confirme tout le talent collectif et individuel de ces valeureux Vikings. Les pupitres se complètent et s'harmonisent à merveille. Sur la gauche de la scène, le nouveau titulaire des claviers aux sonorités 70's, Mikko accompagne avec talent et valorise les soli de Jaakko ainsi que le chant d'Alex. Ce dernier, détendu et souriant, se charge de la communication avec le public et entretient ainsi une complicité bienvenue. Placé logiquement au centre de l'espace, le charismatique Alex excelle pour exprimer ses textes, avec un chant éloquent et des interventions virevoltantes et enivrantes de flûte traversière. Pour parfaire les effets sonores, il bidouille habilement un boitier dont il dispose en bandoulière. Particulièrement exubérant, Alex a besoin d'un espace vital conséquent ; il sillonne la scène avec une allure désarticulée, à ses risques et périls. La chute, le choc, n'est jamais loin ; cette fois, dès le début il se cogne la lèvre et on craint pour son jeu de flûte. Heureusement, il s'en sort avec une petite frayeur passagère. Pour sa part, Jaakko révèle une nouvelle fois toute sa sensibilité et sa technicité aux six-cordes ; son jeu subtil et instinctif emmène l'auditoire vers les contrées dépaysantes de ses compositions. Un régal. Au soutien rythmique, ils peuvent compter sur la frappe alternativement subtile et puissante de Ville ainsi que sur la basse entrainante de Janne. Tous ces ingrédients ont contribué à rendre la prestation en deux actes, inoubliable et émouvante à souhait !

Le public ne s'y trompe pas et leur accorde les ovations amplement méritées. 

®Samuel Couteau

®Samuel Couteau
®Samuel Couteau
®Samuel Couteau

Le programme dense et équilibré, avec treize titres, a permis à la fois de promouvoir leur dernier opus avec six titres issus de "Telepathic Minds" (2023), mais aussi de revisiter leur discographie du dernier quart de siècle avec trois extraits de "Metaepitome" (2005), un de "Haydenspark" (2018), un de "And We’re Not Here After All" (2008), un de "Zumanthum" (2002). Etonnamment, "Of Sun and Moon" (2012) est écarté de la liste. La reprise de l'hymne emblématique de King Crimson (1969) a achevé d'enthousiasmer l'auditoire, par une excellente et très exaltante interprétation mêlant astucieusement quelques courtes allusions musicales à Black Sabbath. Une dernière occasion pour Jaakko, Alex et leurs complices de marquer nos mémoires.

PROGRAMME

Acte 1:

  1. War to End All Wars (Telepathic Minds, 2023)
  2. Haydenspark (Haydenspark, 2018)
  3. Planet of Disorder (Telepathic Minds, 2023)
  4. Zumanthum (Zumanthum, 2002)
  5. The Pilot's Not Fit to Fly (Telepathic Minds, 2023)
  6. …To the Madness (And We’re Not Here After All, 2008)
  7. Telepathic Minds (Telepathic Minds, 2023).

Acte 2:

  1. Metaepitome (Metaepitome, 2005)
  2. Butterfly's Cry (Metaepitome, 2005)
  3. Ghosts From the Future (Telepathic Minds, 2023)
  4. Tuesday That Never Came (Telepathic Minds, 2023)
  5. Dawn (Metaepitome, 2005).

RAPPEL :

  1. 21st Century Schizoid Man (reprise de King Crimson, 1969).

Planet of Disorder

Nous pouvons une nouvelle fois apprécier le cadre convivial qu'offre Le Spirit of 66 : un véritable antre de passionnés. Rien de commercial, ni d'oppressant ; nous pouvons nous attarder autour d'une bonne bière, entre amis. J'hésite longuement devant l'échoppe ; non pas pour les CD, que j'ai déjà chez moi, mais pour le splendide t-shirt atypique. Un recto/verso intégralement imprimé de somptueuses couleurs. Mais à 60 €, je ne suis pas parvenu à me convaincre d'une acquisition pourtant enviée. La soirée s'achève par de longues et passionnées discussions entre mélomanes, auxquelles se joignent volontiers les membres du groupe. Tous  accessibles et aimables. J'ai enfin pu parler un peu plus longuement avec Alex (les précédentes occasions festivalières étaient moins propices). Bien sûr nous avons pu discuter plus longuement encore avec Jaakko, à qui nous avons pu une nouvelle fois lui faire part de notre reconnaissance. Une nouvelle occasion de le faire rougir par nos compliments, son humilité et sa modestie me touchent. Mais nous devons hélas abandonner le groupe car demain nous devons repartir vers Paris pour d'autres aventures musicales qui s'annoncent également très émouvantes !

Pour information :
TELEPATHIC MINDS LIVE - 25th ANNIVERSARY TOUR
03.01.2024 Bar Loose, Helsinki, FINLAND
03.03.2024 Fusion Festival, The Civic, Stourport, UK
27.03.2024 Bar Loose, Helsinki, FINLAND
08.05.2024 Bergkeller, Reichenbach, GERMANY
10.05.2024 Das Rind, Russelsheim, GERMANY
11.05.2024 Mausefalle 33 1/3, Bonn, GERMANY
12.05.2024 't Blok, Nieuwerkerk a/d IJssel, NETHERLANDS
13.05.2024 Spirit of 66, Verviers, BELGIUM
28.09.2024 Salem Bar, Bordeaux, FRANCE.


®https://www.youtube.com/@guineaprog



 


lundi 8 avril 2024

JUDAS PRIEST et SAXON - Zénith (Paris 19) - lundi 8 avril 2024.

Metal Masters Tour 2024

TERGIVERSATIONS. Ces deux groupes anglais ont largement contribué dans les années 80 à entretenir ma passion pour ce genre musical durant mon adolescence. Comme JUDAS PRIEST le chante opportunément, pour moi ils demeurent les "Defenders of the Faith". Ces héros d'antan survivent malgré les aléas du temps ; défections avec ou sans retour, poids des ans… Cependant, compte tenu de l'évolution de mon oreille ces dernières années, je confesse m'en être quelque peu éloigné pour errer davantage vers les atmosphères plus feutrées du rock progressif.

Je confesse avoir ainsi tardé à me procurer le Sésame pour ce concert. Tant et si mal que la soirée ayant été annoncée complet en début d'année, je m'étais résolu à m'abstenir… En dépit de quelques remords. Car au même titre qu'AC/DC, ces maîtres du metal entretiennent, par leur opiniâtreté, une certaine nostalgie pour toutes ces années-Passions… Les derniers opus des deux protagonistes, dont je n'avais écouté que quelques titres, semblent faire une belle unanimité parmi les mélomanes.

Et puis après tout, je n'oublie pas que leurs récents concerts (JUDAS PRIEST au Zénith le dimanche 27 janvier 2019 et SAXON au Trianon le vendredi 9 décembre 2022) furent de nature à entretenir ma Flamme.

De surcroit, cette soirée en rappelle une autre ; le 16 février 1981, SAXON et JUDAS PRIEST partageaient déjà la même affiche à l'Hippodrome de Pantin ! Quarante-trois années après, nous les retrouvons ensemble à Paris, à l'occasion d'une tournée habilement intitulée "Metal Masters 2024", ce qui ne pouvait donc que m'inciter à bouger !

J'ai donc retenté ma chance une semaine avant, avec succès sur le site Gérard Drouot Production, pour trouver un ticket in extremis.

Le Zénith m'accueille ainsi pour la soixante-treizième fois depuis le jeudi 14 mars 1985 (ACCEPT). L'air de rien, je n'y étais plus retourné depuis le 27 novembre 2022 (POWERWOLF) ! Vers 17h10, je m'aligne sur des plus mordus que moi. Le lieu est chargé d'histoire(s) et je me souviens qu'à une époque je passais moi aussi des heures à attendre longtemps à l’avance ! L'âge moyen de la faune de fidèles est désormais élevé, mais la relève est là. A commencer par mon fils ainé !

OUVERTURE DES PORTES À 18:00

Le Zénith est plein comme un œuf ; une foule de mélomanes piaffe d'impatience, cela fait plaisir à voir !

Je parviens à me placer au quatrième rang, positionné entre le pupitre du guitariste et celui du chanteur. Je parviendrai à y demeurer une bonne partie de la soirée, en dépit de la fougue de jeunes loups peu préoccupés par l'élégance ou le respect.

SAXON
https://www.saxon747.com/

Souvent considérés comme les meneurs de la New Wave of British Heavy Metal (NWOBHM), ce groupe anglais de heavy metal fut fondé en 1975 à Barnsley. Ils n'ont pas connu la notoriété de leurs congénères de l'époque et pourtant ils demeurent parmi les plus légitimes représentants du genre. L'immuable fondateur Biff Byford (né en 1951, chant, depuis 1975) est désormais entouré de Nigel Glockler (né en 1953, batterie de 1981 à 1987, puis de 1988 à 1999 et depuis 2005), Nibbs Carter (né en 1966, basse chœurs depuis 1988), Doug Scarratt (né en 1959, guitares, depuis 1995).

Paul Quinn (guitariste historique de 1975 à 2023) a jeté l'éponge ; c'est désormais Brian Tatler (né en 1960, guitares en 2022, et depuis 2023) qui reprend le flambeau. Brian Tatler, a été annoncé le 10 mars 2023 comme le nouveau guitariste de tournée de SAXON à compter du juillet 2023. Brian est le fondateur du légendaire DIAMOND HEAD dont j'ai assisté aux concerts du vendredi 30 septembre 1983 (invités de BLACK SABBATH à l'Espace Balard de Paris) et du samedi 10 septembre 2016 (Raismesfest). Pour l'anecdote, DIAMOND HEAD avait été invité pour ouvrir des soirées de la tournée "Seize the Day World Tour" en 2022, mais hélas pas celle de Paris.

Le premier album "Saxon" est paru le 21 mai 1979.

Mon sixième concert d'adolescent émancipé fut celui de SAXON au Pavillon Baltard de Nogent sur Marne, le dimanche 22 novembre 1981 (tournée Denim and Leather). J'avais auparavant découvert SAXON à peu près en même temps que Judas Priest ; la parution de "Strong Arm of the Law" le 1er septembre 1980 fut une confirmation. Au rayon de mes regrets, pourrait figurer au moins un de leurs deux concerts parisiens de cette tournée (les 16 et 17 février 1981 à l'Hippodrome de Pantin). Je les revois ce soir pour la sixième fois.

Le vingt-quatrième album studio, "Hell, Fire and Damnation", est paru le 19 janvier 2024. Leur tournée européenne comprend vingt-six dates ; Paris en est la dix-huitième.

LE CONCERT [19:30-20:30] : Les lumières s'éteignent lorsqu'une bande sonore diffuse l'introduction du nouvel opus, suivi logiquement de "Hell, Fire and Damnation". La sonorisation m'a semblé un peu confuse sur les premières minutes. Mais l'impression s'est heureusement estompée. L'espace et l'éclairage demeurent de bon niveau, même réduit par le partage avec le dispositif prévu pour Judas. En fond de scène s'étend un large drap au logo de SAXON, que l'on retrouve également sur la batterie identifiée de surcroit au nom de Nigel.

En dépit des nombreux changements de musiciens, Biff est toujours parvenu à maintenir le son si particulier de SAXON. Si on me demandait de le décrire, ce n'est pas la brutalité qui me viendrait à l'esprit ; son heavy metal s'exprime davantage dans la mélodie de son chant, de celle de ses guitares et l'énergie communicative produite par une rythmique basse/batterie imparable.

Sans surprise, SAXON confirme l'adage qui lui va comme un gant, c'est le secret d'une soirée réussie. Le public chante, le public s'agite frénétiquement sur des compositions taillées pour la fête. Les titres du dernier opus ne dérogent pas à la règle. J'apprécie particulièrement "There's Something in Roswell", même s'il brille moins par son originalité que par l'efficacité de sa rythmique et des soli de guitares. Le mélodique "Madame Guillotine" fera probablement partie des incontournable à l'avenir.

En ce qui me concerne, j'ai évidemment mieux perçu les titres de la Grande Epoque, "Dallas 1 PM" étant celui que j'estime le mieux, avec ses soli et ses accords très harmonieux. A voire les mines réjouies autour de moi, je pense ne pas être le seul à baigner dans un subtil mélange de nostalgie et de volonté d'en profiter, tant que c'est encore possible…

Nibbs Carter est le plus agité de la bande, normal me direz-vous c'est aussi le plus jeune ! Il arpente constamment la scène entre ses complices, sans léser sa fonction essentielle bien entendu. Néanmoins, Doug Scarratt est très appliqué et impliqué pour interpréter à la perfection les soli historiques, suppléé en cela par Brian Tatler. Les deux garants de la Légende, Biff et Nigel veillent à ce que tout s'articule à la perfection et contribuent à entretenir l'enthousiasme d'un auditoire qui manifeste bruyamment son plaisir. Biff, engoncé dans son manteau militaire, fait mine de s'émerveiller (et j'ai la faiblesse de le croire sincère) de l'effervescence que provoque son groupe ; il harangue son public et le filme avec son portable, ce qui accroit encore l'exaltation générale !

L'exubérance de certains mélomanes pèse sur ma capacité de maintien en place, mais je m'accroche car je tiens à demeurer en bonne place pour la suite. Pourtant, je ne puis m'empêcher de songer à réduire mes efforts pour les prochains concerts !

On aurait apprécié un programme plus long ; en tous cas il fut plus court que celui de Lyon apparemment, dont "747, Strangers in the Night" fut ici exclu pour une raison qui  m'échappe... En tout état de cause, les sept derniers titres constituent une seconde partie particulièrement haletante qui se clôt par un "Princess of the Night" très apprécié.

Le programme favorise très nettement ma période préférée (1979-1985) avec neuf titres sur les treize interprétés ; donc je suis heureux ! Il oublie ainsi les douze albums de la période 1986-2011. Il oublie aussi Carpe Diem (2022) le précédent opus que j'aime beaucoup pourtant. Une heure pour évoquer une telle carrière c'est décidément bien trop court ! Trois titres sont issus de Hell, Fire and Damnation, 2024, un de Sacrifice, 2013, un de Crusader, 1984, trois de Denim and Leather, 1981, trois de Strong Arm of the Law, 1980, deux de Wheels of Steel, 1980.

PROGRAMME
Bande son introductive : The Prophecy.
1.                  Hell, Fire and Damnation (Hell, Fire and Damnation, 2024)
2.                  Motorcycle Man (Wheels of Steel, 1980)
3.                  Sacrifice (Sacrifice, 2013)
4.                  There's Something in Roswell (Hell, Fire and Damnation, 2024)
5.                  And the Bands Played On (Denim and Leather, 1981)
6.                  Madame Guillotine (Hell, Fire and Damnation, 2024)
7.                  Heavy Metal Thunder (Strong Arm of the Law, 1980)
8.                  Strong Arm of the Law (Strong Arm of the Law, 1980)
9.                  Crusader (Crusader, 1984)
10.              Dallas 1PM (Strong Arm of the Law, 1980)
11.              Denim and Leather (Denim and Leather, 1981)
12.              Wheels of Steel (Wheels of Steel, 1980)
13.              Princess of the Night (Denim and Leather, 1981).


A ce stade, je suis déjà lessivé mais toujours prêt à affronter la horde qui se presse d'autant plus en vue de la prestation suivante.

JUDAS PRIEST
https://archive.judaspriest.com/home/

JUDAS PRIEST, balbutia en 1969 à Birmingham, mais prit forme réellement en 1970 sur la dépouille d'un autre groupe appelé FREIGHT. Le seul membre fondateur et permanent depuis cette époque est Ian Hill (né en 1951, basse, chœurs occasionnel, depuis 1970), même si Rob Halford (né en 1951, chant, de 1973 à 1992, et depuis 2003) peut faire valoir ce rôle également tant il contribua indéniablement au succès du groupe. Le bucheron, Scott Travis (né en 1961, batterie, chœurs occasionnel, depuis 1989) peut faire valoir une belle ancienneté lui aussi. Les guitaristes historiques ont malheureusement cédé leur place. Kenneth Downing (de 1969 à 2011) a étonnamment préféré les pelouses de son golf, le 20 avril 2011 (il est permis d'imaginer qu'il s'en mord les doigts maintenant, puisqu'il a lancé un projet musical personnel) ; il est remplacé par Richie Faulkner (né en 1980, guitares, chœurs, depuis 2011). Puis Glenn Tipton (guitares, chœurs, de 1974 à 2018) fut contraint de prendre sa retraite car atteint de la maladie de Parkinson. C'est Andy Sneap (né en 1969, guitares, chœurs, de 2018 à 2022, depuis 2022) qui a pris sa place en tournée.

Pour l'anecdote, le bassiste Brian "Bruno" Stapenhill, a trouvé le nom "Judas Priest" en se référant à la chanson de Bob Dylan "The Ballad of Frankie Lee and Judas Priest" sur l'album John Wesley Harding. Le groupe créé par Stapenhill n'a pas survécu, mais ce nom a remplacé celui de FREIGHT.

Le premier album "Rocka Rolla" est paru le 6 septembre 1974.

Quelques semaines après celui de SAXON, mon septième concert fut celui de JUDAS PRIEST au Pavillon Baltard de Nogent sur Marne, le lundi 7 décembre 1981 (tournée World Wide Blitz, Point of Entry). Cependant, je m'en veux encore aujourd'hui d'avoir manqué leur concert parisien du 9 décembre 1979, qui leur permit d'ouvrir pour AC/DC. (Rappelons au passage que les Australiens se présentaient pour la dernière fois avec le très regretté Bon Scott). J'ai ensuite malheureusement manqué aussi deux autres prestations (25 avril 80 au Bataclan, puis du 16 février 81 à l'Hippodrome de Pantin). Ce n'est qu'en fin 1980 début 1981 que j'avais débuté ma découverte de JUDAS PRIEST avec le légendaire "Unleashed in the East" et "British Steel". Puis, lorsque "Point of Entry" est paru, le 26 février 1981, je me souviens de ma perplexité au regard du précédent ; et pourtant aujourd'hui il figure parmi mes opus préférés ! Dans la discographie des prêtres de Judas, j'écoute plus volontiers les premiers tels que Sad Wings of Destiny (1976), Sin After Sin (1977), Stained Class (1978), Killing Machine (1978), British Steel (1980) et surtout Point of Entry (1981) ! Pour le reste, cela demeure une affaire de compatibilité d'humeur avec l'instant, mais honnêtement j'ai moins adhéré (tout est relatif) à l'option vocale prise par Rob avec Screaming for Vengeance (1982). Néanmoins, la décennie suivante demeura exaltante. Hélas, la désespérante parenthèse sans Rob (1991-2003), suivi d'albums plutôt décevants, puis le consternant départ de Kenneth parti jouer au golf (2011), et enfin la regrettable maladie de Glenn (2018), avaient terni mon enthousiasme... Jusqu'à leur très convaincant concert en 2019. Je les revois ainsi ce soir pour la huitième fois.

Le dix-neuvième album studio, "Invincible Shield", est paru le 6 mars 2024. Aujourd'hui, c'est la seizième et dernière date de leur tournée européenne, avant qu'ils ne se lancent dans une interminable tournée américaine (ils seront à Wallingford, Connecticut, dès le 18 avril).

LE CONCERT [21:00-22:40] : La bande son, qui diffuse "War Pigs" de BLACK SABBATH, me confirme que le spectacle est imminent. Un rideau, sur lequel sont inscrits des locutions plus ou moins pertinentes, masque partiellement la scène. Elles scandent les valeurs qui nous unissent, très bien. Mais faire valoir l'unité me parait quand même prétentieux, au regard des errements de Rob et de Kenneth. Mais bon passons… La toile s'effondre et laisse découvrir le quintuor groupé autour de la batterie. Ce sera le seul moment où Ian sera hors de son périmètre en retrait ! En fond de scène sont déployés quatre hauts écrans rectangulaires, sur lesquels seront diffusés images en direct et illustrations des chansons. Sur les côtés, sont dressés des tentures aux logos du groupe. Deux blocs-écran ferment les bords de la scène. Le tout est surplombé d'un gigantesque trident lumineux qui s'inclinera selon les séquences du concert. Je sais bien que l'objet apparait, discrètement, dès la pochette de l'album "Sad Wings of Destiny" (1976), mais je m'étonne encore de l'ampleur que ce symbole a pris au fil du temps ; je ne l'avais jamais remarqué durant les années 80, il est réapparu avec "Painkiller" (1990).

Le nouvel album est logiquement à l'honneur pour aborder le concert avec un "Panic Attack" déjà très convaincant, même si encore une fois les balances tardent à s'équilibrer. A moins que ce ne soit mes protections auditives qui fussent trop enfoncées… Peu importe, je rentre volontiers dans la transe collective, c'est la fête du metal en fusion ! Pas de répit, l'imparable "You've Got Another Thing Comin'", un de mes titres préférés, par son entrain et sa mélodie, surprend l'auditoire plus habitué à l'entendre plus tard dans la soirée. Sans pitié, les brutes enfoncent encore les clous en nous assenant les redoutables "Rapid Fire" et "Breaking the Law " !! L'auditoire s'époumone ; le prêtre mène la communion. Déjà à ce moment-là, je sens mes forces défaillir. Seule ma volonté d'assister de près à au moins un titre phare me permet de tenir envers et contre tout.

La sonorisation est puissante mais limpide, les décibels sont savamment maitrisés. Les éclairages sont somptueusement lumineux.


La soirée est astucieusement orchestrée avec une succession de morceaux d'anthologie. Avec le recul, je m'étonne cependant du choix porté sur "Saints in Hell", ma foi sympa, mais j'aurais toutefois préféré "Exciter" du même album. Mais bon, avec "The Green Manalishi" et "Victim of Changes" je m'estime comblé, d'autant que la voix de Rob était au rendez-vous, et que Richie ne craint pas la comparaison avec Kenneth. D'ailleurs, je souligne que Ritchie et Andy n'ont à aucun moment trahi l'héritage laissé par leurs deux prédécesseurs ; accords parfaitement maitrisés, soli à bon escient. Rob a souvent son regard sur le téléprompteur, mais l'essentiel est qu'il conserve encore son timbre vocal à un niveau acceptable compte tenu de son âge. Bref que du bonheur.

C'est le moment que j'ai choisi, pour me retirer du quatrième rang de sardines, après de bons et loyaux services mais n'en pouvant plus. Cela m'a permis de mesurer la densité du public ! Une bonne IPA m'a ressourcé, partiellement mais suffisamment pour continuer à participer à cette grand'messe !

A peine remis de nos émotions après un "Painkiller" étourdissant, le rappel relance la machine infernale avec le prémonitoire "Electric Eye", illustré d'images de satellites espions. Le vrombissement de la moto n'est pas vraiment une surprise à ce niveau de soirée ; il précède le traditionnel "Hell Bent for Leather" attendu de tous !

Mais l'émotion est à son comble lorsque Monsieur Glenn Tipton rentre en scène. Brisé cruellement par la maladie de Parkinson, il nous fait le plaisir de venir interpréter les deux derniers titres. On le sent faible, il est raide, il ne se balance plus en harmonie avec les rythmes… mais il est là. Et il joue consciencieusement ses accords. Je gage qu'il a perçu la reconnaissance de son public. En tous cas, je me suis rapproché le plus possible pour contribuer aux ovations émues et sincères.

C'est la fin, les six hommes saluent le public longuement un public abasourdi hébété, ravi, heureux quoi !

Etonnamment, le programme parisien a un titre de plus que le lyonnais. Nous avons eu "Devil's Child" intercalé ! Nous aurons ainsi eu droit à dix-huit titres. Quatre sont issus de British Steel, 1980, trois de Invincible Shield, 2024, trois de Screaming for Vengeance, 1982, un de Defenders of the Faith, 1984, un de Firepower, 2018, un de Killing Machine, 1978, un de Painkiller, 1990", un de Sin After Sin, 1977, un de Stained Class, 1978, un de Turbo Lover, 1986, et une reprise de Fleetwood Mac.

PROGRAMME
Bande son introductive : War Pigs (Black Sabbath), puis l'hymne d'Invincible Shield Tour
1.                  Panic Attack (Invincible Shield, 2024)
2.                  You've Got Another Thing Comin' (Screaming for Vengeance, 1982)
3.                  Rapid Fire (British Steel, 1980)
4.                  Breaking the Law (British Steel, 1980)
5.                  Lightning Strike (Firepower, 2018)
6.                  Love Bites (Defenders of the Faith, 1984)
7.                  Devil's Child (Screaming for Vengeance, 1982)
8.                  Saints in Hell (Stained Class, 1978)
9.                  Crown of Horns (Invincible Shield, 2024)
10.              Turbo Lover (Turbo Lover, 1986)
11.              Invincible Shield (Invincible Shield, 2024)
12.              Victim of Changes (Sad Wings of Destiny, 1976)
13.              The Green Manalishi (With the Two Prong Crown) (de Fleetwood Mac) (1978)
14.              Painkiller (Painkiller, 1990).
RAPPEL :
Bande son introductive : The Hellion (Screaming for Vengeance, 1982)
15.              Electric Eye (Screaming for Vengeance, 1982)
16.              Hell Bent for Leather (Killing Machine, 1978)
17.              Metal Gods (British Steel, 1980)
18.              Living After Midnight (British Steel, 1980).
Bande son finale : We Are the Champions (Queen).

Je suis sage ; je passe devant l'échoppe sans craquer pour un t-shirt que je trouve certes emblématique d'une soirée mémorable, mais un peu cher quand même (45€).