mardi 14 mai 2024

PENDRAGON – Trabendo (Paris 19) – lundi 13 mai 2024.

Bravant les limites de la raison, et les frontières géographiques, hier dans les Ardennes belges pour assister à un superbe concert des Finlandais OVERHEAD, nous voici aujourd'hui ramené dans le 19e arrondissement de Paris, pour celui des Anglais PENDRAGON !

Le philosophe a dit : "Le cœur a ses raisons que la raison ne connaît point" ; je ne vois aucune raison de le contredire, surtout s'agissant de notre admiration pour PENDRAGON. D'autant moins que ces derniers n'étaient plus revenus en tournée depuis la Pandémie ! Rappelons que ce groupe, qui peine déjà à subsister en temps normal, avait dû stopper net sa tournée "Love Over Fear" en 2020. L'effet dévastateur sur leur budget, déjà alourdi par les conséquences du Brexit pour les artistes britanniques, a probablement nécessité beaucoup d'effort et de persévérance pour parvenir à monter un retour dans nos contrées. De surcroît, la fin de soirée agitée après le concert à la Maroquinerie il y a quatre ans (voir mon récit d'époque) aurait pu laisser craindre une rancune résiduelle. Mais heureusement, PENDRAGON a su faire la part des choses pour revenir, mais cette fois au Trabendo qui est l'écrin idéal pour ces artistes.

Ce concert s'inscrit dans une tournée européenne de treize dates durant le mois de mai. Celle-ci est la quatrième et nous devions nous rendre à celle qui était prévu ce vendredi dans le cabaret "Chez Paulette", mais comble de malchance, le lieu est désormais fermé. La date est remplacée par un déplacement au Luxembourg. Nous ne les reverrons finalement que le 20 juillet, puisqu'ils sont inscrits au programme de la XVIIème et ultime édition du Night of the Prog, en Allemagne !

Bref, c'est dans la joie et bonne humeur que je les revois pour la septième fois, sans lassitude aucune, tant leurs concerts ont toujours entretenu de merveilleux souvenirs.

Avec ma p'tite Fée, nous retrouvons, parmi un public nombreux, une autre partie de notre microcosme de mélomanes progueux.

Nous parvenons à nous placer proche de la scène (troisième rang, entre les pupitres de Nick et de Clive) dans ce très bel auditorium d'une capacité de 700 places en configuration debout ! Ce mardi soir n'est pas annoncé complet hélas (?) mais les meilleurs sont là, on va dire…

Qui aime bien châtie bien ; j'observe que l'opportunité de faire des fabuleuses découvertes avec les premières parties des soirées de PENDRAGON, demeure faible puisqu'elles sont régulièrement assurées par des musiciens solitaires, certes sans doute valeureux, mais pas autant que Pendragon le fut pour Marillion en 82... Andy SEARS (le 5/5/11 au Divan du Monde), Gary CHANDLER (le 28/10/14 au Divan du Monde), John YOUNG, (le 12/5/16 au Divan du Monde), Verity WHITE, sa choriste (le 27/10/17, chez Paulette), et Davey DODDS (le 3/3/20 à la Maroquinerie)… L'ensemble ne m'a pas laissé de souvenir impérissable. Il est permis de s'en agacer, mais bon gré mal gré, l'habitude se perpétue puisque c'est au tour de Roger "Rog" PATTERSON.

Rog PATTERSON [19:30-20:00]

Le musicien se présente avec deux guitares, dont une à douze cordes. Il était auparavant manager de tournée et technicien de guitares. Il rappelle ne plus avoir joué sur une scène parisienne depuis … de très nombreuses années (vingt années me semble-t-il avoir compris).

Comme je l'ai déjà souligné dans de précédentes situations semblables, je suis plutôt enclin à respecter l'artiste solitaire qui brave un auditoire perplexe. A l'instar du public, je patiente, feignant d'écouter les accords et les chants, alors que mon esprit erre irrésistiblement à d'autres préoccupations.

La demi-heure de la prestation me (nous) semble longue, voire soporifique, surtout sur le dernier titre (bien long, de l'aveu du musicien lui-même !). Le monsieur fait pourtant œuvre de pédagogie et de plaisanterie britannique (encore fallait-il comprendre l'anglais !) mais arrivé à un moment, nous étions nombreux à consulter discrètement notre cadran.

Je ne suis pas parvenu à recueillir la liste des titres bravement interprétés mais, dans le fond nous nous en passerons sans frustration particulière…

 

PENDRAGON [20:20-22:35] https://www.pendragon.mu/biog/

Bref rappel biographique. Elle nous indique que tout a débuté en 1978 dans la paisible ville de Stroud, dans le Gloucestershire, en Angleterre. Quatre jeunes musiciens partageant les mêmes idées se sont réunis et ont décidé de former un groupe de rock. Ainsi est né ZEUS PENDRAGON, composé alors de Nick Barrett (guitare/chant), Julian Baker (guitare/chant), Nigel Harris (batterie) et Stan Cox (basse). Le mot "Zeus" a été abandonné avant que le groupe ne commence à enregistrer, car les membres ont décidé qu'il était trop long pour bien paraître sur un T-shirt ! Ce qui peut prêter à sourire lorsqu'on connait le succès de quelques autres groupes dont le nom est pourtant bien plus long à prononcer/retenir ! Mais bref, leur chance aura été de jouer en première partie de MARILLION le 7 aout 1982, à Gloucester. Mick Pointer (à l'époque batteur de Marillion, maintenant avec Arena) a suggéré que PENDRAGON assure la première partie au célèbre club Marquee à Londres, le 27 octobre 1982. Ces deux dates constituent un coup de pouce bienvenu.

Il faudra cependant attendre le 16 janvier 1984 pour la parution de leur premier mini-album, le prometteur "Fly High Fall Far", via le label Elusive Records. Leur premier album, "The Jewel" est paru le 1 juin 1985. Comme beaucoup d'artistes, mais eux particulièrement, ils ont subi de nombreuses frustrations dans la recherche d'un contrat d'enregistrement. A l'instar de MARILLION, le meneur et guitariste Nick Barrett a finalement crée son propre label, Toff Records, en 1987. Le 7 novembre 1988, parait enfin un deuxième opus, "Kowtow" qui, même si ce n'est pas leur chef d'œuvre, a au moins le mérite de garantir ainsi la poursuite de leur aventure…

Après la parution du onzième opus "Love Over Fear", le 8 février 2020, seul un mini-album, "North Star", est paru le 12 mai 2023. D'une durée totale d’un peu plus de 24 minutes, il laisse sur leur faim les amateurs des longues épopées lyriques qui sont habituellement délivrées par le groupe. Mais on leur pardonnera, c'est tellement beau, tout simplement !

L'attente de la suite de la soirée permet d'observer de nouveau la configuration de cette salle que j'apprécie particulièrement. La sensation de proximité avec les artistes est accentuée par la hauteur de la scène qui est plus basse que dans les autres salles. La fosse est astucieusement encadrée d'un espace surélevé, ce qui permet à une majorité de spectateurs de jouir d'un bon confort de vue et d'écoute. Toutefois, si les musiciens sont ainsi à la portée des regards, les chasseurs d'images s'en trouvent gênés par les têtes qui s'imposent dans leur cadre.

Déjà excité par l'extinction des feux, les premières notre de "If I Were the Wind (and You Were the Rain)" nous catapulte vers l'univers tellement onirique et resplendissant de PENDRAGON ! Et ce avec d'autant plus d'aisance que l'acoustique parfaite de cette salle est exploitée par une sonorisation presque idéale !! Je dis presque parce que sur les premières minutes, la guitare de Nick était surexposée. Fort heureusement, cette légère déchirure auditive a vite disparu. Les soli de guitare et de clavier, les chœurs, et le soutien lourd et puissant de la rythmique basse/batterie, tout concourt à emporter immédiatement l'auditoire ! La première ovation témoigne d'une énorme satisfaction de pouvoir enfin revivre ces moments de grâce.

Nous retrouvons ainsi sur scène Nick Barrett (guitare, chant, depuis 1978), Peter Gee (basse et claviers, depuis 1981), Clive Nolan (claviers et chœurs, depuis 1986), Jan Vincent Velazco (batterie, depuis 2015). Rog Patterson assure un soutien en secondes guitares pendant toute la soirée. Le soutien vocal est désormais assumé par Johanna Stroud (chœur et violon) et Sally Minnear (chœur).

Signalons au passage que Sally Minnear n'est autre que la fille de l'éminent multi-instrumentiste Kerry Minnear du très respecté et influent groupe progressif GENTLE GIANT. Musicienne complète (digne fille de son papa !), elle joue également de la guitare, de la batterie, des percussions, de la flûte irlandaise, … Quant  à Johanna Stroud, avant de participer en 2023 au mini album "North Star" et à la tournée qui a suivi en Grande-Bretagne, aux Pays Bas et en Norvège, elle enseignait la musique en particulier le violon à Sheffield. Les deux choristes apparaissent masquées d'un loup baroque, et coiffées d'une élégante plume ; attributs dont elles se déferont avec soulagement, on les comprend !

Nick, fidèle à son personnage est radieux ; son sourire trahit une immense joie de jouer devant un public acquis à sa cause. Il ne cache pas son plaisir, avec une certaine candeur il sautille comme un enfant gâté, et comme à son habitude il lève les bras au ciel, comme pour faire un grand câlin à ses admirateurs. Ce mec est touchant de sincérité. C'est un authentique artiste, il aime qu'on l'aime, et ça tombe bien, on l'aime. Il fait l'effort de prononcer quelques mots en français, notamment pour évoquer cette longue attente de quatre années sans venir à Paris. Son bonheur manifestement sincère fait plaisir à voir, il en est communicatif. De surcroît, on ressent une très grande complicité  entre les musiciens ; de mon point d'observation, j'ai surtout noté les regards complices entre Nick et Clive ! Toutes ces bonnes ondes sont illuminées d'éclairages magnifiques, partant du sol ou du plafond ! Magique je vous dis !!

Lorsqu'il se présente avec une mandoline en surcroit de sa guitare, on comprend qu'il va interpréter "360 Degrees". Mais Nick aime raconter des histoires, échanger avec son auditoire. A défaut de les chanter, il les évoque entre deux chansons. Celle qui suit, n'aurait pas eu d'intérêt particulier sans sa conclusion relativement hilarante. Il se met à nous relater un souvenir de sa petite enfance passée à Minchinhampton (Gloucestershire). Alors qu'il était âgé de six ans, il avait été effrayé par un adolescent coiffé d'un masque de renard. Il évoque sa consternation lorsque quelques années plus tard, Genesis a eu l'idée de reprendre le concept pour son album "Foxtrot".

Puis, avant le titre "Water", il ne résiste pas à nous raconter encore une anecdote savoureuse. Alors qu'il était dans le Gard, près d'Uzès, il nageait tranquillement dans un endroit discret et calme. Soudain sur une petite plage il remarque cinq personnes, qui écoutaient une musique qui lui semblait familière… il lance aux auditeurs "hé, mais c'est ma musique, ça !" Hallucinante circonstance, ils écoutaient "Breaking the Spell" ! On imagine aisément l'état de stupéfaction générale …

L'auditoire venu pour écouter la musique qu'il aime n'en demeure pas moins observateur de ces petits détails qui rappellent les références artistiques de notre rock progressif. Univers de Mascarade à l'italienne ? Ainsi, la nouvelle veste aux motifs arlequins que porte Nick ne manque pas d'attirer l'attention. Elle a été conçue et fabriqué à la main, selon les conseils de Nick par une certaine Jennie, costumière habilleuse établie dans les Cornouailles. Même le tissu doux velouté a été spécialement imprimé pour correspondre à l'univers de l'album "The Masquerade Overture". L'artiste a pris soin de coudre les manches et boutons, de manière à ce qu'ils n'empêchent pas de jouer de la guitare et de se mouvoir sur scène. Cependant, il la quittera par la suite, au bout d'une cinquantaine de minutes, avant d'aborder la séquence acoustique.

Nick Barrett nous a une nouvelle fois emportés dans un lyrique tourbillon d'émotions oniriques et/ou exaltantes par la grâce de ses accords et soli étourdissants délivrés avec le son si particulier qu'il exprime avec ses guitares ! En étant proche du pupitre de Clive Nolan, j'ai pu mesurer sa concentration et le soin qu'il apporte aux nuances ainsi qu'aux harmonies requises avec ses claviers. Ses chœurs masculins agrémentent le chant de Nick. Il s'inscrit dans une complémentarité parfaite avec son ami. La section rythmique est assurée avec les équilibres requis pour les atmosphères développées par PENDRAGON. Peter Gee alterne basse et clavier, discret et paradoxalement indispensable. Le métronome Jan Vincent Velazco martèle implacablement ses futs, mais astucieusement dosé. Les guitares de Rog Patterson interviennent discrètement en soutien de Nick. Cette atmosphère feutrée permet à Johanna Stroud et Sally Minnear de poser leur voix divines, souvent en parfaite harmonie avec Clive, mais parfois aussi en audacieux soli. Le violon  de Johanna (notamment sur "360 Degrees" "Phoenician Skies") étoffe encore la richesse des sonorités.


La communion avec le public est absolue et le bonheur du public s'exprime avec l'exubérance des gens heureux, ce qui semble toucher sincèrement Nick qui se dit très attaché au public français, un de ces rares Anglais à nous apprécier. Enfin, il remercie tout particulièrement Didier l'émérite, persévérant et honorable gestionnaire de www.builtbyfrance.com .

Le temps passe toujours trop vite dans de telles conditions ; même ponctué par une séquence plus calme, en acoustique ("Fall Away", "King of the Castle", puis le son monte en puissance avec le retour de la batterie sur "Phoenician Skies"), le concert s'est déroulé comme dans un rêve. On l'a vécu, mais une fois fini on aimerait y retourner.

Et le souci avec ce genre d'artiste, c'est que le répertoire de qualité est tellement dense que nous attendons toujours un titre qui ne vient pas. Pour ma part par exemple, je m'impatiente de ne pas avoir entendu en concert le splendide "Am I Really Losing You ?" (qui n'a plus été joué à Paris depuis … le 16 avril 1994 !), durant lequel la guitare pleure et nous fait chanter de désespoir inconsolable… Je pourrais encore me plaindre de l'absence de "This Green and Pleasant Land" pourtant déjà maintes fois entendu en concert mais dont on ne se lasse pas…

Bref, soyons raisonnable, finalement il est assez heureux que le programme nous échappe, pour laisser place à d'autres morceaux aussi merveilleux qu'inattendus. Comment se plaindre, par exemple, de l'interprétation d'un titre aussi touchant qu' "It's Only Me", dont la mélodie vous plonge dans un état de mélancolie insondable et qui fait l'objet, lui aussi d'un solo terriblement poignant.

Le sommet aura été ce rappel avec un titre que je n'osais pas attendre : Nous avons pu entendre ce soir cet émouvant "Breaking the Spell", dont le thème touche intimement Nick au point de fermer son sourire Habituel. La plage introductive de plus de quatre minutes, est éprouvante tant cet accord de guitare vous prend aux tripes pour évoquer un accablement avec une ardeur qui ferait pleurer n'importe quelle brute épaisse… Cette séquence est suivie d'accords à la basse puissamment entrainants. Juste bouleversant.

Bref on l'aura compris, ce programme de quinze titres, comme les précédents nous a apporté ce que tout mélomane vient chercher à un concert ; de l'émotion, de l'évasion, de la séduction, du bonheur à partager. Il a fait la part belle aux parutions les plus récentes avec cinq issus de "Love Over Fear" (2020), et trois de "Not of This World" (2001), deux de "North Star" (2023), deux de "The Masquerade Overture" (1996), un de "Passion" (2011), un de "Pure" (2008), un de "The Window Of Life" (1993).

PROGRAMME
1.        If I Were the Wind (and You Were the Rain) (Not of This World, 2001)
2.        Eternal Light  (Love Over Fear, 2020)
3.        Skara Brae (Passion, 2011)
4.        Starfish and the Moon  (Love Over Fear, 2020)
5.        360 Degrees (Love Over Fear, 2020)
6.        Water (Love Over Fear, 2020)
7.        Fall Away (North Star, 2023) en acoustique
8.        King of the Castle (Not of This World, 2001) en acoustique
9.        North Star, Part III: Phoenician Skies  (North Star, 2023) en acoustique
10.    Schizo (The Masquerade Overture, 1996)
11.    Afraid of Everything (Love Over Fear, 2020)
12.    Paintbox (The Masquerade Overture, 1996)
13.    A Man of Nomadic Traits (Not of This World, 2001)
14.    It's Only Me (Pure, 2008).
RAPPEL :
15.    Breaking the Spell (The Window Of Life, 1993).

L'après-concert nous confirme l'accessibilité de Nick et de Clive notamment, avec qui on peut parler, moyennant un peu de patience, compte tenu de l'affluence légitime autour d'eux. Accolades et autoportraits, illustreront des échanges chaleureux et passionnés. On pourra toujours se plaindre de leur injuste manque de notoriété ; il n'empêche qu'en attendant, ils demeurent ainsi humainement abordables, pour notre plus grand plaisir. Tant pis pour les mélomanes incurieux (dommage !) et et tant pis les incultes dont l'univers ce limite à ce que leur offre nos médias (tant mieux !). S'agissant de l'échoppe, je suis raisonnable et me procure seulement "North Star" le mini-album (pour 12€) que je n'avais pas encore dans ma discothèque. 





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