Bravant les limites de la raison, et les frontières géographiques,
hier dans les Ardennes belges pour assister à un superbe concert des Finlandais OVERHEAD, nous voici aujourd'hui ramené dans le 19e arrondissement
de Paris, pour celui des Anglais PENDRAGON !
Le philosophe a dit : "Le cœur a ses raisons que la raison ne connaît point" ; je ne
vois aucune raison de le contredire, surtout s'agissant de notre admiration
pour PENDRAGON. D'autant moins que ces derniers n'étaient plus revenus en
tournée depuis la Pandémie ! Rappelons que ce groupe, qui peine déjà à
subsister en temps normal, avait dû stopper net sa tournée "Love Over Fear"
en 2020. L'effet dévastateur sur leur budget, déjà alourdi par les conséquences
du Brexit pour les artistes britanniques, a probablement nécessité beaucoup
d'effort et de persévérance pour parvenir à monter un retour dans nos contrées.
De surcroît, la fin de soirée agitée après le concert à la Maroquinerie il y a
quatre ans (voir mon récit d'époque) aurait
pu laisser craindre une rancune résiduelle. Mais heureusement, PENDRAGON a su
faire la part des choses pour revenir, mais cette fois au Trabendo qui est
l'écrin idéal pour ces artistes.
Bref, c'est dans la joie et bonne humeur que je les
revois pour la septième fois, sans lassitude aucune, tant leurs concerts ont
toujours entretenu de merveilleux souvenirs.
Avec ma p'tite Fée, nous retrouvons, parmi un public
nombreux, une autre partie de notre microcosme de mélomanes progueux.
Nous parvenons à nous placer proche de la scène (troisième
rang, entre les pupitres de Nick et de Clive) dans ce très bel auditorium d'une
capacité de 700 places en
configuration debout ! Ce mardi soir n'est pas annoncé complet hélas (?) mais
les meilleurs sont là, on va dire…
Qui aime bien châtie bien ; j'observe que l'opportunité
de faire des fabuleuses découvertes avec les premières parties des soirées de
PENDRAGON, demeure faible puisqu'elles sont régulièrement assurées par des
musiciens solitaires, certes sans doute valeureux, mais pas autant que
Pendragon le fut pour Marillion en 82... Andy SEARS (le 5/5/11 au Divan du
Monde), Gary CHANDLER (le 28/10/14 au Divan du Monde), John YOUNG, (le 12/5/16
au Divan du Monde), Verity WHITE, sa choriste (le 27/10/17, chez Paulette),
et Davey DODDS (le 3/3/20 à la Maroquinerie)… L'ensemble ne m'a pas laissé de
souvenir impérissable. Il est permis de s'en agacer, mais bon gré mal gré,
l'habitude se perpétue puisque c'est au tour de Roger "Rog" PATTERSON.
Rog
PATTERSON [19:30-20:00]
Comme je l'ai déjà souligné dans de précédentes
situations semblables, je suis plutôt enclin à respecter l'artiste solitaire qui
brave un auditoire perplexe. A l'instar du public, je patiente, feignant
d'écouter les accords et les chants, alors que mon esprit erre irrésistiblement
à d'autres préoccupations.
La demi-heure de la prestation me (nous) semble longue,
voire soporifique, surtout sur le dernier titre (bien long, de l'aveu du musicien lui-même !). Le monsieur fait
pourtant œuvre de pédagogie et de plaisanterie britannique (encore fallait-il comprendre l'anglais
!) mais arrivé à un moment, nous étions nombreux à consulter discrètement notre
cadran.
Je ne suis pas parvenu à recueillir la liste des titres
bravement interprétés mais, dans le fond nous nous en passerons sans
frustration particulière…
PENDRAGON [20:20-22:35] https://www.pendragon.mu/biog/
Bref rappel biographique. Elle nous indique que tout a
débuté en 1978 dans la paisible ville
de Stroud, dans le Gloucestershire, en Angleterre. Quatre jeunes musiciens
partageant les mêmes idées se sont réunis et ont décidé de former un groupe de
rock. Ainsi est né ZEUS PENDRAGON, composé
alors de Nick Barrett (guitare/chant),
Julian Baker (guitare/chant), Nigel Harris (batterie) et Stan Cox (basse). Le
mot "Zeus" a été abandonné avant que le groupe ne commence à
enregistrer, car les membres ont décidé qu'il était trop long pour bien paraître
sur un T-shirt ! Ce qui peut prêter à sourire lorsqu'on connait le succès de
quelques autres groupes dont le nom est pourtant bien plus long à
prononcer/retenir ! Mais bref, leur chance aura été de jouer en première partie
de MARILLION le 7 aout 1982, à
Gloucester. Mick Pointer (à l'époque batteur
de Marillion, maintenant avec Arena) a suggéré que PENDRAGON assure la première
partie au célèbre club Marquee à Londres, le 27 octobre 1982. Ces deux dates constituent un coup de
pouce bienvenu.
Il faudra cependant attendre le 16 janvier 1984 pour
la parution de leur premier mini-album, le prometteur "Fly High Fall Far", via le label Elusive Records. Leur premier album,
"The Jewel" est paru le 1
juin 1985. Comme beaucoup d'artistes, mais eux particulièrement, ils ont subi
de nombreuses frustrations dans la recherche d'un contrat d'enregistrement. A
l'instar de MARILLION, le meneur et guitariste Nick Barrett a finalement crée son propre label, Toff Records, en 1987. Le 7 novembre 1988, parait enfin un deuxième
opus, "Kowtow" qui,
même si ce n'est pas leur chef d'œuvre, a au moins le mérite de garantir ainsi
la poursuite de leur aventure…
Après la parution du onzième opus "Love Over
Fear", le 8 février 2020, seul
un mini-album, "North Star",
est paru le 12 mai 2023. D'une durée
totale d’un peu plus de 24 minutes, il laisse sur leur faim les amateurs des
longues épopées lyriques qui sont habituellement délivrées par le groupe. Mais
on leur pardonnera, c'est tellement beau, tout simplement !
L'attente de la suite de la soirée permet d'observer
de nouveau la configuration de cette salle que j'apprécie particulièrement. La
sensation de proximité avec les artistes est accentuée par la hauteur de la
scène qui est plus basse que dans les autres salles. La fosse est astucieusement
encadrée d'un espace surélevé, ce qui permet à une majorité de spectateurs de
jouir d'un bon confort de vue et d'écoute. Toutefois, si les musiciens sont
ainsi à la portée des regards, les chasseurs d'images s'en trouvent gênés par
les têtes qui s'imposent dans leur cadre.
Déjà excité par l'extinction des feux, les premières notre de "If I Were the Wind (and You Were the Rain)" nous catapulte vers l'univers tellement onirique et resplendissant de PENDRAGON ! Et ce avec d'autant plus d'aisance que l'acoustique parfaite de cette salle est exploitée par une sonorisation presque idéale !! Je dis presque parce que sur les premières minutes, la guitare de Nick était surexposée. Fort heureusement, cette légère déchirure auditive a vite disparu. Les soli de guitare et de clavier, les chœurs, et le soutien lourd et puissant de la rythmique basse/batterie, tout concourt à emporter immédiatement l'auditoire ! La première ovation témoigne d'une énorme satisfaction de pouvoir enfin revivre ces moments de grâce.
Signalons au passage que Sally Minnear n'est autre que
la fille de l'éminent multi-instrumentiste Kerry Minnear du très respecté et
influent groupe progressif GENTLE GIANT. Musicienne complète (digne fille de
son papa !), elle joue également de la guitare, de la batterie, des
percussions, de la flûte irlandaise, … Quant
à Johanna Stroud, avant de participer en 2023 au mini album "North Star" et à la tournée qui a
suivi en Grande-Bretagne, aux Pays Bas et en Norvège, elle enseignait la
musique en particulier le violon à Sheffield. Les deux choristes apparaissent
masquées d'un loup baroque, et coiffées d'une élégante plume ; attributs dont
elles se déferont avec soulagement, on les comprend !
Nick, fidèle à son personnage est radieux ; son
sourire trahit une immense joie de jouer devant un public acquis à sa cause. Il
ne cache pas son plaisir, avec une certaine candeur il sautille comme un enfant
gâté, et comme à son habitude il lève les bras au ciel, comme pour faire un
grand câlin à ses admirateurs. Ce mec est touchant de sincérité. C'est un
authentique artiste, il aime qu'on l'aime, et ça tombe bien, on l'aime. Il fait
l'effort de prononcer quelques mots en français, notamment pour évoquer cette
longue attente de quatre années sans venir à Paris. Son bonheur manifestement
sincère fait plaisir à voir, il en est communicatif. De surcroît, on ressent
une très grande complicité entre les musiciens
; de mon point d'observation, j'ai surtout noté les regards complices entre
Nick et Clive ! Toutes ces bonnes ondes sont illuminées d'éclairages
magnifiques, partant du sol ou du plafond ! Magique je vous dis !!
Puis, avant le titre "Water", il ne résiste pas à nous raconter encore une anecdote
savoureuse. Alors qu'il était dans le Gard, près d'Uzès, il nageait
tranquillement dans un endroit discret et calme. Soudain sur une petite plage
il remarque cinq personnes, qui écoutaient une musique qui lui semblait
familière… il lance aux auditeurs "hé, mais c'est ma musique, ça !"
Hallucinante circonstance, ils écoutaient "Breaking the Spell" ! On imagine aisément l'état de
stupéfaction générale …
L'auditoire venu pour écouter la musique qu'il aime
n'en demeure pas moins observateur de ces petits détails qui rappellent les
références artistiques de notre rock progressif. Univers de Mascarade à
l'italienne ? Ainsi, la nouvelle veste aux motifs arlequins que porte Nick ne
manque pas d'attirer l'attention. Elle a été conçue et fabriqué à la main,
selon les conseils de Nick par une certaine Jennie, costumière habilleuse établie
dans les Cornouailles. Même le tissu doux velouté a été spécialement imprimé
pour correspondre à l'univers de l'album "The Masquerade Overture". L'artiste a pris soin de coudre les
manches et boutons, de manière à ce qu'ils n'empêchent pas de jouer de la
guitare et de se mouvoir sur scène. Cependant, il la quittera par la suite, au
bout d'une cinquantaine de minutes, avant d'aborder la séquence acoustique.
Nick Barrett
nous a une nouvelle fois emportés dans un lyrique tourbillon d'émotions oniriques et/ou exaltantes par la grâce de
ses accords et soli étourdissants délivrés avec le son si particulier qu'il
exprime avec ses guitares ! En étant proche du pupitre de Clive Nolan, j'ai pu mesurer sa concentration
et le soin qu'il apporte aux nuances ainsi qu'aux harmonies requises avec ses
claviers. Ses chœurs masculins agrémentent le chant de Nick. Il s'inscrit dans
une complémentarité parfaite avec son ami. La section rythmique est assurée
avec les équilibres requis pour les atmosphères développées par PENDRAGON. Peter
Gee alterne basse et clavier, discret
et paradoxalement indispensable. Le métronome Jan Vincent Velazco martèle implacablement ses futs, mais astucieusement dosé. Les
guitares de Rog Patterson
interviennent discrètement en soutien de Nick. Cette atmosphère feutrée permet
à Johanna Stroud et Sally Minnear de poser leur voix divines, souvent en parfaite harmonie avec Clive, mais parfois aussi en audacieux soli. Le violon de Johanna (notamment sur "360 Degrees" "Phoenician
Skies") étoffe encore la richesse des sonorités.
La communion avec le public est absolue et le bonheur
du public s'exprime avec l'exubérance des gens heureux, ce qui semble toucher
sincèrement Nick qui se dit très attaché au public français, un de ces rares
Anglais à nous apprécier. Enfin, il remercie tout particulièrement Didier l'émérite,
persévérant et honorable gestionnaire de www.builtbyfrance.com
.
Le temps passe toujours trop vite dans de telles
conditions ; même ponctué par une séquence plus calme, en acoustique ("Fall Away", "King of the Castle", puis le son
monte en puissance avec le retour de la batterie sur "Phoenician Skies"), le concert s'est déroulé comme dans un
rêve. On l'a vécu, mais une fois fini on aimerait y retourner.
Et le souci avec ce genre d'artiste, c'est que le répertoire de qualité est tellement dense que nous attendons toujours un titre qui ne vient pas. Pour ma part par exemple, je m'impatiente de ne pas avoir entendu en concert le splendide "Am I Really Losing You ?" (qui n'a plus été joué à Paris depuis … le 16 avril 1994 !), durant lequel la guitare pleure et nous fait chanter de désespoir inconsolable… Je pourrais encore me plaindre de l'absence de "This Green and Pleasant Land" pourtant déjà maintes fois entendu en concert mais dont on ne se lasse pas…
Bref, soyons raisonnable, finalement il est assez
heureux que le programme nous échappe, pour laisser place à d'autres morceaux aussi
merveilleux qu'inattendus. Comment se plaindre, par exemple, de
l'interprétation d'un titre aussi touchant qu' "It's Only Me", dont la mélodie vous plonge
dans un état de mélancolie insondable et qui fait l'objet, lui aussi d'un solo
terriblement poignant.
Le sommet aura été ce rappel avec un titre que je
n'osais pas attendre : Nous avons pu entendre ce soir cet émouvant "Breaking the Spell", dont le thème
touche intimement Nick au point de fermer son sourire Habituel. La plage introductive
de plus de quatre minutes, est éprouvante tant cet accord de guitare vous prend
aux tripes pour évoquer un accablement avec une ardeur qui ferait pleurer
n'importe quelle brute épaisse… Cette séquence est suivie d'accords à la basse puissamment entrainants. Juste bouleversant.
Bref on l'aura compris, ce programme de quinze titres, comme les précédents
nous a apporté ce que tout mélomane vient chercher à un concert ; de l'émotion,
de l'évasion, de la séduction, du bonheur à partager. Il a fait la part belle
aux parutions les plus récentes avec cinq issus de "Love Over Fear" (2020), et trois
de "Not of This World" (2001),
deux de "North Star"
(2023), deux de "The
Masquerade Overture" (1996), un de "Passion" (2011), un de "Pure" (2008), un de "The Window Of Life" (1993).
PROGRAMME
1.
If I Were the
Wind (and You Were the Rain) (Not of This
World, 2001)
L'après-concert nous confirme l'accessibilité de Nick et de Clive notamment, avec qui on peut parler, moyennant un peu de patience, compte tenu de l'affluence légitime autour d'eux. Accolades et autoportraits, illustreront des échanges chaleureux et passionnés. On pourra toujours se plaindre de leur injuste manque de notoriété ; il n'empêche qu'en attendant, ils demeurent ainsi humainement abordables, pour notre plus grand plaisir. Tant pis pour les mélomanes incurieux (dommage !) et et tant pis les incultes dont l'univers ce limite à ce que leur offre nos médias (tant mieux !). S'agissant de l'échoppe, je suis raisonnable et me procure seulement "North Star" le mini-album (pour 12€) que je n'avais pas encore dans ma discothèque.
Comme d'habitude, très belle chronique.
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