L'univers d'Ange a tardé à me séduire. Il ne
s'agissait pas d'un rejet de ma part, puisque je n'avais jamais eu l'occasion
d'écouter réellement ; c'était juste une question de circonstances non propices.
Ma sœur, mon initiatrice à la base, écoutait beaucoup d'artistes durant les
années 70, mais pas Ange. Mes amis durant les années 80, pas davantage.
Submergé de découvertes au gré des courants musicaux au cours des décennies
suivantes, j'ai oublié d'écouter Ange, à l'instar de bien d'autres artistes
également. C'est regrettable, mais comme beaucoup de mélomanes français, je
fais valoir des circonstances atténuantes ; nos médias dotés d'une ouverture
d'esprit et d'une curiosité musicale légendaires n'ont franchement pas
contribué à ma Culture musicale. J'étais pourtant enclin à soutenir nos
artistes français puisque j'ai tout de même assisté notamment aux concerts de
Jean-Michel Jarre dès juillet 1979, de Téléphone dès février 1981, de Trust dès
novembre 1981. Par ailleurs, mon premier concert de rock progressif fut Asia en
octobre 1982. Pourtant, je me souviens qu'ANGE a été évoqué dans nos
discussions au lycée notamment, mais ce n'était probablement pas en des termes
assez enthousiastes pour que j'y prête une attention suffisante…
Tant et si mal que je ne les ai vus pour la première
fois que le 4 juin 2018, au Café de la Danse. Eh oui. C'est donc avec un surcroît d'humilité que j'évoque ici mes modestes impressions issues de ce
quatrième concert auquel j'ai la chance d'assister ce soir. Ma précédente
participation à leur prestation remonte au festival Night of the Prog le 15
juillet 2018, alors qu'Ange était dans sa tournée pour la promotion de l'album
"Heureux" paru cette
année-là.
J'ai réservé nos tickets dès le 30 avril 2019 ; je ne
pouvais pas manquer le cinquantième
anniversaire surtout dans cet auditorium que j'affectionne tout
particulièrement, le Trianon.
Le concert de ce soir affiche complet ; une journée
supplémentaire a été ajoutée pour le lendemain. La file d'attente est
logiquement impressionnante mais, une fois dans le hall d'entrée, les auditeurs
sont accueillis par un comité qui distribue un sac de tissus estampillé au
thème de la soirée. Il contient une photo du groupe, un stylo et un très joli
porte-clés. Ce n'est que la première belle surprise !
Tristan
DECAMPS [19h-19h30]
J'ai déjà eu l'occasion d'écouter Tristan Décamps, le fils de Christian Décamps,
à l'occasion de son concert le 6 aout 2017, alors qu'il était à l'affiche du
festival Rock au Château. Si j'avais beaucoup apprécié son magnifique timbre de
voix, en revanche je confesse ne pas avoir été complètement séduit. J'avais
davantage en tête d'autres artistes inscrits sur l'affiche (LAZULI, MAGMA,
CARAVAN, notamment). Cependant, avec le recul je suis content de le réentendre
ce soir car, outre ses qualités que je lui avais déjà reconnues, je me suis
depuis familiarisé avec la planète Ange et ses satellites.
Il aborde la soirée avec humour et dérision, faisant
entendre au micro une conversation téléphonique avec son père simulant son
impossibilité de participer à la soirée.
Tout de blanc vêtu, seul avec son micro et son
clavier, il s'exprime avec une sonorisation parfaitement limpide. Un éclairage
basique et l'absence d'effets spéciaux rendent la prestation captivante ; le
personnage exprime avec talent et éloquence son chant à la fois passionné et
mélodique. Cette fois encore le timbre de sa voix m'impressionne et sa
tessiture s'étale avec puissance et justesse. Les textes francophones sont
beaux.
Bref, un programme court mais dense en émotions
provoque une ovation méritée pour l'artiste qui aura ainsi opportunément
chauffé sa voix pour le reste de la soirée.
PROGRAMME
La Tisane de Verlaine
Botticelli Sérénade
Le bal des Laze (reprise de Michel Polnareff).
ANGE [19h50-22h40]. Depuis 1969, grâce à la volonté de Christian Décamps (73 ans), ANGE perdure dont son univers à part, poétique et
inclassable. Ce groupe a connu un notable succès dans la France des 70's, puis nos
"très perspicaces" média sont vite passés à autre chose et l'ont
oublié. Il convient de souligner que les nombreux claquements de portes n'ont
rien arrangé pour leur notoriété.
Mais cependant l'effectif semble enfin se stabiliser
depuis une bonne quinzaine d'année, puisqu'il se compose de Christian Décamps (chant, claviers depuis 1970, seul membre fondateur donc), Tristan Décamps (47 ans, claviers, voix
depuis 1997 et fils du premier), Hassan Hajdi
(54 ans, guitare depuis 1997), Thierry Sidhoum
(basse depuis 1997), et Benoît Cazzulini
(batterie depuis 2003, neuvième titulaire
du poste, quand même !).
Bon an, mal an, Christian Décamps peut se permettre de
commémorer les cinquante années
d'existence du groupe.
Dans un Trianon dont l'acoustique m'a toujours semblé
excellente, la sonorisation m'a paru très bonne ; aucune protection auditive ne
me paraîtra nécessaire.
Avec un éclairage satisfaisant à la fois pour les yeux
et pour les objectifs, la scène fut sobre, dépourvue de superflu, afin
d'accueillir le grand nombre d'invités qui était prévu. En fond de scène, un
écran diffusait alternativement des images suivant la chronologie du groupe et
des dessins de Phil Umbdenstock.
Moi qui me plains souvent de la quasi disparition des
interventions d'invités sur les scènes de concerts, (d'autant plus déplorables lors de festivals), je ne puis que me
réjouir de cette somptueuse soirée durant laquelle huit anciens membres sont
revenus partager de bons moments avec le groupe et son public.
La présence la plus appréciée fut sans aucun doute celle
de Francis Décamps aux claviers ; le
quasi cofondateur du groupe, et frère de Christian, avait malheureusement
quitté le navire dès 1995 en raison de fâcheuses querelles. Le revoir aux côtés
de son frère et de son neveu pendant la quasi-totalité de la soirée a entretenu
une atmosphère émotive non négligeable ! Nous assisterons aussi à la
participation du bassiste Daniel Haas,
du guitariste Serge Cuénot, du bassiste
Laurent Sigrist, du batteur Fabrice Bony, du batteur Hervé Rouyer, du batteur Jean-Claude Potin et de la chanteuse Caroline Crozat !
La programmation eut le bon gout de respecter
l'évolution chronologique du groupe franc-comtois, accordant ainsi une cohérence
à l'événement ainsi qu'une grande satisfaction aux plus fidèles admirateurs. Deux
titres représentaient chacun des albums les plus anciens mais, très
étonnamment, le célèbre "Le
Cimetière Des Arlequins" (1973) me semble avoir été oublié, même si la reprise de
Jacques Brel qui y figure. Cela aura bien été la seule fausse note de la
soirée… Ce sont donc vingt-trois titres (hormis
la bande son en intro) qui furent interprétés pour un public ravi pendant plus
de deux heures cinquante !
Parmi les nombreux grands moments je pourrais citer
tout particulièrement les soli somptueux d'Hassan Hajdi, le talent vocal, la
bonne humeur de Caroline Crozat ou encore la polyphonie Cœur de Chauffe venue de la Creuse pour chanter a capella une belle
version de "Les longues nuits
d'Isaac".
Point d'orgue à cette magnifique soirée, le rappel
permettra à tous les musiciens présents ce soir de venir interpréter ensemble
un fort à propos "Hymne à la vie".
Le public était certes de toutes façons conquis
d'avance, mais les ovations successives aux titres, puis celle après le final
ont montré un réel plaisir partagé par tous !
Ce concert aura encore accentué mon intérêt pour ce
groupe injustement oublié dans l'Histoire du rock français. Sans me revendiquer
en tant qu'admirateur inconditionnel, je pense cependant déjà à leur prochaine
prestation dans mon rayon d'action. Tiens, ça tombe bien ; dès ce 2 aout je compte
bien les voir dans leur fief à Villersexel à l'occasion du festival Rock au
Château ! (et hop !)
PROGRAMME
Caricatures (a cappella hors scène par Francis Décamps)
[Caricatures, 1972]
Le chien, la poubelle et la
rose (avec Francis Décamps) (Thème final) [Tome
VI, 1977]
Dignité (avec Francis Décamps
aux claviers et Tristan Décamps au chant) [Caricatures,
1972]
Le soir du diable (avec Francis
Décamps, claviers et Daniel Haas,
basse [1971-1977, 1988-1995]) [Caricatures, 1972]
Fils de Lumière (avec Francis
Décamps, claviers et Daniel Haas, basse) [Au-delà
du délire, 1974]
Les longues nuits d'Isaac (chanté
par le chœur Cœur de Chauffe) [Au-delà du
délire, 1974]
Sur la trace des fées (avec Francis
Décamps, claviers et Daniel Haas, basse) [Emile
Jacotey, 1975]
Ode à Émile (avec Francis
Décamps, claviers et Daniel Haas, basse) [Emile
Jacotey, 1975]
Réveille-toi (avec Francis
Décamps, claviers et Daniel Haas, basse et Tristan Décamps au chant) [Guet-apens, 1978]
Capitaine cœur de miel (avec Francis
Décamps, claviers et Daniel Haas puis Thierry Sidhoum, basse) [Guet-apens, 1978]
Vu d'un chien (Avec Serge Cuénot guitare [1982-1987, 1990],
Laurent Sigrist, basse [1982-1987], Fabrice
Bony, batterie [1993] et Hervé Rouyer,
batterie, percussions [1995, 1997-2002]) [Vu
d'un chien, 1980]
La gare de Troyes (avec Francis
Décamps, claviers, Serge Cuénot, Laurent Sigrist et Jean-Claude Potin, batterie [1982-1986]) [La gare de Troyes, 1983]
Là pour personne (avec Francis
Décamps aux claviers, Serge Cuénot, Laurent Sigrist & Jean-Claude Potin) [Fou !, 1984]
Fou (Duo avec Caroline Crozat, chant, chœurs [2001-2010] et Francis
Décamps à l'accordéon) [Fou !, 1984]
Crever d'amour (Duo avec Caroline
Crozat et Tristan Décamps) [Fou !, 1984]
Le ballon de Billy (avec Francis
Décamps, claviers et Daniel Haas, basse et Fabrice Bony) [Les Larmes du Dalaï Lama, 1992]
Quasimodo (Avec Hervé Rouyer aux
percussions) [Rêves-parties, 2000]
Le rêve est à rêver (avec Hervé
Rouyer) [La Voiture à eau, 1999]
Les collines roses (avec Caroline
Crozat et Hervé Rouyer) [Le bois
travaille, même le dimanche, 2009]
À l'ombre des pictogrammes [Le bois travaille, même le dimanche, 2009]
La colère des dieux
(Apocalypso) (Avec Fabrice Bony) [Emile
Jacotey résurrection Live, 2015]
L'autre est plus précieux que
le temps [Heureux !, 2018]
Ces gens-là (reprise de Jacques
Brel).
RAPPEL :
Hymne à la vie (Avec tous les
invités de la soirée) [Par les fils de
Mandrin, 1976].