Voilà plus de trente années que
je n'étais pas retourné voir Véronique SANSON. C'était à l'Olympia le 28
février 1989 lors de sa tournée "Moi,
le venin". Pas plus à cette époque que maintenant je ne fus un admirateur
inconditionnel de la dame ; c'est indéniablement une bonne chanteuse et elle a
surtout le mérite de composer tous ces titres et d'écrire seule de magnifiques
textes, mais d'autres artistes sont plus ou moins dans ce cas sans pour autant
valoir mon déplacement. En fait, à l'époque c'était dans une démarche militante
que je m'étais décidé à assister à son concert.
Il faut se rappeler que sa
chanson intitulée "Allah"
avait offensé des oreilles paranoïaques et intolérantes. En dépit
d'explications de texte, ce titre avait été censuré dans de nombreux médias et
l'album fut même retiré de certains points de vente ! Cette atteinte à sa
liberté d'expression fut de surcroît tolérée par quelques élites, ce qui me
décida à la soutenir, espérant bien qu'elle maintiendrait son répertoire en
concert. Hélas, j'avais été bien déçu par le retrait dudit titre.
Cependant, à l'occasion de ce
concert, je m'étais aperçu que la dame savait bien s'entourer pour proposer un
spectacle qui m'a semblé davantage rythmé par du rock que par une variété
populaire dont on aurait pu a priori la soupçonner. Section de cuivres,
choristes, guitaristes et percussionnistes de tous poils soutenaient la belle
quadragénaire rentrée des Etats-Unis depuis quelques années.
Voilà pour mes antécédents. Cette
fois, ma p'tite Fée n'ayant pas encore eu l'occasion de voir cette artiste,
j'ai saisi une opportunité d'acquérir des entrées à prix abordable. Or, sans
l'avoir particulièrement ciblé, il se trouve que ce 24 avril constitue son
soixante-dixième anniversaire. Ce sera une raison supplémentaire de s'émouvoir,
d'autant plus que des soucis de santé ont bien failli interrompre
définitivement sa carrière. Ce printemps lui permet de reprendre la tournée
promotionnelle de son quinzième album "Dignes,
Dingues, Donc" paru en 2016.
La soirée était annoncée
"complet", toutefois nous n'avions pas de voisins à nos sièges qui,
il est vrai, n'étaient pas très enviables. Puisque nous n'avions pas tenu à
payer trop chère notre entrée, fatalement nous n'avons pas bénéficié du
meilleur emplacement ! Excentrés en surplomb sur la gauche de la scène, on ne
voyait pas le fond et donc les musiciens qui s'y trouvaient (le batteur, les
deux choristes, et le quatuor de cordes). Néanmoins, le piano de la Dame était
orienté en notre faveur, ce qui fut agréable, même si on était loin. Hormis
notre position, la salle était bel et bien pleine comme un œuf, d'un auditoire
conquis d'avance. La moyenne d'âge est relativement élevée, je dois représenter
ce chiffre, très probablement …
L'éclairage fut correcte (rien
d'extraordinaire) et la sonorisation fut très bonne, même si l'acoustique de la
salle à cet endroit laissait percevoir un peu de réverbération. Mais les
pupitres étaient parfaitement équilibrés autour de la voix principale. Cet
équilibre sonore s'imposait car sur scène pouvaient participer une bonne
douzaine de musiciens ; outre les sept précités, il y avait une section de
cuivres (trombone, saxophone et trompette), un claviériste, un bassiste et un
guitariste.
Voilà pour le cadre. Après, c'est
affaire de gout et de perceptions. On accroche ou pas, mais on ne peut pas
rester indifférents aux rythmes assez variés. Véronique Sanson n'est pas
particulièrement à l'aise pour parler à son public, elle l'avoue elle-même ;
elle chante mieux qu'elle ne parle. Cela tombe bien, c'est ce que nous sommes
venus écouter. Ses ennuis de santé n'ont fort heureusement pas altéré son
timbre de voix, toutefois sa tessiture est désormais limitée ; je l'ai
particulièrement remarqué sur des titres comme "Vancouver". Cela n'a cependant rien de rédhibitoire car elle parvient
à adapter son chant à l'octave requis, voire laisser astucieusement chanter le
public à sa place. La comparaison avec son concert d'il y a trente ans
nécessite donc une légère indulgence qui me permet d'apprécier le talent de
cette remarquable artiste.
Son fils, Chris Stills, a assuré
la première partie de soirée au sein d'un trio. Du bon rock américain, efficace
sans être renversant. Mais j'imagine l'émotion qui devait l'étreindre. D'autant
plus lorsqu'il est revenu lors du rappel de sa maman pour interpréter avec
elles "On m'attend là-bas"
!
Habituellement, dans mes récits
je tente toujours d'énumérer les musiciens ; mais si Véronique prend bien soin
de les présenter et les remercier, en revanche je serai bien incapable de
trouver un site pour trouver leurs noms. J'ai surtout remarqué le bassiste (un
très fidèle collaborateur semble-t-il), mais aussi le trombone et le saxo. Ils
ont eu la possibilité de s'exprimer assez librement surtout lors d'une impro
bien jazzy aux cuivres. Autres interventions notables, (mais pas indispensable)
celles de Christophe Maé et Vianney, chanteurs apparemment appréciés de Madame
et d'une partie de son public (…). A mon humble avis, le mec au djembé aurait
pu également s'abstenir, tout comme les deux individus (danseurs ?) venus
s'agiter inutilement… M'enfin disons que la soirée s'est passée sans trop de
fausses notes.
J'ignore si ce jour anniversaire
aura justifié la longueur du concert, mais le fait est que de 21h40 jusqu'à
minuit dix (et des poussières) nous
eûmes droit à une large évocation de son répertoire avec vingt-trois chansons
tirées de treize de ses quinze albums.
PROGRAMME :
Dignes, dingues, donc... (Dignes, Dingues, Donc..., 2016)
Radio Vipère (Moi, le venin, 1988)
Monsieur Dupont (Laisse-la vivre, 1981)
Marie (Moi, le venin, 1988)
Ces moments-là (Dignes, Dingues, Donc..., 2016)
Vols d'horizons (Plusieurs lunes, 2010)
Ainsi s'en va la vie (Véronique Sanson, l'Album blanc, 1985)
Je me suis tellement manquée (Indestructible, 1998)
Et je l'appelle encore (Dignes, Dingues, Donc..., 2016)
L'écume de ma mémoire (Dignes, Dingues, Donc..., 2016)
La loi des poules (Dignes, Dingues, Donc..., 2016)
Chanson sur ma drôle de vie (avec
Vianney) (De l'autre côté de mon rêve,
1972)
Vancouver (Vancouver, 1976)
Amoureuse (Amoureuse, 1972)
Besoin de personne (avec Christophe
Maé) (Amoureuse, 1972)
Rien que de l'eau (Sans regrets, 1992)
Et s'il était une fois (Dignes, Dingues, Donc..., 2016).
RAPPEL :
Bernard's Song (Il n'est de nulle
part) (Hollywood, 1977)
On m'attend là-bas (avec Chris
Stills) (Le Maudit, 1974)
Toute une vie sans te voir (7ème, 1979)
Ma révérence (7ème, 1979)
Visiteur et voyageur (Sans regrets, 1992)
Bahia (Amoureuse, 1972).
Très émouvant final durant lequel
Véronique se confia avec quelques chansons intimes, seule avec son piano. On
croit deviner l'artiste, mais aussi la femme, qui au fil de sa carrière et de
sa vie, aura consommé sa vie pleinement mais ainsi accumulé sources de
scrupules et de mélancolie. J'ai senti l'émotion étreindre sa gorge plus d'une
fois et des frissons parcourir mon dos. Voici, pour mémoire quelques extraits
de ses paroles finales qui en disent longs :
"Toute ma vie sans te voir
C'est ça qui me fait mal
C'est ça qui me fait vieillir
Et j'ai perdu mon âme
Quand j'ai perdu ton sourire"
"Oh, j’ai beaucoup voyagé
Je suis partie sans le vouloir
Mais j’ai comme des pierres dans ma mémoire
Je suis comme un pion qu’on peut pas jouer
Tout seul"
"Quand j'n'aurai plus le temps
De trouver tout l'temps du courage
Quand j'aurai mis vingt ans
A voir que tout était mirage
Alors j'entends au fond de moi
Une petite voix qui sourd et gronde
Que je suis seule au monde."
Bon, globalement ce fut une bonne soirée. Notre passion pour la
richesse musicale qu'exprime le rock progressif explique probablement une
certaine exigence qui nous gêne pour nous extasier comme le reste de
l'auditoire de ce soir. Cependant je ne regrette pas le déplacement et je rends
hommage à cette artiste qui sait raconter sa vie avec pudeur et poésie. Son
talent me semble bien au-dessus du lot de ce que les médias français veulent
bien nous délivrer …