Depuis un peu plus d'un an, des âmes bienveillantes
avaient attiré mon attention sur des vidéo musicales diffusées sur YouTube,
montrant ce surdoué des claviers. Evidemment impressionné par le personnage, il
est cependant difficile de suivre tous les artistes ; celui-là, comme d'autres,
avait vocation à poursuivre ses prestations à mon insu. J'avais bien vu vaguement
qu'il passait en Europe pour quelques dates, mais mon calendrier était déjà
bien chargé et j'avais donc délibérément négligé ce concert.
Toutefois, en discutant sur les réseaux sociaux j'ai
pressenti le danger de manquer une soirée présentée comme, je cite : "Le 1er concert en France du
"Jimi Hendrix de l'Orgue Hammond" !". Je me suis donc donner
pour objectif d'arriver à temps au New Morning ce dimanche soir, après mon
retour du Spirit of 66 par des routes encombrées, même si cela relevait de la gageure.
Malgré tout, je parviens à me présenter à l'entrée où patiente une petite quinzaine
de mélomanes sous une bruine glaciale de nuit hivernale. En dépit de la raison
de notre présence ici, nous ne pouvons ignorer l'excitation des rues alentour ;
notre public s'étoffera à l'issue de la finale de la coupe du monde de
football.
Cet établissement dispose d'une capacité de 500 places. (Ce soir, il restait de la place)
Lorsque les portes s'ouvrent enfin, je pensais naïvement
pouvoir me procurer un ticket d'entrée au guichet, mais non. Il m'est demandé
d'en commander un sur internet (26 €), de le télécharger puis de montrer le
code barre. Drôle d'époque décidément ; sans mon portable je ne pouvais tout
simplement pas participer au concert !… Le temps que j'accomplisse la
procédure, évidemment tous les autres me passent devant… Mais bon, ce n'est pas
bien grave car la configuration de l'auditorium offre de bonnes conditions
d'écoute et de positionnement. Une fois admis, j'aurais pu me placer au bord de
la scène, au pied du clavinet, mais je préfère rester un peu en retrait, en me
calant sur la gauche, du côté dudit pupitre.
ROSAWAY [19h45-20h35].
Ce duo français, mais anglophone, fondé en 2017 exprime une musique qualifiée d'électro-pop-jazz et
se compose, d'après les sites consultés, de musiciens anonymes officiant sous
les pseudonymes "Rachel" et
"SteF" ; une présentation
rapide en fin de prestation ne m'a pas permis d'entendre les patronymes. On
n'en saura pas davantage. (Ajout du 15/2/23 : je viens d'apprendre qu'il y a Rachel Ombredane)
Ils ont enregistré trois monoplages, "Walk" (2019), "Midnight" (2021), "Freedom" (2018) et deux mini albums
(4 titres) "Stranger"
(2019) et "Dreamer" (2020).
Une excellente sonorisation a permis au duo de
s'exprimer de manière audible. Les pupitres de micro, flûte et batterie furent
constamment perceptibles. Pour la petite partie de la scène qui leur était
dévolue, le duo dispose d'un éclairage tamisé, mélange de blanc chaud et blanc
froid, mais cependant suffisant pour distinguer les musiciens.
Le duo montre un certain gout pour la mise en scène ; les
deux acolytes se présentent dos à dos, lui, est coiffé d'un large chapeau rouge
écarlate et elle, dotée ma foi d'une jolie plastique, est en soutien-gorge.
Sur le plan musical, très vite, je perçois ce qui va
m'agacer. Comme beaucoup, j'apprécie mieux ce que je comprends. Or, je ne
comprends pas ce recours à une boite à sons ; à la rigueur je le tolèrerais
mieux pour des musiciens de trottoir ou de métro. Oui, je suis de la vieille
école ; ma conception d'un concert, c'est un musicien, un instrument, ou
l'inverse. Un instrument pour plusieurs musiciens, ou un musicien pour
plusieurs instruments. Remplacer ces deux éléments par une machine me parait
incongru et surtout sans âme.
Cependant, je parviens à surmonter cet écueil, et à apprécier
cette musique à la fois légère et dansante, alliant effectivement électro, pop,
et jazz avec une certaine élégance. "Rachel" dispose d'une belle voix
au timbre rappelant souvent le gospel ou la soul. Très à l'aise et expressive
avec sa flûte traversière elle dégage une personnalité captivante et intense.
Quant à "SteF", il occupe son poste de batteur avec une admirable
ferveur, une belle énergie. L'ensemble produit une ambiance entrainante.
Au final je suis donc assez séduit par la prestation, mais
compte tenu du concept j'aurais juste donné une obole dans leur panier en osier,
avant de me précipiter pour attraper mon métro.
Le public s'enthousiasme volontiers et accorde de
belles ovations. Quant à moi j'applaudis poliment pour leur talent individuel
indéniable.
Titres du
programme à déterminer.
LACHY
DOLEY [21h-22h40]
Lachlan R "Lachy"
Doley est né le 21 avril 1978 et a
grandi à Adélaïde (Australie). Chanteur et auteur-compositeur, il a débuté
musicalement avec Clayton, son frère ainé qui se chargeait de l'orgue Hammond,
pendant que lui se chargeait déjà du clavinet. Ils jouent longtemps ensemble,
puis en 2011, Lachy se lance dans un parcours en solo. Il fonde ensuite The Lachy Doley Group en s'entourant
d'un bassiste et d'un batteur, avec lequel il enregistre un album qui parait en
septembre 2013 sous son propre label.
A ce jour, son trio se compose du batteur Jackie Barnes et du bassiste Joel Burton.
Sa discographie est compliquée à déterminer (entre concert
semi-acoustique ou pas, et studio…) mais son album le plus récent est "Studios 301
Sessions", paru le 17
Septembre 2021, chez le label All the
Stops. Cette prestation s'intègre dans une tournée européenne comprenant
neuf concerts en douze jours, dans sept pays. Ils disposent pour seul chauffeur
et technicien de tournée, de Wouter Bakker.
L'acoustique de ce véritable écrin idéal pour les
musiciens, a permis de jouir d'une sonorisation parfaitement adaptée à
l'atmosphère voulue. Un éclairage tamisé, principalement blanc (chaud ou froid)
parfois légèrement irisé, à l'ambiance de club, a mis en valeur les musiciens
et leurs instruments avec sobriété mais efficacité. Seul le mur de fond était parfois
teinté. La scène n'est pas bien grande, surtout au regard de l'agitation
constante de Lachy, mais cela contribue sans doute au trio d'entretenir sa
complicité.
Sa prestation est parfaitement conforme à mes
impressions issues des visionnages de vidéos. Cet artiste vit totalement et
sincèrement sa musique ; on peut dire qu' "il a le blues dans la peau". Il n'en demeure pas moins extraverti
et charismatique ; il n'est pas du genre enfermé dans une mélancolie
inconsolable. Que nenni, il raconte sa vie, ses émotions. Il tape les mains qui
se tendent vers lui, il rit, il sautille vers ses acolytes, quand ce n'est pas
sur son siège. Intenable et très expressif, il se dresse debout aux accords les
plus énergiques, ou se colle au clavier comme pour approfondir sa tonalité
plaintive. Il se penche vers le public pour attiser son excitation, ou vers le
levier du clavinet pour accentuer les sonorités guitaristiques.
Jackie Barnes et Joel Burton font preuve de beaucoup
de complicité, les regards, les sourires en disent long sur l'ambiance au sein
du trio. Les deux soutiens montrent une grande efficacité, alliant finesse et
énergie selon les tempi.
Le meneur transmet sa passion avec bonheur. Ce mec est
tout simplement réjouissant, avec lui le blues n'est pas triste. Enfin, pas
définitivement. Son énergie débordante est communicative. Le public répond avec
enthousiasme et entretient ainsi la satisfaction du trio à jouer pour la
première fois dans cette salle parisienne.
Parmi douze titres,
il interpréta trois reprises des
années 70, mais aussi deux titres
issus de "Make or Break" 2019), cinq de "Conviction"
(2015), un de "Lovelight" (2017) et un de "S.O.S.
(Singer Organ Soul " (2013).
PROGRAMME
Stop Listening To The Blues (Conviction, 2015)
Conviction (Conviction, 2015)
Voodoo Child (J Hendrix, 1970)
Give It (But You Just Can’t
Take It) (Make or Break, 2019)
Only Cure for the blues is
the blues (Lovelight, 2017)
Make It Up (Conviction, 2015)
Use Me (Bill Withers) (Conviction, 2015)
Frankly My Dear I Don’t Give
A Damn (Conviction, 2015)
Enchainé avec Just kissed my baby (the Meters, 1974)
A Woman (Make or Break, 2019)
Still In Love (S.O.S. (Singer Organ Soul), 2013).
RAPPEL :
Pour info, le
surlendemain au Spirit of 66 ils joueront : Gimme Some Lovin (Spencer Davis
Group, 1967), et Fortunate Son (Creedence Clearwater Revival, 1969) avec comme
invité leur roadie Wouter Bakker.
A l'échoppe (qui
était restée sans surveillance pendant toute la soirée !!), ce sont les
trois musiciens en personne qui se rendent disponibles pour proposer leurs
marchandises ; CD, t-shirt, poster. Disponibles aussi pour dédicacer leurs
albums (j'en prends deux) et discuter
de leur prestation ! Avec un peu de patience, ils posent volontiers pour un
portrait. Leur état d'esprit est d'une fraicheur admirable ! Je leur ai dit et
je le pense sincèrement : "Be back,
the sooner the better !".
A lire les réactions/remerciements des trois musiciens
sur leur page Facebook au moment de rentrer au pays, je pense qu'ils auront
conservé une excellente impression de leur accueil. On peut raisonnablement
estimer les revoir en 2023 !