Un des motifs de
mon déplacement était de découvrir cette salle de concerts que je n'avais pas
encore hanté depuis son ouverture au public en avril 2017.
Située sur la
pointe aval de l'île-Seguin, ancien site des usines Renault, la Seine musicale est constitué de plusieurs bâtiments dont l'aspect est sensé faire penser à un
vaisseau. Parmi ces structures se trouve le grand auditorium qui peut contenir 6
200 mélomanes en configuration fosse (debout) /balcon (assis). C'était
manifestement le cas et le spectacle était à guichet fermé depuis belle
lurette.
L'autre motif de
ma présence sur ce lieu, il est bien entendu musical. Malgré les incitations
d'un entourage insistant, le précédent concert d'ARCHIVE (le 30 octobre 2015 au
Zénith de Paris, pour la tournée "Restriction")
ne m'avait pas emballé. Des amis incrédules m'avaient alors soupçonné d'avoir
eu un coup de fatigue, d'avoir eu l'esprit ailleurs ou encore d'avoir été
victime d'un mauvais alignement des planètes. Considérant qu'il pouvait y avoir
un peu de tout cela, j'ai fini par accepter d'accompagner ma p'tite Fée qui,
elle, raffole de cette musique. J'ai pourtant attendu la dernière minute pour
acquérir le ticket d'entrée. Réputé complet, je me rendis aux abords sans garantie
de pouvoir entrer. Opportunément, un couple se trouvait désemparé par la
défection d'un ami ; je les ai donc soulagés en rachetant le ticket pour 50€
(au lieu de 53). Je me disais alors vaguement qu'il s'agissait d'un signe du
destin, qui me donnait une seconde chance de trouver la porte de cet univers
resté partiellement mystérieux à mes oreilles.
La chance
continuait à me sourire une fois dans l'enclos ; nous pûmes nous placer au centre,
au quatrième rang du bord de scène ! Fidèle à sa chance légendaire, ma p'tite
Fée a ainsi trouvé deux géants (bien plus
grands que moi !) qui ont bien voulu se positionner juste devant elle.
C'est avec un bonheur sans partage qu'elle oscillera toute la soirée pour
capter le spectacle visuel. Mais fort heureusement il lui reste encore ses
oreilles pour écouter, à défaut de ses yeux pour voir !...
Peu avant 20h,
une bande-son commence à placer le public dans une atmosphère électro.
Lorsque les
lumières s'éteignent enfin, les neuf musiciens, dont les deux chanteuses, me
laissent croire à une magie naissante. La perfection de l'acoustique de ce
magnifique auditorium permet de savourer un son d'une puissance terrible et
d'une clarté limpide. Un pur régal pour les admirateurs du genre ; cette
sensation ne s'estompera pas de la soirée.
Le premier
titre, "You
Make Me Feel" me
transporte immédiatement et semble alors m'inviter à une totale conversion. Serais-je
enfin séduit par ces troublants personnages qui ne semblent guère apprécier le
feu des projecteurs ? L'éclairage est constitué de jeux denses de lumières très
colorées mais maintenant paradoxalement une relative obscurité. L'absence
d'écran accentue l'impression d'enfermement dans un lieu sombre.
Mais les admirateurs n'en ont cure et sont tous là pour se remuer et faire la fête avec le groupe qui commémore ses vingt-cinq ans. Il fut en effet fondé en 1994 par Darius Keeler (claviers) et Danny Griffiths (claviers, effets sonores, échantillonnages). Autour de ce duo, se sont greffés Dave Pen (guitare, chant depuis 2004), Pollard Berrier (chant, guitare depuis 2005), Steve Barnard (batterie depuis 2001), Jonathan Noyce (guitare basse depuis 2007), Mike Hurcombe (guitare depuis 2014), Maria Q (chant, chœurs depuis 2001) et Holly Martin (chant depuis 2015).
Leur douzième
album "The False Foundation",
paru en 2016, ne m'a pas semblé renversant, loin de là. D'autres opus, comme "Lights" (2006), "Controlling Crowds" (2009) ou "Axiom" (2014) m'avaient au moins
partiellement ému. Toutefois, leur mélange de rock électronique, de trip hop, de
post-rock et d'un zeste de rock progressif (il faut le chercher, celui-là !) n'est
pas parvenu à me séduire au point d'acquérir tout ou partie de leur
discographie. Je possède "Lights"
mais il ne sort pas souvent de son emplacement …
Cependant, alors
que les minutes passent, je me surprends peu à peu à ressentir les mêmes
impressions que lors du concert de 2015. Loin des musiques complexes que
j'admire tant dans mes écoutes favorites, je trouve que celle-ci n'offre que
trop de lignes mélodiques linéaires, répétitives et sans ruptures. ARCHIVE me semble
entretenir sa séduction musicale en invitant l'auditeur dans une transe presque
tribale, rythmée par une frappe binaire et vite lassante pour l'oreille
réticente… Les deux guitaristes se partagent les chants masculins avec justesse
mais un timbre qui me parait faible et une tessiture relativement limitée. Un
troisième guitariste demeure physiquement en retrait au côté de la batterie et
pourtant il parvient parfois à faire ressortir quelques rares accords bien
placés. Quant au bassiste, lui aussi dans l'ombre et en retrait de l'autre côté
de la batterie, il m'a paru carrément transparent, noyé sous les notes de
substitution venant des deux synthétiseurs. Il faut dire que les deux chefs
d'orchestres se font face chacun d'un côté de la scène, dotés de claviers, de
séquenceurs ou d'autres divers outils de bidouillages avec lesquels ils
rivalisent pour créer des atmosphères plus ou moins planantes ou des sons
improbables.
De surcroît, je
décèle peu (voire pas) de charisme dans ces musiciens austères et taciturnes. Je
veux bien admettre leur droit à se taire, à ne s'exprimer qu'au travers de leur
art ; j'ai trop souffert d'artistes bavards à l'excès ! Mais quand même, une
touche d'humanité dans leur monde lugubre et électro serait la bienvenue… J'ai
noté qu'il aura fallu une heure et demie pour que Dave daigne s'adresser au
public ! Et encore ce fut juste pour présenter des invités sur un titre !!...
Tout cela crée le
plus souvent une ambiance de boite de nuit. On peut aimer. Le public en pleine
ébullition aime, se tortille, sautille et sourit. Pas moi. Heureusement que la
sonorisation fut parfaite, les pupitres équilibrés me permirent de distinguer
quelques séquences divines. Notamment lorsque le bûcheron suspend ses frappes mécaniques
pour laisser chanter les filles, dont les voix donnèrent un peu de fraîcheur à
ce programme.
Leur quart de
siècle est cependant dignement représenté avec des titres attendus.
PROGRAMME
ACTE
1 (20h-21h55) :
You Make Me Feel (Take My Head, 1999)
Fuck U (Noise, 2004)
Pills (Controlling Crowds Part IV, 2009)
Bullets (Controlling Crowds, 2009)
Kings of Speed (Controlling Crowds, 2009)
Noise (Noise, 2004)
Kid Corner (Restriction, 2015)
Violently (With Us Until You’re Dead, 2012)
System (Lights, 2006)
Wiped Out (With Us Until You’re Dead, 2012) (version longue)
Shiver (Axiom, 2014)
Collapse/Collide (Controlling Crowds, 2009)
Splinters (The False Foundation, 2016)
Remains of Nothing (2019) (avec Russell Marsden et Emma Richardson Band of Skulls)
End of Our Days (Restriction, 2015)
The Empty Bottle (Controlling Crowds, Part IV, 2009) (version courte avec Mike -?- à la guitare)
Dangervisit (Controlling Crowds, 2009)
ACTE 2 (22h15-23h35) :
Lights (Lights, 2006)
Nothing Else (Londinium, 1996)
Erase (2016)
Finding It So Hard (You All Look the Same to Me, 2002)
The Hell Scared Out of Me (2019)
Controlling Crowds (Controlling Crowds, 2009)
Numb (You All Look the Same to Me, 2002) (avec Russell Marsden et Emma Richardson Band of Skulls).
RAPPEL :
Again (You All Look the Same to Me, 2002) (avec Mike Peters à l'Harmonica).
La soirée s'est ainsi
déroulée en deux actes. Je n'ai pas su tenir longtemps dans les premiers rangs après
le début du second, une terrible soif obsessionnelle s'en est pris affreusement
à ma gorge. Il fallait que je me désaltère coûte que coûte. J'ai ainsi pu
vérifier la densité de la foule derrière nous ! Il m'aura fallu beaucoup
d'efforts pour atteindre enfin le bar, sous des regards incrédules, agacés ou
méprisants ! D'habitude plutôt auditeur bienveillant, je me surprends à rester
sceptique, sur le banc d'une gare pour voir passer un train de bonheurs ...
Malaise.
En me retournant
ensuite, même avec ma tisane bien fraîche à la main je ne suis pas parvenu à
trouver la fameuse Porte, celle qui a permis au reste de l'auditoire d'accéder
au Paradis. Même durant le très bon titre "Again" qui m'a laissé
aussi froid que mon verre. Mais à ce niveau de déception il m'était difficile
de refaire surface.
toujours excellent tes chroniques, j'adore (ta chronique, hein ! ;) )
RépondreSupprimerJe remercie Asgard, mais pour moi ce n'est pas une chronique ; mon simple relevé d'impressions n'a rien de professionnel. Ce n'est qu'un récit, un simple avis de mélomane passionné ! ;)
SupprimerComme toujours, c'est un régal de te lire. J'ai décroché d'Archive depuis déjà quelques albums. Et je me retrouve complètement dans ton récit.
RépondreSupprimerMerci,cher inconnu. Ravi de faire partager mes impressions !
SupprimerEffectivement, je n'ai pas compris pourquoi le pseudo n'est pas apparu. Si je te dis Obélix (après PZ ), tu dois pouvoir me situer. 😉
RépondreSupprimerAutre indice, chemical.